Il n'y a pas si longtemps, monsieur le Président, nous avons tous vu des producteurs laitiers jeter du lait, beaucoup de lait. Ces images m'ont vraiment bouleversé, comme elles ont sans doute bouleversé beaucoup d'autres Canadiens. J'ai appris que ce gaspillage de lait canadien est une des conséquences de la pandémie de COVID-19 sur notre économie et notre secteur agricole.
En effet, la demande globale pour le lait et les produits laitiers a grandement diminué à la suite de la fermeture des restaurants et d'autres commerces de détail, ou du moins d'une baisse importante de leurs activités. C'est pourquoi il a fallu jeter 30 millions de litres de lait au cours des derniers mois. Quel gaspillage, et quel incroyable impact toutes ces ventes perdues doivent avoir sur le secteur laitier canadien.
J'aimerais souligner tout le travail accompli par mon collègue de Cowichan—Malahat—Langford, qui est lui-même agriculteur. Il travaille sans relâche depuis des années non seulement pour représenter ses concitoyens, mais aussi pour faire valoir les intérêts du secteur agricole et des agriculteurs de notre pays. C'est un ardent défenseur de l'industrie laitière et des besoins des producteurs de lait, en particulier au vu des attaques incessantes dont ce secteur a été victime pendant les négociations entourant les plus récents accords commerciaux internationaux.
C'est mon collègue qui m'a appris l'importance de protéger ce secteur vital. C'est également lui qui m'a fait réaliser la lenteur du gouvernement à répondre aux besoins pressants des producteurs laitiers et de leur famille. Il y a cinq semaines, le député de Cowichan—Malahat—Langford a envoyé une lettre à la ministre de l'Agriculture en appui aux demandes de l'Association des transformateurs laitiers du Canada faites au gouvernement pour qu'il adopte les mesures qu'il propose aujourd'hui dans le très court projet de loi à l'étude.
Si les nombres n'étaient pas exactement les mêmes à l'origine — ils étaient un peu plus élevés —, l'idée, elle, est identique. Nous savons également que Mathieu Frigon, président et chef de la direction de l'Association des transformateurs laitiers du Canada, a repris cette demande le mois dernier.
Pourquoi le gouvernement a-t-il autant attendu avant de répondre à ces demandes et de présenter un projet de loi apportant l'aide nécessaire? C'est la question que se posent bien des Canadiens.
Pourquoi le gouvernement prend-il autant de temps pour répondre aux besoins des Canadiens pendant la pandémie? Pourquoi diable a-t-il fallu plus de cinq semaines avant de présenter une mesure législative aussi simple, alors qu'elle apportera une aide essentielle à l'ensemble de l'industrie laitière, mais aussi aux producteurs laitiers et à leur famille? Les Canadiens doivent se demander quels dommages les producteurs laitiers ont pu subir en raison de la lenteur du gouvernement à agir.
Bien entendu, ceci n'est qu'un exemple des tergiversations du gouvernement. Les interventions du gouvernement dans la crise de la COVID-19 sont qualifiées de ramassis de mesures et de programmes conçus en grande partie pour exclure des gens plutôt que pour veiller à ce que nul ne soit laissé pour compte. Des annonces sont faites, mais les détails sont incomplets, voire absents, et les programmes qui en découlent se révèlent si compliqués et chaotiques que les gens qui en ont besoin ont du mal à comprendre comment y accéder.
Je suis convaincu que je ne suis pas le seul député dont le bureau est débordé de demandes de citoyens désespérés qui tentent d'obtenir les bons renseignements sur les critères d'admissibilité des divers programmes d'aide offerts.
L'annonce d'hier, qui visait un ensemble d'initiatives pour aider les aînés canadiens, est un parfait exemple. Beaucoup de députés sont bombardés d'appels et de courriels d'aînés qui décrivent les difficultés qu'ils vivent en raison de la crise de la COVID-19 et qui implorent le gouvernement de les aider.
En tant que porte-parole du NPD pour les aînés, je travaille sans relâche depuis le début de la crise pour convaincre le gouvernement de prêter attention aux besoins des personnes âgées et de prendre les mesures nécessaires. Il aura fallu huit semaines complètes pour que le gouvernement passe à l'action. Nous savons tous que nous y sommes parvenus uniquement parce que nous avons acculé le gouvernement au pied du mur lorsque nous avons conclu une entente lors du débat sur la dernière motion nécessitant le consentement unanime. C'est très dommage qu'il nous ait fallu faire des pieds et des mains pour que le gouvernement finisse par porter attention aux besoins criants des aînés canadiens.
Nous nous réjouissons que le gouvernement admette enfin que les aînés ont besoin d'aide pendant la pandémie, mais il en fait trop peu après s'être pourtant engagé à les aider sans tarder. En ce qui concerne l'aide financière pour les personnes handicapées, le gouvernement demeure muet.
Encore une fois, le gouvernement a proposé un programme peu détaillé qui ne répond pas aux besoins. En offrant un paiement forfaitaire, le gouvernement ne tient pas compte des lacunes auxquelles les aînés devaient faire face avant la pandémie, ni des besoins des aînés du pays auxquels il faudra encore répondre le mois prochain.
Que se passera-t-il le mois prochain? Est-ce que tous les Canadiens recevront une aide lorsqu'ils devront, eux aussi, payer plus cher pour l'épicerie, le transport et les médicaments, pour ne citer que quelques exemples?
Lorsqu'on leur a posé la question, hier, la ministre des Aînés et le président du Conseil du Trésor ont essentiellement baissé les bras, et ils ont dit qu'ils devraient trouver une solution. En quoi est-ce logique? Comment les aînés du pays peuvent-ils se sentir rassurés lorsque les ministres fédéraux chargés de ce dossier admettent que l'aide offerte est insuffisante?
Je reviens au projet de loi à l'étude. Il a pour objet de faire passer le plafond de crédit de la Commission canadienne du lait de 300 millions de dollars par année à 500 millions de dollars par année, dans le cadre de l'entente de rachat actuelle entre la Commission et les producteurs, qui permet de gérer l'entreposage de produits en surplus. Cela donnera à l'industrie laitière — qui éprouve déjà des difficultés en raison des accords commerciaux successifs des dernières années — une marge de manœuvre en ce qui a trait à certains produits comme le beurre, différents types de fromage et le lait en poudre. La Commission peut acheter de grandes quantités de ces produits, qui ont une durée de conservation plus longue, et, en vertu de l'entente actuelle, elle pourra les revendre aux producteurs lorsque les fluctuations des marchés se seront stabilisées, une fois la crise de la COVID-19 terminée.
Le président des Producteurs laitiers du Canada, Pierre Lampron, a déclaré ceci:
Nous n'avons jamais vu une telle fluctuation de la demande de lait d'une semaine à l'autre. Malgré les meilleurs efforts déployés pour gérer la production en fonction des besoins des consommateurs, les goulots d'étranglement ont obligé à éliminer le lait à la ferme, ce qu'aucun producteur laitier ne veut voir.
Les néo-démocrates se réjouissent de voir que le gouvernement s'est enfin décidé à bouger. Les agriculteurs attendent depuis des semaines qu'on leur offre un programme comme celui-ci. Après tout ce que le gouvernement leur a fait subir, le moins qu'il puisse faire, c'est de les aider à traverser la pandémie. Au lieu d'investir davantage afin d'aider les producteurs agricoles à survivre à la crise, le gouvernement les laisse tomber. Encore aujourd'hui, bon nombre d'entre eux n'ont droit à aucun programme d'aide.
Si ce n'était de toutes les concessions que le gouvernement fait chaque fois qu'il négocie un accord commercial, comme l'Accord économique et commercial global, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste ou l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, nos frontières ne seraient pas inondées par les surplus de lait américain, la chaîne d'approvisionnement canadienne ne serait pas débordée et les producteurs n'auraient pas eu besoin de se débarrasser de 30 millions de litres de lait liquide. Le Canada s'est doté d'un régime appelé la gestion de l'offre, et les débordements jamais vus auxquels nous assistons présentement prouvent une fois pour toutes que la souveraineté alimentaire du Canada devra être au cœur de toutes les futures négociations commerciales.
Voilà qui illustre l'importance de l'entente que le NPD a négociée avec la vice-première ministre concernant les futurs accords commerciaux. Pour la toute première fois, le Parlement pourra examiner les accords commerciaux avant leur ratification plutôt que de simplement les approuver ou les rejeter lors d'un vote alors que les négociations sont déjà terminées. Cependant, il est important de discuter des concessions faites dans le cadre de l'ACEUM concernant le secteur laitier soumis à la gestion de l'offre. Nous cédons un certain pourcentage de notre marché, comme nous l'avons fait dans le cadre du PTPGP et de l'AECG.
À la Chambre, les libéraux ne cessent de répéter que leur parti défend le système de gestion de l'offre et que ce sont les libéraux qui l'ont mis en place. Cependant, nous commençons maintenant à voir d'autres reculs. Le problème, c'est que, lorsqu'il a négocié cet accord et ouvert certains secteurs de notre marché aux États-Unis, en particulier les secteurs soumis à la gestion de l'offre, le gouvernement a, en quelque sorte, demandé aux producteurs laitiers canadiens de faire les frais des problèmes de surproduction d'un autre pays.
Je dis cela parce que je suis vraiment consterné de voir que des entreprises canadiennes de divers secteurs, notamment de la fabrication et du secteur laitier, reçoivent des subventions des contribuables pour compenser le fait qu'elles ne peuvent pas atteindre leur production maximale.
Je trouve ahurissant qu'on doive permettre à d'autres pays d'exporter leurs produits ici afin que nos agriculteurs, ceux dont nous discutons aujourd'hui, ne puissent pas produire à plein régime.
Voici un exemple de ce que je veux dire. L'État du Wisconsin produit plus de lait que l'ensemble du Canada. Étant donné que cet État n'a pas de système de gestion de l'offre, il y a des fluctuations incontrôlées dans les prix. Nombre d'agriculteurs font faillite là-bas. Dans cet État, il y a de graves problèmes de santé mentale et aucune protection n'est offerte. D'une certaine façon, nous ouvrons notre marché pour nous plier aux exigences des États-Unis. Nous faisons les frais de la surproduction des États-Unis.
Ce n'est pas tout. Selon l'article 3.A.3 de l'ACEUM, le Canada a accepté des seuils d'exportation. Il y aura dorénavant des seuils pour divers produits comme les préparations pour nourrissons, les concentrés de protéines de lait et le lait écrémé en poudre. Cela signifie que le Canada a accepté des seuils absolus concernant les exportations dans ces catégories. Pire, si le Canada dépasse ces seuils, il devra appliquer des droits à l'exportation, ce qui fera en sorte que les produits canadiens n'auront plus un prix concurrentiel.
À l'heure actuelle, nous savons que l'industrie laitière est heureuse d'obtenir ce soutien, mais je crois comprendre que ce qui l'attend cet été entraîne son lot d'inquiétudes. La mise en œuvre du nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique le 1er juillet va poser à cette industrie des difficultés qui n'ont rien à voir avec la pandémie de COVID-19, mais vont s'ajouter aux problèmes causés par celle-ci. Le problème est que cet accord sera mis en œuvre le 1er juillet alors que l'exercice de l'industrie laitière commence le 1er août. Les limites à l'exportation de certains produits laitiers, comme le lait écrémé, et le nouvel accès au marché sans droits de douane pour les produits laitiers étrangers doivent en principe être instaurés graduellement sur plusieurs années. Dans les faits, cela veut dire que la première année de ce processus ne durera qu'un mois, soit du 1er juillet au 1er août, et que les producteurs laitiers canadiens vont perdre environ 11 mois de temps de transition. Selon les estimations qui ont été faites, cette situation va coûter des dizaines de millions de dollars à l'industrie, ce qui s'ajoutera au coût des autres concessions.
Des discussions sont en cours pour que le gouvernement accorde une forme d'indemnisation afin d'aider le secteur agricole qui subit les répercussions du nouvel ACEUM. Malheureusement, ces pourparlers sont au point mort à cause de la pandémie de COVID-19. Ce qui me sidère, c'est que les contribuables devront payer pour des choses que les agriculteurs canadiens peuvent produire, mais dont on leur demande de se débarrasser. C'est inacceptable. Le gouvernement doit concentrer ses efforts sur le soutien au secteur agricole, aux agriculteurs et à leur famille. De plus, il ne doit pas retarder les prochaines discussions au sujet de l'indemnisation.
Bien entendu, nous sommes favorables à l'adoption rapide de ce projet de loi. Il est important de venir en aide le plus rapidement possible à nos producteurs laitiers et à tous les travailleurs de l'industrie laitière. J'ose espérer que le gouvernement pourra fournir cet aide sans tarder.
J'ajoute qu'il est aussi crucial que le gouvernement élabore non seulement des programmes pour aider tous les Canadiens à traverser la crise de la COVID-19, mais qu'il fasse aussi en sorte que cette aide soit accessible et disponible. Trop souvent, l'élaboration de programmes prend beaucoup de temps. Même une fois les programmes annoncés, il règne de la confusion à propos des critères d'admissibilité, et les gens ont du mal à accéder au programme. Le gouvernement doit mieux réfléchir à la façon de concevoir ses programmes. Les Canadiens dans le besoin font les frais de la désorganisation du gouvernement.
Aujourd'hui, je rencontrerai quelques représentants du mouvement syndical, dont les membres connaissent justement un tel problème. Des travailleurs des quatre coins du Canada dont les syndicats ont négocié des prestations supplémentaires d'assurance-emploi ne peuvent pas se prévaloir de ces prestations parce qu'ils risquent d'être privés de la Prestation canadienne d'urgence. C'est insensé et inacceptable. À ce jour, les demandes en vue de corriger les lacunes du programme de la Prestation canadienne d'urgence sont restées lettre morte. Le gouvernement doit régler ce problème et les autres problèmes semblables qui concernent l'admissibilité à la Prestation canadienne d'urgence.
Je suis heureux que nous prenions des mesures aujourd'hui pour aider les gens du secteur laitier, mais il reste encore beaucoup à faire. Je doute que quelqu'un croie que la pandémie prendra fin bientôt. Le gouvernement doit indiquer dès maintenant et sans ambiguïté l'aide qui sera offerte dans les mois à venir. Les Canadiens en dépendent.
Je remercie tous les députés de m'avoir écouté.