Madame la présidente, merci encore de me donner l'occasion de m'adresser une fois de plus au Comité.
Je suis accompagné de mon sous-ministre, du chef d'état-major de la défense par intérim et du juge-avocat général pour répondre aux questions.
Je tiens d'abord à apporter une précision, madame la présidente. Je comparais parce que, de ce côté-ci de la Chambre, nous avons un profond respect pour les traditions du Parlement. L'une d'elles est le principe de la responsabilité ministérielle.
Le gouvernement croit que les ministres doivent rendre compte des décisions gouvernementales et des actes de leur personnel politique à la Chambre des communes. Nous avons collaboré avec les députés et nous avons rendu des comptes. C'est notre responsabilité, et nous l'avons assumée avec empressement.
Je comparais aujourd'hui parce que, en tant que membre du Cabinet, je parle au nom du gouvernement et de ceux qui y travaillent. Soyons clairs: les membres du personnel politique non élus doivent rendre des comptes aux membres du Cabinet, et le Cabinet doit rendre des comptes au Parlement.
Les conservateurs ont cru en ce principe fondamental il y a plus d'une décennie, lorsqu'ils étaient au pouvoir sous la direction du premier ministre Harper. C'est même un ministre conservateur des Affaires étrangères, John Baird, qui a expliqué au Comité pourquoi le gouvernement Harper refusait de laisser son personnel témoigner.
M. Baird a dit:
Si vous avez un problème avec mon personnel ou mon bureau, adressez-vous à moi. Vous ne pouvez pas traîner des gens devant ce comité pour les interroger de façon hostile et partisane — d'autant plus quand ces gens sont incapables de se défendre. Si vous avez un problème avec le gouvernement, notre système veut que vous vous adressiez aux ministres.
Les ministres sont responsables.
Ou peut-être l'opposition voudrait-elle entendre l'ancien premier ministre Harper lui-même:
Monsieur le Président, nos précédents et nos pratiques sont très clairs. Ce sont les ministres qui doivent rendre des comptes à la Chambre et aux comités, non leur personnel politique. Les membres du personnel politique doivent rendre des comptes aux ministres et aux députés pour lesquels ils travaillent.
Le premier ministre Harper et son gouvernement ont ordonné à leur personnel de s'abstenir de comparaître. Les ministres ont comparu à leur place. Malheureusement, les conservateurs d'Erin O'Toole — qui participe lui-même à cette étude, ne l'oublions pas — ont changé d'avis sur l'importance de ce principe fondamental de la responsabilité ministérielle. Ce qui était si important à leurs yeux lorsqu'ils étaient au pouvoir, ils l'ont jeté par-dessus bord maintenant qu'ils sont dans l'opposition. C'est regrettable et dangereux, car il faut que les Canadiens puissent être convaincus que les traditions mêmes de leur Parlement ne seront pas sacrifiées par simple opportunisme politique par ceux qui cherchent à obtenir le pouvoir.
Madame la présidente, l'argument présenté par MM. Baird et Harper était juste. C'était la bonne chose à faire à l'époque, et il en va de même maintenant.
Passons maintenant à la question très importante qui est à l'étude.
Commençons par énoncer ma position de la façon la plus claire possible. Je n'accepte aucune forme d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes ni au ministère de la Défense nationale, quel que soit le grade ou le poste des personnes en cause. Je m'engage à faire en sorte que les victimes aient accès à une gamme de mesures de soutien et soient traitées avec équité et compassion. Je crois fermement à l'indépendance des enquêtes. Ce sont les principes qui me guident dans ce dossier depuis que je suis ministre de la Défense nationale.
Nous devons prendre soin de nos gens et leur offrir un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination. C'est inscrit dans notre politique de défense. C'est écrit dans ma lettre de mandat. C'est aussi conforme à mes convictions personnelles.
L'inconduite sexuelle est préjudiciable au plus haut point. Le gouvernement a travaillé fort pour donner suite au rapport de la juge à la retraite Deschamps. Nous avons mis en place des mesures axées sur la compréhension du problème, la prévention des préjudices, l'intervention en cas d'incidents et le soutien aux personnes touchées.
Nous avons créé le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, qui est complètement indépendant de la chaîne de commandement militaire. Nous avons lancé une nouvelle formation obligatoire. Nous nous sommes associés à Statistique Canada pour mener des enquêtes afin de mieux saisir l'ampleur du problème. Nous avons examiné 179 dossiers anciens qui avaient été classés comme sans fondement. Nous avons créé de nouvelles équipes spécialisées dans la police militaire et au service des poursuites pour lutter contre l'inconduite sexuelle. Nous avons sollicité l'avis d'experts de l'extérieur et nous avons mis en œuvre de nouveaux programmes et de nouvelles politiques. L'an dernier, nous avons publié une stratégie visant à transformer la culture. Tout ce travail était essentiel et fondamental.
Il est clair que l'opération Honour, telle que nous la connaissons, a suivi son cours. Il est devenu évident qu'elle a ses limites. Il est extrêmement clair que nous avons encore beaucoup de travail à faire. Nous tirerons des enseignements des efforts qui ont été fructueux et de ceux qui ne l'ont pas été, et nous élaborerons un plan délibéré pour aller de l'avant.
Nous devons faire en sorte qu'il soit facile et commode pour quiconque, à quelque niveau que ce soit, de signaler un incident, et les mécanismes de signalement doivent inspirer confiance. C'est pourquoi nous élaborerons une structure de signalement indépendante pour examiner toutes les allégations. Comme le premier ministre et moi-même l'avons dit, toutes les possibilités sont envisagées. Nous continuerons d'être guidés par l'équité et le respect de la primauté du droit. [Difficultés techniques] soient maintenus, car personne ne devrait avoir une influence indue sur une enquête. Cela compromet la capacité d'obtenir un résultat juste.
Madame la présidente, on ne peut pas le nier. L'inconduite sexuelle est un problème grave et systémique dans les Forces armées canadiennes. Nous devons prendre des mesures audacieuses pour instaurer une culture où jamais on ne minimise l'importance de l'inconduite sexuelle, ne ferme les yeux ou ne trouve des excuses. Pendant beaucoup trop longtemps, les membres des Forces armées canadiennes ont subi l'influence négative d'une culture qui est influencée par des conceptions dépassées du guerrier, une culture façonnée par l'hypermasculinité, une culture qui valorise l'affirmation de soi, l'agressivité et la compétitivité; une culture qui perpétue les rôles stéréotypés de genre et exclut ceux qui ne correspondent pas au modèle. Cet idéal imprègne les cultures militaires du monde entier. C'est évident dans ce qu'on raconte des bizutages et initiations, dans les incidents constants d'inconduite sexuelle. Ce n'était pas acceptable pas le passé, et ce ne l'est pas plus aujourd'hui.
Nous savons que nous devons changer notre culture afin de prévenir l'inconduite sexuelle. Notre valeur fondamentale qui prône le respect et la dignité pour tous doit régir tous les comportements et toutes les attitudes. Le changement ne se fera pas tout seul. Il faut adopter une approche tenace, méthodique et holistique. Tous les membres de l'organisation doivent s'y investir.
Ces deux derniers mois, les membres des Forces armées canadiennes et les civils de toute l'équipe de la Défense ont eu des discussions importantes sur les problèmes qui persistent dans nos organisations. Elles ont été motivées et éclairées par ceux qui ont fait part de leurs expériences, mais la responsabilité de s'attaquer à l'inconduite sexuelle ne repose pas sur les épaules des victimes. Elle repose sur nous tous.
Il revient aux dirigeants de toute l'équipe de la Défense d'établir une culture où chacun est traité avec dignité et respect. Il appartient aux commandants de protéger leur personnel contre les représailles. Il incombe à tous les membres de notre organisation d'intervenir quand ils sont témoins d'incidents et de se soutenir les uns les autres. Nous devons continuer à bâtir la confiance les uns envers les autres et envers nos organisations, une confiance qui doit être méritée et non tenue pour acquise.
C'en est assez de la politique. Nous devons nous concentrer sur les survivants et les victimes qui se manifestent. Nous devons maintenant agir et changer la culture des Forces armées canadiennes.
Madame la présidente, merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous encore une fois.