propose:
Que la Chambre convienne que l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 confère au Québec et aux provinces la compétence exclusive pour modifier leurs constitutions respectives, et prenne acte de la volonté du Québec d’inscrire dans sa constitution que les Québécoises et les Québécois forment une nation, que le français est la seule langue officielle du Québec et qu’il est aussi la langue commune de la nation québécoise.
— Monsieur le Président, vous m'avez donné le goût de la relire. Il me semble qu'il y a une poésie dans ce texte.
Que la Chambre convienne — le mot « convienne » n'était pas un hasard — que l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 confère au Québec et aux provinces la compétence exclusive pour modifier leurs constitutions respectives, et prenne acte de la volonté du Québec d’inscrire dans sa constitution que les Québécoises et les Québécois forment une nation, que le français est la seule langue officielle du Québec et qu’il est aussi la langue commune de la nation québécoise.
Si, 30 ans après la création du Bloc québécois, il y a encore des gens, dans la nation voisine, qui s'imaginent qu'il faut qu’ils le mettent eux-mêmes dans leur loi, pour que le Québec n'ait qu'une seule langue officielle, le français, c'est parce que, 30 ans plus tard, il reste au moins ce bout de chemin à faire, sans mentionner l'indépendance.
Le Québec est totalement, entièrement, habilité et légitime pour affirmer, à quiconque voudra l'entendre et aux autres, sur toutes les tribunes, et bientôt sur toutes les tribunes du monde, qu'il est une nation française dont la seule langue officielle est le français. Je me permettrai de rappeler à tout ce beau monde que c'est le cas depuis 1974. Je me promenais en culotte courte et le français était la seule langue officielle du Québec. On dirait que des gens à la Chambre viennent de découvrir que la Terre est ronde, même si on me dit qu'il y en a qui en doute encore. La langue commune, c'est plus important que la langue officielle. La langue commune est celle qu'on utilise lorsqu'on croise quelqu'un qu'on ne connaît pas dans la rue.
Le grand drame de la langue française au Québec, c'est lorsqu'un jeune francophone croise un autre jeune francophone au coin des rues Peel et Sainte-Catherine et qu'ils s'interpellent en anglais, sans connaître l'histoire derrière cette réalité, sans connaître ce qui les a amenés là, sans connaître les compromis parfois incertains, les humiliations de l'histoire, les affirmations fortes et l'émergence d'une culture extraordinaire. Deux jeunes francophones qui s'interpellent en anglais dans la rue, c'est l'antithèse de reconnaître la contribution merveilleuse d'un Léonard Cohen à la culture québécoise. On se complète dans ce que nous sommes. On ne renonce jamais à ce que nous sommes.
Aujourd'hui, c'est une journée bien particulière — particulière, diront certains, à célébrer dans ces murs, mais c'est là que nos luttes bienveillantes nous amènent. Le temple de cette célébration sera le cœur de tous les millions de Québécoises et de Québécois qui s'y reconnaissent. C'est la célébration du 30e anniversaire de création du Bloc québécois.
Il n'est plus opportun, de nos jours, de donner à des individus une dimension plus qu'humaine, encore moins lorsqu'ils sont vivants, mais je suis bien placé, aussi humblement que je le puisse, pour mesurer les dimensions des chaussures d'un Lucien Bouchard, pour mesurer tout ce à quoi il a renoncé, tout le courage dont il a dû faire preuve il y a 30 ans pour donner naissance à ce que l'histoire désignera un jour comme un des outils essentiels de l'accession de la nation québécoise à son entièreté. Nous avons l'obligation d'être humbles, chacun et chacune d'entre nous, ici, au Parlement, en ligne, tous les travailleurs et les travailleuses, besogneux et besogneuses dans les bureaux de l'immeuble, ici et autour, les militantes et les militants, les Québécoises et les Québécois engagés dans ce désir de compléter une marche qui s'est initiée avec la Révolution tranquille.
Bien que nous reconnaissions l'humilité dont nous devons faire montre, nous avons aussi le droit d'afficher une belle fierté. Nous sommes une belle gang; nous sommes la gang du refus souriant de disparaître. Nous sommes ceux dont on dit qu'ils n'existeront pas. On dit sans arrêt que, le Bloc québécois, c'est fini, comme on dit sans arrêt que, l'indépendance, c'est fini. Ma foi, ces bibittes se retroussent tout le temps les manches, parce que notre objectif est sain, noble et légitime.
Cependant, ce ne sera jamais plus et ce ne sera jamais mieux que ce qu'ont fait celles et ceux qui nous ont devancés sur les banquettes de la Chambre des communes du Parlement, qui, je le dis amicalement, restera pour nous étranger. Si on le souhaite, ce sera temporaire.
C'est donc aujourd'hui que le Parlement va débattre comme il se doit d'une motion fort importante, et non pas en disposer furtivement. L'État québécois se faufile à travers les méandres de documents qui avaient été plutôt rédigés pour le ratatiner. Il affirme dans ces documents qu'il est temps de prendre acte du fait que le Québec est une nation et de rédiger des chroniques là-dessus.
Le Québec n'est pas une nation prise à l'intérieur d'un Canada uni, ce qui ne veut rien dire. Non, le Québec est une nation totale, entière, épanouie, complète, rayonnante, belle comme le jour, pleine d'avenir et française. C'est son héritage, sa beauté, sa séduction et sa poésie, qu'aucune autre langue ne peut accoter avec la même verve. Il ne faut pas s'étonner de ce qu'on a appelé la « revanche des berceaux ». Ces choses commencent par de jolis mots, et le français en avait tellement à offrir.
On a pu refuser la motion que nous avons présentée à la fin mai par un simple nay, mais, aujourd'hui, ce ne sera pas si facile. Nous sommes heureux de faire deux constats. Premièrement, nous pensons que la motion sera adoptée. Nous allons l'accepter avec plaisir, car c'est une fort bonne chose.
Deuxièmement, sans cette belle gang de 32 allumés, elle n'aurait jamais été adoptée, elle n'aurait même jamais existé, et le Québec n'aurait jamais pu à ce point s'y reconnaître. Cette gang a décidé de faire cette proposition à Ottawa. Elle ne voulait pas être accueillie par de l'indifférence et des gestes qui iraient dans le sens contraire ultérieurement. Ce n'est pas une démarche à caractère juridique que nous avons initiée, pas du tout. Ce n'est pas non plus une démarche portant sur l'interprétation, la portée interprétative ou l'« interprétativité ». Non, c'est une démarche politique. C'est cela ou ce n'est pas cela. C'est politique.
Nous mettons un peu ce Parlement dans une position qui le forcera vraisemblablement à prendre acte du fait que le Québec affirme que nous sommes une nation française. J'oserais dire qu'il devra le faire avec une humilité qu'on ne lui a pas si souvent connue.
Ensuite, il y aura des conséquences. On ne peut pas passer sa vie à se cacher derrière un assortiment de juges qu'on a également caché derrière le mur d'une charte faite sur mesure pour aller à l'encontre de la volonté du Québec et de l'Assemblée nationale du Québec. En effet, au-delà de tout cela, il y a l'expression des élus de l'ensemble de la population du Canada et du Québec.
Quand viendra ensuite le temps de poser des gestes, quelqu'un devra faire preuve de cohérence. On ne peut pas reconnaître la nation québécoise française, prendre l'argent des Québécoises et des Québécois et le donner à ceux qui veulent contester la nation québécoise française et se dresser en adversaires de cette dernière. En fait, on peut le faire, et, des incohérences, il y en a eu. Cependant, on va maintenant démasquer les gens qui méritent de l'être.
De la même manière, je me permettrai des mots qui pourraient paraître un peu crus, mais telle n'est pas ma volonté, bien entendu. Le nouveau slogan du gouvernement, avec ses nombreuses pages, s'appelle la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Évidemment, nous ne serons pas appelés à en débattre ici, disons-le. Ce projet de loi n'aboutira pas. C'est comme un deuxième document d'énoncés et d'hypothétiques intentions sous réserve que le gouvernement libéral soit minoritaire. En effet, si jamais il est majoritaire, nous verrons bien quelle en sera la réécriture.
D'abord, nous ne savons pas tous ce que c'est. La présentation commence à l'instant en breffage privé, et nous ne savons pas tout ce qu'il y aura dans l'œuvre de la ministre des Langues officielles. Il y aurait néanmoins la reconnaissance du français comme langue officielle du Québec. Levons-nous en chœur et applaudissons ce que nous savons tous depuis 50 ans. Il y aurait aussi, selon des gens mieux informés que moi, un genre de copier-coller de ce que dirait l'hypothétique loi 96 à Québec quant à l'application de la Charte de la langue française aux institutions et aux entreprises de compétence fédérale.
Tout d'abord, ces deux lois diraient la même chose, mais la loi fédérale aurait préséance. Pourquoi? C'est parce que, dans la vraie vie, dans la perspective canadienne et fédérale, le Québec est un État vassal. Si nous ne sommes pas d'accord, c'est moi qui décide: voilà ce qu'est le Canada, même en matière de langue, d'identité, de valeurs et de culture. C'est dire!
On parle ici d'un gouvernement qui ne peut même pas espérer faire adopter les changements à la Loi sur la radiodiffusion, laquelle a été fort heureusement et grandement améliorée grâce aux interventions de mon ami le député de Drummond; d'un gouvernement qui ne parvient même pas à faire adopter sa loi de mise en œuvre du budget, alors qu'il y a probablement quelqu'un en train de magasiner un autobus et deux avions.
C'est quand même ironique de voir vers qui le gouvernement se tourne. On se tourne vers le leader du Bloc québécois pour lui dire qu'on est un peu dans le trouble, qu'on est de bonnes personnes, qu'on a encore beaucoup d'intérêts communs et qu'on va donc travailler pour que cela fonctionne. Que ces gens-là viennent nous dire qu'ils vont décider comment gérer notre langue, nos valeurs, notre identité, notre culture et notre statut de nation, c'est super fin, mais non merci. Nous allons faire cela nous-mêmes.
D'ailleurs, parlons d'échéancier. La ministre des Langues officielles va déposer un projet de loi sur les langues officielles qui aurait, parmi l'œuvre, la volonté de reproduire ce que prescrira éventuellement la loi 96, qui modifie la Charte de la langue française au Québec pour que les institutions et les entreprises fédérales soient assujetties à la Charte de la langue française.
Je suis un bon gars et j'aimerais lui sauver de l'ouvrage. D'abord, avant même que quelqu'un commence à regarder, sur le plan purement législatif, ce qu'il y a là-dedans pour vrai, la session parlementaire de la Chambre des communes sera assurément finie. Il y a des mosus de bonnes chances que la législature le soit aussi. Cela n’arrivera donc pas dans un avenir prévisible. Ne retenons pas notre souffle.
Toutefois, dans l'intervalle, deux choses se passeront. D'une part, vraisemblablement cet automne, l'Assemblée nationale du Québec votera ce que sera devenu, selon la volonté des seuls élus de l'Assemblée nationale du Québec, la loi 96, et la Charte de la langue française s'appliquera désormais aux institutions et aux entreprises qui relèvent du fédéral. Cela a l'air un peu loin, l'automne. Nous allons donc y aller plus vite que cela.
Demain, le projet de loi déposé par mon estimée collègue de Beauport—Limoilou, qui assujettirait les institutions et entreprises de compétence fédérale à la Charte de la langue française au Québec, sera soumis au vote à la Chambre des communes. Nous allons économiser beaucoup de temps, nous épargner une tonne de doubles faces et voter ce projet de loi demain. Ce sera fait. Nous pourrons dire merci, au revoir. Ce sera réglé et nous pourrons passer à un autre appel.
Demain, la Chambre aura l'occasion de faire avancer un projet de loi qui assujettirait les institutions et entreprises de compétence fédérale à la Charte de la langue française, comme le veut l'Assemblée nationale du Québec. N'est-ce pas merveilleux?
Pourquoi ne pas saisir à bras-le-corps cette occasion qui, dois-je l'avouer, viendrait avec un inconvénient, celui de nous couper l'herbe sous le pied pour faire du capital politique d'ici aux élections? C'est un peu dommage, mais je pense que cela ne devrait pas être la priorité.
Par ailleurs, il est important de dire qu'avant qu'on ne parle français en Nouvelle‑France, anglais sur les côtes américaines ou espagnol dans les îles du Sud ou en Louisiane, il y avait, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, des dizaines et des dizaines de nations, chacune d'entre elles n'étant pas moins une nation que les nôtres. Elles ont leur histoire, leur langue et leur culture. Il faut toujours le mentionner. Nous voulions modifier la motion en ce sens, et des députés d'autres formations nous l'ont suggéré, mais on ne voulait ni ne pouvait pas le faire.
Lorsque nous faisons nos grands débats qui, disons-le, opposent le français à l'anglais, nous avons tendance à ne pas toujours le mentionner, mais nous devons toujours réserver aux langues autochtones — je ne veux pas dire un statut particulier, parce que ce terme est galvaudé tellement nous voyons au travers — un respect factuel, institutionnel et amical qui les met à l'abri de tous nos débats qui, dans la perspective de ces grandes cultures, sont arrivés sur leur continent hier matin à peine.
Avant de terminer, je voudrais inviter la ministre à consacrer la Loi sur les langues officielles à ce à quoi elle peut être utile. On pourrait en déduire que je prétends qu'elle s'attaque à des choses inutiles, et ma foi, c'est vrai. Le Québec n'a pas besoin de qui que ce soit, à quelque moment que ce soit, pour venir lui dire comment promouvoir et protéger sa langue, sa culture, ses arts, son identité et ses valeurs. Il a dangereusement besoin que ceux qui ne sont pas concernés se mêlent de leurs affaires et non pas de nos affaires.
Au contraire, ces ressources devraient être investies de bon gré, de bon cœur et généreusement pour appuyer les communautés francophones hors Québec et les communautés acadiennes qui, elles, en ont grandement besoin. On viendra nous dire, bien sûr, et je le dis en toute amitié, que les anglophones du Québec ont aussi grandement besoin d'être protégés. J'avoue que je ne me lève pas le matin en m'inquiétant pour la pérennité de la langue anglaise au Québec. Je crois que cela va assez bien, et j'en suis fort aise. Le jour où le Canada traitera ses minorités françaises et acadiennes aussi bien, aussi généreusement et aussi affectueusement que le Québec l'a fait historiquement, le débat sera tout autre. Dieu sait qu'on n'en est pas là.
Quoi que les Québécois choisissent de faire de leur nation, de leur État, de leur langue, de leur culture, de leurs valeurs et de leur histoire, cette nation sera résolument française. Je le dis à la fois amicalement et un petit peu comme un avertissement: personne ne se dressera sur le chemin du Québec. Personne n'y arrivera. La résilience joyeuse, dynamique, festive, colorée, gourmande et chantante des Québécois est irrépressible. Aujourd'hui — l'histoire en jugera — sera un jalon qui protégera cette nation un jour appelée de nouveau, le plus vite possible, à prendre en main l'entièreté de sa destinée.