Madame la Présidente, aujourd'hui, je prends la parole à titre de député de Lac-Saint-Jean, de vice-président du Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes et de vice-président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ouïghours, mais, surtout, je prends la parole à titre d'être humain qui se soucie d'autres êtres humains, peu importe qui ils sont et où ils vivent sur la planète.
Il est important de savoir pourquoi nous avons ce débat aujourd'hui, et ce, malgré ce que peuvent nous dire les membres de ce gouvernement qui ne sont pas d'accord sur la raison pour laquelle nous avons ce débat. Tous les autres députés de la Chambre savent pourquoi nous tenons cet important débat.
Pourquoi sommes-nous ici? Nous sommes ici parce qu'un rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a été déposé. Il est important de savoir quels mots ont été utilisés dans ce rapport, parce que ce sont les mots qui dirigent nos actions par la suite. Ce rapport d'à peine un paragraphe dit:
Que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international condamne fermement les sanctions inacceptables imposées par la République populaire de Chine à l'endroit de l'un des vice-présidents du Comité, le député de Wellington—Halton Hills, et du Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes et que cela représente un affront à la démocratie et au système parlementaire canadien; en notre qualité de parlementaires, nous continuerons de dénoncer avec vigueur les violations des droits de la personne et du droit international, conformément au respect que nous vouons aux droits de la personne fondamentaux; et que cette motion fasse l'objet d’un rapport à la Chambre.
Quand je me lève à la Chambre, je demande souvent pour qui nous travaillons. Il faut aussi que nous nous demandions pourquoi nous travaillons. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, nous travaillons pour les droits internationaux de la personne, c'est-à-dire pour ceux qui sont en train de subir un génocide. Nous en avons les preuves. Le Sous-comité des droits internationaux de la personne avait mené des études en 2018 et en 2020, et les preuves s'accumulent de partout sur la planète. La BBC a fait des reportages sur ce dossier et elle est maintenant interdite de diffusion en Chine. Nous savons qu'un génocide est en cours. La question n'est pas de savoir s'il y en a un, mais de savoir comment y mettre fin.
Je vais lire la déclaration qu'a faite le Sous-comité le 21 octobre 2020 et qui a un peu été passée sous silence:
Le Sous-comité condamne sans réserve la persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques du Xinjiang par le gouvernement chinois. À la lumière des témoignages qu’il a recueillis au cours de ses audiences, en 2018 et en 2020, le Sous-comité est persuadé que les gestes du Parti communiste chinois constituent un génocide aux termes de la Convention sur le génocide.
Des députés libéraux font partie de ce comité, et, comme nous le savons, ce sous-comité ne fonctionne pas par vote, mais par consensus. Cela signifie que tous les députés présents à ce comité étaient d'accord sur la déclaration qui a été faite. Une conférence de presse a même eu lieu, mais cela a un peu été passé sous silence dans les médias.
Je rappellerai les recommandations qui ont été faites par ce Sous-comité et qui ont été adoptées le 12 mars 2021 par le comité permanent dont il relève, c'est-à-dire le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Cela est important, et je tiens à m'assurer que la Chambre soit consciente des recommandations que ce Sous-comité a faites à la Chambre des communes.
Voici la première recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada, en collaboration avec ses alliés internationaux, condamne l’utilisation, par le gouvernement de la République populaire de Chine, de camps de concentration pour détenir injustement des Ouïghours et d’autres musulmans turciques.
Voici la deuxième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada coordonne une campagne internationale exhortant le gouvernement de la République populaire de Chine à libérer immédiatement les Ouïghours et les autres musulmans turciques injustement détenus dans ses camps de concentration.
Voici la troisième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada coordonne une action concertée à l’échelle internationale en vue d’exercer des pressions sur le gouvernement de la République populaire de Chine pour qu’il accorde un plein accès au Xinjiang à des observateurs indépendants afin qu’ils évaluent la situation des Ouïghours et des autres musulmans turciques.
Voici la quatrième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada améliore ses mécanismes de contrôle des importations afin de garantir que des produits issus du travail forcé ne soient pas vendus sur les marchés canadiens. Entre autres, de lourdes sanctions devraient être imposées aux particuliers et aux entreprises qui tirent profit du travail forcé.
Voici la cinquième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada renforce le mandat de l’ombudsman canadien de la responsabilité sociale pour qu’il ait le pouvoir de mener des enquêtes indépendantes et d’obliger les entreprises et leurs dirigeants à produire des documents et à témoigner et qu’il dispose des ressources nécessaires pour faire enquête sur les violations présumées des droits de la personne.
Voici la sixième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le ministère de la Justice élabore une loi exigeant des entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, qui les obligera à respecter les normes internationales les plus récentes en matière de droits de la personne dans le cadre de leurs activités et des chaînes d’approvisionnement internationales et soient tenues responsables des torts attribuables à leurs activités.
Voici la septième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada entreprenne un examen des technologies et des équipements canadiens exportés en Chine pour mieux comprendre comment ils sont employés par les utilisateurs finaux de ce pays. À la suite de cet examen, le gouvernement du Canada devrait mettre en œuvre des mesures pour garantir que les particuliers, les entreprises et les organismes publics du Canada ne fournissent pas de renseignements ou de technologies pouvant être utilisés pour appuyer des violations des droits fondamentaux de la personne.
Voici la huitième recommandation:
Le Sous-comité recommande que Sécurité publique Canada fasse un suivi systématique du harcèlement que font subir les autorités chinoises aux Ouïghours et à d’autres musulmans turciques vivant au Canada, ainsi qu’aux personnes et aux groupes qui militent pour eux. Le Sous-comité exhorte également le gouvernement du Canada à imposer des sanctions en cas de tentatives visant à réprimer la liberté d’expression au Canada et à continuer d’aborder le problème avec les officiels du gouvernement de la République populaire de Chine.
Voici la neuvième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ait recours aux programmes existants s’adressant aux réfugiés et crée une catégorie spéciale pour accélérer l’entrée au pays des Ouïghours et d’autres musulmans turciques, surtout ceux qui militent pour les droits de la personne et ont besoin de protection parce qu’ils fuient la persécution au Xinjiang et ailleurs. L’Agence des services frontaliers du Canada devrait suspendre le renvoi des Ouïghours et d’autres musulmans turciques vers la Chine ou d’autres États où ils risquent d’être expulsés.
Voici la dixième recommandation:
Le Sous-comité recommande qu’Affaires mondiales Canada utilise tous les outils à sa disposition pour obtenir la libération de Huseyin Celil, y compris, sans s’y limiter, la création d’un poste d’envoyé spécial dont la tâche consisterait précisément à demander sa libération et son retour.
Voici la onzième recommandation:
Le Sous-comité recommande que la Chambre des communes adopte une motion afin de reconnaître que la persécution des Ouïghours et des autres musulmans turciques au Xinjiang par le gouvernement de la République populaire de Chine constitue un génocide.
Cela a été fait sans l'appui de l'exécutif du gouvernement.
Voici la douzième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada déclare que l’oppression par le gouvernement de la République populaire de Chine des Ouïghours et des autres musulmans turciques au Xinjiang constitue un génocide. Par conséquent, le gouvernement du Canada devrait également condamner le gouvernement de la République populaire de Chine pour sa persécution méthodique et systématique des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang.
Cela n'a pas été fait.
Voici la treizième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada appuie la demande de l’ambassadeur du Canada auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en vue de la collecte d’information et de la tenue d’une enquête sur la persécution, par le gouvernement de la République populaire de Chine, des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang.
Voici la quatorzième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande la mise en place d’un mécanisme onusien impartial et indépendant pour surveiller la situation des droits de la personne des Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang et en faire rapport.
Finalement, voici la quinzième recommandation:
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada impose, en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, des sanctions ciblées à l’endroit des représentants ayant commis de graves violations des droits de la personne contre les Ouïghours et autres musulmans turciques au Xinjiang. Le gouvernement du Canada devrait également encourager ses alliés internationaux et d’autres pays aux vues semblables à imposer des sanctions semblables.
Ces mots sont immensément importants. Pourtant, du côté du gouvernement et de son exécutif, le ministre des Affaires étrangères ainsi que le premier ministre, en premier lieu, c'est le silence radio. Chaque fois que nous leur avons posé une question à la Chambre, on nous a répondu qu'on y travaillait et que la situation les inquiétait.
C'est beau de s'inquiéter, mais on est rendu pas mal plus loin que cela.
Samedi prochain, les Ouïghours vont faire une manifestation devant les locaux du Comité olympique canadien, afin de demander qu'on relocalise les Jeux olympiques. C'est l'idée proposée dans la motion que nous avons amendée du député de Wellington—Halton Hills. Le gouvernement reste encore silencieux. Il est toujours inquiet.
On a commencé à parler de façon plus large dans les médias du génocide des Ouïghours, quand on a rattaché l'idée de relocaliser les Jeux de Pékin en 2022. Soudainement, les médias ont décidé de traiter le dossier de façon plus large. Pourtant, le gouvernement nous dit toujours qu'il ne se prononcera pas, alors que les députés libéraux qui ne font pas partie de l'exécutif ont voté pour cette motion. Je posais la question tantôt à mon collègue. Je me demandais si un vote d'un député d'arrière-ban libéral vaut moins qu'un député qui fait partie de l'exécutif du gouvernement libéral.
La question se pose. Si les députés secrétaires parlementaires, les ministres et le premier ministre ont décidé de ne pas se prononcer sur la question, qu'est-ce que cela nous dit à nous, parlementaires? Cela nous dit qu'il y a un manque de courage; cela nous dit qu'il y a un manque de volonté politique; cela nous dit encore une fois qu'on plie l'échine devant le régime tyrannique, il faut le dire, qui est présentement en poste en Chine.
Nous parlons aux Ouïghours chaque jour. Chaque jour, nous leur écrivons. Mes collègues conservateurs et néo-démocrates le font, mes collègues libéraux — ceux qui ne font pas partie de l'exécutif — le font. Comment peut-on se regarder dans le miroir, lorsqu'on fait partie de ce gouvernement et qu'on est incapable de nommer les choses, parce qu'il s'agit bien de cela?
Pour s'attaquer à un problème, il faut d'abord être capable de le nommer. Présentement, le premier ministre est incapable de nommer le problème. On ne parle pas que d'un petit problème. On parle d'un génocide. Le génocide, c'est le crime le plus grave que l'être humain peut faire subir à l'être humain. Présentement, on a les preuves de ce génocide, partout sur la planète. Présentement, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères sont incapables de dire le mot « génocide », alors que les membres de leur propre parti sont capables de le faire.
Il faut se poser la question encore une fois. Pourquoi travaille-t-on et pour qui travaille-t-on? Quand je me lève le matin, je n'ai pas de misère à me regarder dans le miroir. Moi aussi, je fais partie des personnes qui sont sur la liste noire de la Chine. Sincèrement, cela ne me fait pas un pli, parce que je n'ai rien en Chine et que je ne prévois pas de faire un voyage là-bas dans les prochains jours. Par contre, il y a des députés de la Chambre qui ont été mis sur cette liste et qui ont de la famille en Chine. Ils auraient aimé peut-être aller voir les membres de leur famille pour qui ils sont inquiets, mais ils se sont levés et ont pris ce risque. Le matin, ils sont capables de se regarder dans le miroir.
Nous avons écrit une lettre ouverte. Je me trouve assez chanceux, parce que les députés de tous les partis de la Chambre ont signé cette lettre ouverte, tout comme ceux de l'Assemblée nationale du Québec et Jean-Luc Brassard, un médaillé d'or olympique sous le drapeau canadien en 1994. Ils ont signé cette lettre qui demande qu'on relocalise les Jeux olympiques de Pékin si les actes génocidaires de la Chine continuent.
Tout le monde me dit que je suis fou, parce que c'est impossible de relocaliser les Jeux à un an d'avis. Je leur réponds qu'avec la volonté on est capable de faire tout. C'est la première des choses. Les scientifiques ont créé un vaccin en très peu de temps. Tout le monde leur disait que c'était impossible, mais, pourtant, cela a été fait.
Tout ce qui manque aux politiciens, c'est la volonté politique de le faire. Cela aurait pu être fait. On a été capable de reporter les Jeux de Tokyo d'un an, parce qu'il y a une pandémie. Tout le monde était d'accord, personne n'a posé de question quand on a dit qu'on allait reporter les Jeux de Tokyo d'un an. Quand on reporte les Jeux à cause d'une pandémie, on trouve cela tout à fait normal, mais, quand on s'attaque aux Jeux de 2022 à cause d'un génocide, on me dit que c'est impossible.
Je ne sais pas où se trouve la logique. Si nous avons été capables de le faire pour Tokyo, pourquoi ne le sommes-nous pas pour Pékin? Ce n'est pas une pandémie, mais un génocide. N'est-ce pas suffisamment important?
Je ne comprends pas que des gens puissent être contre cette idée, alors qu'ils se lèvent le matin en se disant qu'ayant été élus par les citoyens, ils doivent travailler pour eux et pour ce qui est bien. Ce qui est bien, c'est justement de se battre contre un régime tyrannique et de protéger les gens qui subissent les foudres de ce régime.
Personnellement, je suis content, parce que, quand je me regarde dans le miroir, je n'ai pas de problème avec moi-même. Maintenant, il y a des députés de l'autre côté de la Chambre qui vont devoir se poser une question importante et vitale: pourquoi s'engage-t-on en politique?
On s'engage en politique pour prendre des décisions difficiles. Elles sont difficiles, car on sait évidemment très bien qui est la Chine. On sait qu'elle est une force sur la planète Terre, qu'elle est une puissance mondiale, et on ne veut pas gêner une puissance mondiale, parce qu'il y a des intérêts économiques, qu'il y a les deux Michael et qu'il y a Huawei.
S'engage-t-on en politique pour que ce soit facile? Non, on s'engage en politique et il y a des décisions difficiles à prendre. Or, elles doivent être justes. Ce n'est pas parce que c'est difficile que ce n'est pas juste.
Le premier ministre doit se regarder dans le miroir. Ce gouvernement doit se regarder dans le miroir et décider si, oui ou non, il va nommer le problème. Le jour où il aura nommé le problème, ce sera beaucoup plus facile de s'attaquer à ce même problème.
Un génocide est présentement perpétré au Xinjiang contre les Ouïghours et contre les musulmans turciques. Que le gouvernement le nomme et qu'il se lève. Je lui souhaite de pouvoir se regarder dans le miroir quand il l'aura fait.