Madame la présidente, cela me fait extrêmement plaisir de prendre la parole sur ce sujet, ce soir.
J'aimerais aller un peu dans le même sens que le leader du gouvernement et le leader de l'opposition officielle et rappeler que le Québec est représenté au Parlement par 78 députés, tous aussi légitimes les uns que les autres. De ce groupe, le NPD représente tout de même 454 000 Québécoises et Québécois, ce qui n'est pas négligeable et doit être respecté dans les discussions que nous avons à la Chambre.
En effet, personne n'a le monopole du Québec, ni de la défense des intérêts du Québec, ni de la défense de la langue française. Je pense que cela nous tient tous et toutes à cœur.
Parlant de langue française, si je suis si content de pouvoir prendre la parole de manière virtuelle ce soir, c'est aussi parce que cela me tient énormément à cœur de manière personnelle. J'ai eu la chance de grandir et de vivre dans une maison qui était habitée par des livres et des chansons en français, par des films et de la musique. Mon enfance et mon adolescence ont été bercées par les chansons de Félix Leclerc et de Gilles Vigneault, par Pauline Julien, par les vers de Gérald Godin et ceux de Claude Gauthier, par Robert Charlebois et Diane Dufresne, par des humoristes québécois comme Yvon Deschamps, les Cyniques et Sol, mais également par les Français Pierre Desproges et Raymond Devos, qui m'ont donné l'envie de comprendre et d'en apprendre plus sur cette superbe langue qu'est la langue française, qui savaient la manier d'une manière absolument sublime et incroyable, qui nous faisaient non seulement rire, mais qui nous faisaient également réfléchir.
C'est pour ces raisons qu'un débat comme celui de ce soir est tellement important, parce qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi ou d'une motion quelconque. Pour beaucoup de Québécois et, j'en suis convaincu, d'Acadiens et de francophones hors Québec, c'est une question vitale et fondamentale, car elle touche l'identité même de ce que nous sommes collectivement et individuellement. On ne peut pas différencier la langue de la culture québécoise. Je pense que c'est un débat extrêmement important qui doit avoir lieu.
Dans les interventions précédentes, j'ai senti beaucoup d'attaques politiques un peu partisanes. Je ne dis pas que je n'en ferai pas du tout, mais je vais essayer de recentrer le débat sur des faits vérifiables et objectifs qui nous permettent d'évaluer l'état de la situation, et sur des propositions constructives pour améliorer la défense et la promotion du français.
Je suis très fier d'avoir été la semaine dernière le député qui a déposé une motion demandant de défendre et de promouvoir la langue française au Québec et ailleurs au Canada, motion qui a été adoptée par la Chambre à l'unanimité.
Rappelons que, selon les chiffres de 2018, 94,5 % des gens au Québec sont capables d'avoir une conversation en français. Entendons-nous sur le fait qu'il ne s'agit pas obligatoirement d'une conversation très sophistiquée ou complexe. Toutefois, cela montre à quel point les efforts des dernières années ont porté leurs fruits. C'est Michel C. Auger qui mentionnait ce pourcentage lors de son passage à l'émission Tout le monde en parle il y a deux ans.
Il y a quatre indicateurs en lien avec la langue française: la langue maternelle, la langue parlée à la maison, la langue d'usage sur la place publique et la langue de travail. Personnellement, je ne les mets pas tous sur un pied d'égalité, car je pense que la langue de travail et la langue d'usage sur la place publique sont les plus importants de ces indicateurs.
On observe un très léger recul de la langue française parlée à la maison. Entre 1996 et 2016, 82 % des ménages parlaient régulièrement — mais pas exclusivement — le français à la maison. Ce pourcentage est tombé à 79 % en 2016, un léger recul de 3 %.
Là où les chiffres sont assez intéressants, c'est au sujet de la langue parlée à la maison par les immigrants, par les nouveaux arrivants. Avant 1981, seulement 30 % adoptaient le français, à peu près 33 % optaient pour l'anglais et 37 % pour une autre langue que le français ou l'anglais. Entre 2011 et 2016, les nouveaux arrivants adoptaient le français dans une proportion de plus de 41 %, 49 % prenaient une autre langue que le français ou l'anglais, et seulement 9 % choisissaient l'anglais. En 30 ans, on a vu une augmentation de l'usage du français par les nouveaux arrivants à la maison. Un rapport de l'Office québécois de la langue française de 2011 indiquait que de plus en plus d'immigrants choisissaient le français plutôt que l'anglais comme langue d'usage à la maison.
Ce qui pose un réel problème — et c'est pour cela qu'il est important d'avoir cette discussion —, c'est la langue de travail. Selon un autre rapport de l'Office québécois de la langue française de 2019, le français recule dans les commerces de détail. On est plus souvent reçu en anglais ou de manière bilingue qu'auparavant. Le même rapport soulignait également qu'une fois que le désir d'être servi en français était exprimé, plus de 85 % du temps, on recevait le service en français à Montréal.
Il y a un problème de perception et d'accueil, mais ce n'est pas une situation catastrophique. On doit être vigilant et il faut en faire davantage, mais il faut aussi prendre des décisions basées sur des faits objectifs et sur la réalité du terrain. Effectivement, on doit faire des efforts pour aider les entreprises, notamment celles comptant entre 25 et 50 employés, à faire davantage rapport au gouvernement du Québec sur la qualité linguistique des services offerts par leurs employés.
Je dois souligner le travail qui est fait à ce chapitre par le mouvement syndical québécois, surtout par la FTQ et la CSN, qui œuvrent davantage dans le secteur privé. Elles ont de bons programmes et travaillent beaucoup sur la francisation.
La francisation est une clé extrêmement importante. Il faut étendre l'application de la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale. C'est dans notre programme depuis l'époque de Jack Layton. Cela a été repris par Nycole Turmel, Thomas Mulcair et notre chef actuel, le député de Burnaby-Sud. C'est aussi une question d'égalité des droits des travailleurs et des travailleuses. Il faut qu'ils aient accès à des documents en français sur leur lieu de travail.
La question de la francisation est majeure. Je pense qu'on doit faire des efforts considérables pour améliorer l'accès aux cours de français en les rendant gratuits pour les nouveaux arrivants. En ce moment, il y a des obstacles, notamment l'obtention d'un permis d'étude, qu'ils soient imputables au gouvernement du Québec ou au gouvernement fédéral.
Les gens de mon bureau donnent des cours de français aux nouveaux arrivants. Ils m'ont dit que les gens qui n'ont pas encore de statut permanent ont de la difficulté à avoir accès à des cours de français. C'est un problème majeur.
Quand le chef du NPD et moi avons rencontré le premier ministre du Québec avant les dernières élections fédérales, nous avons dit clairement qu'il fallait des ressources fédérales suffisantes pour aider le Québec à franciser les nouveaux arrivants.
Il y a d'autres choses qu'on peut faire, et qu'on doit faire. Je pense que cela a déjà été évoqué ce soir.
Le projet de loi visant le renouvellement de la Loi sur la radiodiffusion a été déposé récemment. Il faut avoir des objectifs, des principes, des orientations et des directives très clairs pour le CRTC, mais également pour le Fonds des médias du Canada et le Fonds canadien de télévision, afin d'avoir les ressources nécessaires pour créer du contenu francophone original et non pas du contenu traduit. Il faut se donner les moyens nécessaires, que ce soit dans les règlements du CRTC, la politique générale ou les directives données au CRTC.
Je trouve que le projet de loi du Bloc québécois sur le test en français pour les réfugiés et les réunifications familiales est inapproprié et difficilement applicable dans les faits. C'est un peu une fausse bonne solution; ce n'est pas une vraie solution pour un réel problème. C'est pourquoi, au NPD, nous sommes assez critiques à l'égard de cette orientation en ce moment.
Je vois que mon temps est écoulé, et je vais permettre à mes collègues de me poser des questions.