Monsieur le Président, c'est un privilège et un plaisir d'intervenir ce soir au sujet de cet important projet de loi. Je vais l'aborder d'un angle un peu différent.
Comme les députés le savent, j'ai été élu pour la première fois en 2019. Je suis donc relativement nouveau à la Chambre. Cette période qui précède la pause estivale est très occupée d'après ce que je comprends. C'est la première fois que j'en fais l'expérience. C'est la première fois que j'observe le gouvernement essayer de terminer son programme législatif, qui a pris un peu de retard. Je m'attendais à voir le gouvernement offrir ce qu'il a de meilleur afin de terminer son programme avant que la Chambre ajourne ses travaux pour l'été.
Mon expérience, très brièvement, est dans le domaine de la comptabilité, plus précisément la comptabilité de gestion. L'efficience est l'une des choses sur lesquelles je me concentre tout particulièrement. J'ai travaillé dans une usine, où j'aidais les gens à trouver le moyen le plus facile d'accomplir leur travail, pour qu'il exige le moins d'effort possible et afin de fabriquer le meilleur produit possible, de la manière la plus efficace et la moins coûteuse. Essentiellement, c'est là que j'ai appris l'une de mes devises, qui est « Travaille plus intelligemment, pas plus fort ».
En examinant ce qui s'est passé ici dans les dernières années du point de vue d'un député qui est relativement nouveau dans cette Chambre, j'ai vu exactement le contraire de l'efficacité. J'ai trouvé cela plutôt fascinant. D'ailleurs, j'imagine que, lorsque le premier ministre est revenu de ses vacances en Europe, il y a quelques semaines, il a dû se soumettre à une quarantaine à l'hôtel comme tous les autres Canadiens, mais c'était évidemment un hôtel spécial près de sa résidence, et il est resté seulement quelques heures, mais je m'écarte du sujet. Il aurait probablement fait appel au leader du gouvernement à la Chambre pour lui demander comment vont les choses et comment le programme législatif avance. Malheureusement, le leader du gouvernement à la Chambre aurait été obligé de lui annoncer la triste nouvelle: rien ne s'est produit et tout est bloqué à cause des nombreuses erreurs commises par le gouvernement. En fait, il se rendrait compte que tout est chaotique s'il voyait ce qui se passe par rapport au projet de loi C‑30, au projet de loi C‑10 ou à toute autre mesure.
En ce qui concerne ce projet de loi, le leader du gouvernement à la Chambre a nié à maintes reprises que les libéraux ont l'intention de déclencher des élections en disant que cela n'arrivera tout simplement pas. Cependant, en avril, les libéraux ont semblé se rendre compte soudainement qu'ils devaient faire adopter quelque chose, et c'est à ce moment-là que le projet de loi C‑12 est apparu. Ils devaient faire adopter quelque chose juste au cas où ce qui n'est pas censé arriver se produirait.
Après des mois d'inaction par rapport à ce projet de loi, il y a soudainement un grand mouvement de panique. Pourquoi le gouvernement veut-il faire adopter à toute allure un projet de loi qui comporte des lacunes juste avant l'été? Il le fait juste au cas où l'événement qui n'arrivera pas se produirait. Évidemment, les libéraux pourraient attendre jusqu'en septembre, mais nous sommes plutôt saisis du projet de loi aujourd'hui. C'est le dernier moment de panique avant que l'événement qui n'est pas censé arriver se produise. C'est de l'hypocrisie et un grave manque de respect envers notre démocratie.
Je veux examiner le projet de loi C‑12 en fonction de ma nouvelle perspective. J'étais aux premières loges de l'étude du projet de loi parce que je siège au comité de l'environnement. J'ai pu le voir de mes propres yeux. L'une des questions que je me posais était la suivante: « Comment pouvons-nous créer une nouvelle loi avec succès? » De toute évidence, la première étape consiste à rédiger un bon projet de loi. Lorsque le ministre a comparu devant notre comité, la première chose qu'il a dite, c'est qu'il était ouvert aux amendements. Je suppose qu'il a dit cela parce qu'il savait que le projet de loi n'était pas bien rédigé et qu'il comportait de nombreuses lacunes.
Il a simplement ouvert les vannes, car 114 amendements ont été présentés au comité, dont 17 provenaient du gouvernement. Le projet de loi ne comptait que 10 pages à ce moment-là. Cela représente plus de 11 amendements par page, ou quatre par article. C'est beaucoup d'amendements. Ces chiffres à eux seuls devraient prouver que le projet de loi était imparfait.
Tous les matins, le Président de la Chambre nous invite à réciter une prière, et l'une des lignes de cette prière est « Accorde-nous la sagesse […] de faire de bonnes lois […] » Je ne peux pas rester les bras croisés et regarder cette loi entrer en vigueur. C'est une mauvaise loi. Le nombre d'amendements le confirme.
Le deuxième moyen de réussir à créer une nouvelle loi consiste à obtenir des commentaires. Or, il y a eu beaucoup de commentaires. Le comité de l'environnement a reçu 75 mémoires, ce qui est génial. Beaucoup de Canadiens ont travaillé fort pour rédiger des rapports et fournir de l'information au comité. Malheureusement, seuls huit de ces mémoires ont été reçus avant le début de l'étude. C'est parce que cette étude a été envoyée en toute hâte au comité avec un délai très court.
Autrement dit, 67 mémoires ont été reçus une fois l'étude terminée. Le travail de beaucoup de Canadiens a donc été ignoré, et le gouvernement a été ravi de le faire. Il ne souhaitait pas particulièrement écouter le point de vue des personnes qui ont soumis un mémoire. Le gouvernement avait un plan, une idée de ce qu'il souhaitait accomplir, et c'est ce qu'il comptait faire.
Le troisième moyen de réussir à créer une nouvelle loi consiste à laisser le comité faire son travail. La première chose que le gouvernement a faite, c'est de conclure une entente avec le NPD. Il ne voulait pas que le comité s'empêtre dans de l'information qui aurait pu lui être utile. Il voulait imposer sa volonté.
Or, c'est précisément ce que la coalition entre les libéraux et les néo-démocrates a permis de faire. Elle a imposé ce projet de loi au comité. Presque tous les votes au comité ont été marqués par la coalition entre les libéraux et les néo-démocrates. D'ailleurs, les libéraux et les néo-démocrates ne s'en sont pas cachés.
Avant le début de l'étude article par article, le député néo-démocrate de Skeena-Bulkley Valley a diffusé sur son compte Twitter le message suivant: « Le NPD proposera des amendements que le gouvernement a accepté d'appuyer [...] Nous avons également convenu d'un certain nombre d'autres amendements. »
En pratique, qu'est-ce que cela a donné? Les néo-démocrates et les libéraux n'ont pas dit un mot. Ils n'ont pas posé de questions. Je ne suis même pas sûr qu'ils aient lu beaucoup d' amendements ou qu'ils aient compris de quoi il s'agissait. Ils avaient un plan. Ils savaient qu'il fallait voter pour ceci et pas pour cela. C'est donc aux conservateurs et aux députés du Bloc qu'il est revenu d'examiner ces amendements. Quant à moi, j'ai posé des questions raisonnées et réfléchies aux experts du ministère quant aux conséquences de certains amendements, mais le problème est qu'il y avait 114 amendements, comme je l'ai dit.
Comme je l'ai aussi dit, le gouvernement a présenté lui-même 17 amendements. Cela signifie que le ministre, en 17 occasions distinctes, s'est trompé lors de la rédaction du projet de loi et a eu besoin de ses députés pour régler le problème. C'est comme si nous achetions une nouvelle voiture et qu'au moment de partir, le vendeur nous dise qu'il a prévu 17 rendez-vous pour nous parce qu'il y a un tas de problèmes avec la voiture et qu'il faudrait revenir le lendemain pour commencer les réparations. Cela n'a aucun sens.
Les libéraux et les néo-démocrates au sein du comité ne s'intéressaient qu'à leurs amendements. Ils ont refusé de débattre de nos amendements. Voici un exemple plutôt drôle qui le démontre.
Le paragraphe 7(4) du projet de loi d'origine exigeait que le ministre établisse les cibles nationales cinq ans à l'avance. Le gouvernement et le NPD voulaient plutôt que ce soit 10 ans à l'avance. Le problème, c'est que les verts ont soumis un amendement identique à cet effet et, puisque leur amendement était le premier du lot, nous avons d'abord débattu de celui-là.
Comme d'habitude, les députés ministériels et néo-démocrates ont refusé d'appuyer les amendements de qui que ce soit d'autre, et surtout pas celui des verts. Donc, l'amendement des verts a été mis aux voix, puis rejeté. Le gouvernement a ensuite soumis son amendement, qui était littéralement identique à celui des verts. Le président a décidé, à juste titre d'ailleurs, qu'il n'était pas recevable puisque nous venions d'en débattre et que le comité avait décidé de ne pas suivre cette voie. C'était un sérieux problème. Tous les députés voulaient voter pour ce deuxième amendement parce qu'ils souhaitaient vraiment son adoption. Toutefois, je ne crois pas qu'ils aient même pris connaissance de l'amendement des verts, qui était identique, ce qui fait qu'ils ont pour ainsi dire voté contre leur propre amendement sans s'en rendre compte.
Au bout du compte, après une très longue discussion et beaucoup de temps perdu, les députés ministériels ont finalement compris que, au lieu de proposer 10 ans, ils pouvaient proposer « 9 ans et 366 jours », ce qui était suffisamment différent pour que l'amendement soit adopté. J'ai trouvé cela plutôt amusant que les députés ministériels n'arrivent pas à faire adopter l'amendement prévu.
Ce soir, j'ai présenté un amendement, qui porte sur une section du projet de loi qui concerne le travail de l'organisme consultatif, plus précisément le rapport annuel qu'il doit soumettre. Mon amendement obligerait le ministre à rendre public le rapport et à y répondre publiquement. Il obligerait le gouvernement à prendre des mesures concrètes, ce à quoi les libéraux sont allergiques, comme tout le monde le sait. Les libéraux ont tenté de présenter un amendement à cet article au comité, mais il était bâclé et il a gâché l'article en question.
Essentiellement, l'amendement des libéraux et des néo-démocrates a ajouté des mots au libellé, mais il n'a pas supprimé les mots redondants, de sorte que le libellé actuel de cet article du projet de loi n'a aucun sens. Il contient encore une longue phrase qui ne devrait pas être là et il commence par un mot tronqué. Il n'a tout simplement pas beaucoup de sens. Mon amendement permet de redonner du sens au libellé.
Le Parti vert a présenté de très bons amendements. La députée de Saanich—Gulf Islands était très frustrée pendant l'étude en comité. Je veux citer ses paroles parce qu'elles en disent long:
Je dois dire que c'est le processus d'étude article par article le plus décourageant que j'aie connu. Habituellement, nous étudions les amendements, les gens en débattent et nous travaillons de bonne foi. (...)
Je condamne ce gouvernement pour ce qu'il a fait, c'est-à-dire pour avoir dit à des gens comme moi, qui ont cru sur parole qu'il était animé d'un réel désir de changer ce texte pour l'améliorer, qui ont accepté de préparer des amendements, pour ensuite se présenter ici et regarder les libéraux faire de l'immobilisme. Même chose avec les néo-démocrates qui ne décrochent pas un mot, qui présentent leurs amendements et les font adopter au pas de charge sans se soucier du fait que d'autres amendements auraient pu donner de bons résultats.
Que se passe-t-il lorsque l'étude en comité est boiteuse? Il en résulte un projet de loi boiteux, et c'est le cas du projet de loi C-12.