Madame la Présidente, généralement, je suis très heureux d'avoir l'occasion de communiquer mon point de vue aux députés.
Les conservateurs et leur choix de débat me déçoivent beaucoup aujourd'hui. J'ai l'impression qu'ils essaient de donner de fausses impressions aux Canadiens et de les induire en erreur.
Revenons aux dernières élections fédérales. Les Canadiens de partout au pays ont envoyé le message clair qu'ils voulaient davantage de collaboration entre les partis politiques pour obtenir plus de ces derniers. C'est ce que voulaient les Canadiens et nous avons pris leur demande au sérieux.
Il n'y a pas que le parti au pouvoir qui a la responsabilité de tenir compte de ce que les Canadiens nous ont dit lors des dernières élections; c'est aussi la responsabilité de l'opposition officielle. Or, rien ne m'indique que le Parti conservateur a adopté un changement de comportement en ce sens. Ce que j'ai vu de la part des conservateurs, c'est le recours, à la moindre occasion, à des mesures dilatoires pour perturber les travaux de la Chambre des communes. Ils savent toujours comment présenter les choses pour tenter de donner l'impression qu'ils agissent pour les bonnes raisons.
Je suis parlementaire depuis de nombreuses années. J'ai fait partie de gouvernements minoritaires, au fédéral comme au provincial. Oui, le gouvernement a sa part de responsabilité, et nous la prenons au sérieux. Cependant, l'opposition officielle a également sa part de responsabilité, et j'aimerais qu'elle la prenne au sérieux.
Revenons à vendredi dernier. L'opposition conservatrice nous reproche toujours de ne pas accorder suffisamment de temps pour débattre des projets de loi importants. En effet, la Chambre étudie en ce moment des projets de loi très importants, notamment sur l'aide médicale à mourir, l'Accord Canada—États-Unis—Mexique et l'apport de modifications à l'Agence des services frontaliers du Canada, en plus des discours en réponse au discours du Trône. Nous tenons toutes sortes de débats ayant des conséquences réelles pour les Canadiens partout au pays et, encore et encore, les conservateurs réclament plus de temps pour débattre. C'est systématique.
Vendredi dernier, nous débattions d'un projet de loi visant à apporter des changements à l'Agence des services frontaliers du Canada. D'après ce que je comprends, tous les députés appuient ce projet de loi.
Qu'est-ce que les conservateurs ont fait, vendredi dernier? Ils ont, en fait, proposé d'ajourner la Chambre pour la journée en expliquant aux Canadiens qu'ils ne voulaient pas de débat ce jour-là et donc, qu'ils voulaient y mettre fin. Le caucus libéral était présent en force dans cette enceinte et voulait continuer à débattre de projets de loi gouvernementaux. En face d'eux, les conservateurs voulaient prendre leur après-midi. Puis, ils ont compris que les libéraux n'étaient pas les seuls à être prêts à travailler: le Bloc et le NPD étaient prêts aussi, et c'est la raison pour laquelle ils ont perdu ce vote.
Qu'est-ce que les conservateurs ont fait ensuite? Ils ont proposé d'ajourner le débat, non pas pour que nous puissions débattre d'un autre projet de loi, mais parce qu'ils voulaient forcer la tenue d'un autre vote pour empêcher tout débat sur un autre projet de loi.
D'un côté, les conservateurs prétendent vouloir débattre des projets de loi gouvernementaux. De l'autre, ils veulent avoir du temps libre. Voici ce que pensent les conservateurs: « Perturbons les travaux à la Chambre autant que nous le pouvons, puis nous blâmerons les libéraux de ne pas avoir assez de temps pour débattre des projets de loi. Nous dirons que les libéraux sont incapables de faire adopter des mesures législatives. »
Je pourrais travailler avec une classe d'élèves de sixième année, de n'importe où au Canada, pour paralyser les débats sur un projet de loi du gouvernement. Tout le monde peut le faire. Pas besoin d'être un génie pour empêcher l'adoption de mesures législatives du gouvernement. C'est plus complexe pour les projets de loi d'initiative parlementaire. À moins que nous soyons prêts à recourir à l'attribution de temps, nous ne pourrons pas faire avancer les choses parce que les conservateurs persisteront encore et encore à faire de l'obstruction à toute initiative du gouvernement.
Les conservateurs ne veulent pas d'un gouvernement fonctionnel. Ils sont prêts à tout pour bloquer les travaux à la Chambre des communes. C'est ce que j'ai constaté en tant que membre d'un gouvernement minoritaire. C'est pourquoi je considère qu'ils devraient avoir honte. Il ne s'agit pas d'un message que le parti au pouvoir viendrait de recevoir: la population s'attend à ce que l'opposition officielle se comporte de façon responsable.
Réfléchissons à la motion qu'ils ont présentée aujourd'hui. On peut y lire qu'ils veulent plus de journées de l'opposition. Plus précisément, ils souhaitent avoir quatre journées de l'opposition supplémentaires. Si on cherchait la définition du mot « hypocrisie » dans le dictionnaire, je pense qu'on y trouverait de nombreuses similitudes avec le comportement, les observations et l'orientation du Parti conservateur.
Il s'agit d'un changement majeur qui s'éloigne passablement des règles. Les conservateurs se seraient battus jusqu'à la mort pour dire que cela ne devrait jamais arriver. J'ai des images de coups de poing sur les bureaux, de questions de privilège et de recours au Règlement à n'en plus finir. Quand je dis « à n'en plus finir », on parle d'innombrables heures. Que dire des tactiques dilatoires employées par le porte-parole en matière de finances, qui a monopolisé presque tout le temps prévu pour le débat sur le budget? Les conservateurs sont fiers de ce genre d'action. Ils ont pris toutes ces mesures parce que le gouvernement libéral tentait d'apporter de légères modifications au Règlement, des modifications dont les incidences n'avaient rien à voir avec celles des changements qu'ils tentent d'apporter pour la session en cours.
Les conservateurs affirment maintenant qu'ils vont donner une de ces journées de l'opposition au Bloc et une autre au NPD. Donnons une journée de l'opposition à tous les partis; ils appuieront tous notre motion.
En quoi cela améliorera-t-il le système? Pourquoi n'ont-ils pas choisi de discuter avec le gouvernement pour arriver à une solution qui profite à tous? Si les conservateurs souhaitent vraiment obtenir des journées de l'opposition supplémentaires, je ne suis pas fermé à l'idée.
J'ai passé la plus grande partie de ma carrière parlementaire dans l'opposition. Je comprends donc l'utilité des journées de l'opposition, mais je reconnais aussi l'importance de débattre des projets de loi du gouvernement. Les conservateurs soutiennent que les journées de l'opposition devraient seulement avoir lieu le lundi, le mardi et peut-être le jeudi parce que la Chambre ne siège pas longtemps le mercredi et le vendredi. Ils affirment que le gouvernement devrait se servir de ces séances plus courtes pour débattre de son programme législatif. Or, soit dit en passant, ils se plaignent de ne pas disposer d'assez de temps pour débattre. C'est de l'hypocrisie.
C'est vraiment stupéfiant. Je pense à l'importance cruciale que revêt le Règlement pour la Chambre. J'aimerais croire que je suis d'abord et avant tout un parlementaire. Il est irrespectueux de présenter ce type de motion sans avoir mené de négociations avec les députés ministériels.
J'ai des opinions personnelles au sujet des façons d'améliorer l'efficacité et le fonctionnement de la Chambre au bénéfice des Canadiens. J'ai même proposé d'organiser une rencontre avec des députés ministériels et des députés de l'opposition de tous les partis politiques pour discuter de certaines règles. Je continuerai à déployer des efforts en ce sens parce que la question me tient à cœur, mais ce que nous observons aujourd'hui n'a pas sa raison d'être. J'espère que les Canadiens réaliseront ce que les conservateurs essaient vraiment de faire. Ce n'est pas dans l'intérêt des Canadiens. Si un conservateur a le courage de débattre le sujet avec moi dans une université, je serai heureux de participer à un tel débat.
M. Garnett Genuis: Faisons-le.
M. Kevin Lamoureux: Madame la Présidente, il y a un député qui dit être disposé à le faire.
J'ai très hâte à cette rencontre. Peut-être pourrions-nous faire quelque chose à Ottawa ou encore à Winnipeg, idéalement. Je suis aussi ouvert à ce que cet exercice ait lieu ailleurs, peu importe la ville.
M. Garnett Genuis: Je propose Carleton.
M. Kevin Lamoureux: Carleton? Voyons si nous pouvons organiser quelque chose. En fait, j'ai très hâte à cet échange. Vraiment.
Je crois au Parlement. Je crois au Règlement. Je crois aussi que les agissements de l'opposition aujourd'hui sont enfantins et inappropriés, et que cela ne rend vraiment pas service aux Canadiens.
Les parlementaires pour qui nos règles sont importantes devraient écouter et lire certains des énoncés des députés conservateurs d'il y a deux ou trois ans. Les députés conservateurs devraient réfléchir à leur comportement de cette époque. Ils devraient examiner les travaux du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je pourrais donner beaucoup d'exemples pour montrer l'ampleur de l'hypocrisie que nous constatons de l'autre côté de la Chambre.
Au bout du compte, j'espère que la motion sera rejetée. Je l'espère vraiment. Si c'est le cas, je suis ouvert à ce que l'on se penche sur les façons dont nous pourrions améliorer le fonctionnement de cet endroit. J'ai foi en cette Chambre. Selon moi, nous sommes tous choyés à bien des égards de siéger ici. Je suis très reconnaissant envers les résidants de Winnipeg-Nord qui m'ont confié la tâche de les représenter.
Je continuerai, autant que possible, à veiller à ce que la Chambre continue de répondre efficacement aux besoins des Canadiens dans toutes les régions du pays. Ainsi, nous pourrons débattre des affaires émanant des députés, des motions de l'opposition, des projets de loi du gouvernement et de tout ce qui est présenté à la Chambre des communes.
Comme le premier ministre l'a clairement indiqué, je suis prêt à tenir compte de ce que veulent les Canadiens. Les Canadiens veulent que les partis de l'opposition et le gouvernement travaillent ensemble sur les grands enjeux de l'heure au Canada. De ce côté-ci de la Chambre, nous nous efforcerons toujours d'atteindre cet objectif.
Les conservateurs disent qu'ils ont présenté la motion d'aujourd'hui parce qu'ils pensent que le gouvernement leur accorde une journée de l'opposition un vendredi pour les punir. Ils pensaient que nous étions fermement résolus à tenir une journée de l'opposition aujourd'hui. Encore une fois, ce n'est pas vrai. Hier, j'ai pris la parole pour proposer qu'aujourd'hui, nous débattions de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique. Pour ce faire, j'ai demandé l'appui de la Chambre. L'opposition n'était pas en faveur de l'idée.
Maintenant, les conservateurs nous reprochent de débattre de cette question en disant que le vendredi est la journée de l'opposition. Encore une fois, il y a un mot qui me vient en tête. Je pense qu'ils doivent réfléchir à leur comportement et se rendre compte du rôle important que nous devons jouer.
Parlons un peu des règles qui régissent les initiatives parlementaires et les initiatives ministérielles.
À une certaine époque, on n'avait pas beaucoup recours à l'attribution de temps. Il y a quelques années, l'attribution de temps est devenue un outil efficace pour gérer les travaux de la Chambre. Lorsque j'étais dans l'opposition, je n'aimais pas qu'on nous impose l'attribution de temps. Comme je le disais à l'époque, malheureusement, faute de collaboration à l'égard des projets de loi d'initiative ministérielle, le gouvernement est contraint d'avoir recours à l'attribution de temps.
Je précise, à l'intention des personnes qui suivent le débat, que l'attribution de temps est parfois nécessaire parce qu'on pourrait débattre pratiquement à l'infini. La Chambre des communes pourrait consacrer tous les débats d'une année à un seul projet de loi. Les conservateurs pourraient choisir de faire participer un nombre infini de députés à la discussion, ce qui forcerait le gouvernement à demander l'attribution de temps, comme ils le savent.
Nous avons constaté pendant les dernières années que, même lorsque les conservateurs appuient une mesure, ils continuent de faire intervenir des députés en espérant pousser le gouvernement à imposer l'attribution de temps. Il est déjà arrivé que le NPD appuie l'attribution de temps demandée par le gouvernement parce qu'il savait que les députés souhaitaient voir un projet de loi adopté et que cette adoption n'arriverait jamais sans l'attribution de temps.
Les conservateurs pensaient-ils aux Canadiens dans ces situations-là? Non. Pensent-ils aux Canadiens en défendant la motion d'aujourd'hui? Non. Je ne le crois pas un seul instant. J'attends impatiemment de débattre avec le député d'en face qui s'est porté volontaire pour ce débat. Les conservateurs souhaitent parler des projets de loi d'initiative parlementaire, qui permettent aux députés de tous les partis de proposer des mesures législatives parfois substantielles, ce qui est vraiment bien. D'autres mesures, solides et utiles, sont adoptées sans difficulté. Il arrive que de nombreux députés souhaitent intervenir à propos d'un projet de loi d'initiative parlementaire, mais ils ne peuvent pas tous le faire, puisque le temps est mesuré.
Lorsqu'un député présente un projet de loi d'initiative parlementaire, il y a deux heures de débat à l'étape de la deuxième lecture. Ensuite, le projet de loi est renvoyé à un comité, où l'on consacre un maximum de temps à son étude. Ensuite, il revient à la Chambre pour l'étape du rapport et de la troisième lecture, à laquelle on consacre deux heures en tout.
Cela veut dire que très peu de députés peuvent contribuer au débat. C'est un des moyens qui permettent aux projets de loi d'initiative parlementaire de progresser dans le processus législatif. À mon avis, nous devons commencer à trouver des moyens d'assurer que non seulement les initiatives parlementaires, mais aussi les projets de loi d'initiative ministérielle, progressent à la Chambre.
Je préconise ces types de réformes parce que je crois qu'il y a de nombreux enjeux dont nous pourrions débattre. Une solution serait peut-être d'avoir plus de journées de l'opposition, mais nous devons comprendre que les projets de loi sont importants, peu importe s'ils sont d'initiative parlementaire ou ministérielle. Nous devons trouver une solution. J'invite donc les partis de l'opposition — le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et même mes collègues conservateurs — à collaborer avec le gouvernement. Travaillons ensemble pour les Canadiens et trouvons des moyens de garantir que les projets de loi, tant d'initiative parlementaire que d'initiative ministérielle, puissent avancer dans le processus législatif à la Chambre.
Je serai heureux de présenter mes idées lorsque j'aurai plus de temps. Si nous pouvons arriver à des solutions de manière productive, nous serons en mesure de tenir des débats supplémentaires sur certaines questions que veulent aborder les députés. Selon moi, le coronavirus est un sujet d'importance cruciale pour les Canadiens. Leurs préoccupations sont légitimes et le premier ministre ou la ministre de la Santé devrait y répondre. Nous faisons tout ce que nous pouvons. Il serait sans doute possible d'avoir plus de débats si nous nous entendions sur les changements à apporter aux règles. Il y a d'autres moyens si nous ne le pouvons pas.
Au cours des deux dernières semaines, la Chambre des communes a tenu deux débats d'urgence. Ces débats ont été proposés par des députés de l'opposition. Il existe de nombreuses manières d'aborder les enjeux importants auxquels les Canadiens font face. Ceux-ci s'attendent à ce que le gouvernement national fasse montre de leadership.
J'invite tous les députés de la Chambre à explorer les façons de modifier le Règlement et de collaborer en vue d'améliorer le fonctionnement de la Chambre. Voilà qui serait dans l'intérêt des Canadiens. C'est pourquoi je recommande que nous votions contre la motion. Je m'engage à travailler avec tous les députés pour faire en sorte que la Chambre soit plus fonctionnelle et que les modifications aux règles profitent à tous les Canadiens.