Madame la présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois. J'ai bien aimé le préambule du ministre responsable.
Je tiens à dire, tout d'abord, que l'Agence des services frontaliers du Canada effectue un travail très important pour garantir la sécurité du Canada et de ses habitants, et qu'elle applique quelque 70 règlements et lois qui ont été adoptés par le Parlement ou qui ont été mis en vigueur grâce à d'autres processus adéquats. L'Agence accomplit un travail important. Elle est responsable de plus de 7 000 agents qui gèrent 130 postes frontaliers, et elle joue donc un rôle essentiel.
Dans le cadre de leurs fonctions, les agents des services frontaliers détiennent aussi des pouvoirs assez extraordinaires, qui dépassent probablement ceux de beaucoup d'agences policières et d'application de la loi. Ils peuvent arrêter et détenir des personnes qu'ils soupçonnent de se trouver au Canada de façon illégale. Ils peuvent procéder à une arrestation avec ou sans mandat. Ils peuvent arrêter des gens qu'ils soupçonnent d'avoir contrevenu à la loi et les détenir, dans certains cas, pendant une période indéterminée.
Comme il a été souligné, 96 millions de voyageurs quittent le Canada et y entrent chaque année, et nous ne recevons pas 96 millions de plaintes. Il est donc assez clair que la majeure partie du travail accompli ne fait pas l'objet de plaintes.
Il va sans dire que, quand on parle de plaintes, on parle de possibles manquements à la conduite appropriée. Les plaintes ne s'avèrent pas toujours fondées, mais il y en a assez qui le sont pour qu'on puisse être préoccupé par le risque d'inconduite au sein de cet organisme d'application de la loi. D'ailleurs, des enquêtes menées par l'Agence même ont permis de confirmer que certaines plaintes étaient justifiées.
Cet organisme est resté sans surveillance pendant longtemps, ce qui était préoccupant. En 2010, le juge O'Connor avait recommandé qu'une surveillance soit mise en place, mais cela n'a pas été fait. Le NPD avait soulevé la question cette année-là, à l'époque du gouvernement conservateur, après et avant la recommandation du juge O'Connor, puis jusqu'à la dernière législature. Je n'étais pas ici, mais je sais que mes collègues l'ont fait. Ils n'ont pas été les seuls. Des organismes publics bien connus et respectés, comme l'Association du Barreau canadien, Amnistie internationale et l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, pour n'en nommer que quelques-uns, ont constaté et signalé d'importantes failles dans les activités et le comportement de l'Agence des services frontaliers du Canada dans le cadre de l'application de la loi.
Il est plutôt évident que des changements doivent être apportés. Le ministre a lui-même dit qu'ils sont attendus depuis longtemps et il a reconnu que le projet de loi ou une mesure législative semblable aurait dû être présenté beaucoup plus tôt. Il est regrettable que cette lacune n'ait pas été comblée avant aujourd'hui, mais nous sommes encouragés par le fait que nous sommes maintenant saisis du projet de loi.
Le gouvernement libéral a bien présenté un projet de loi à la fin de la dernière législature, mais c'était à peine quelques semaines avant que la session parlementaire prenne fin, alors disons qu'il s'agissait d'un effort timide. Le projet de loi a été renvoyé au Sénat le 19 juin, la veille de la fin de la session parlementaire, sans espoir que les sénateurs lui accordent une attention particulière. Le gouvernement libéral mérite des reproches pour ne pas avoir présenté de projet de loi plus tôt afin qu'une discussion et un débat complets puissent avoir lieu.
Quelques changements ont maintenant été apportés. Les réponses du ministre lorsqu'on lui a posé des questions sur les consultations ne me donnent pas l'impression que des consultations sérieuses ont été menées auprès du syndicat concerné. Des membres du syndicat ont comparu devant le comité. Le Syndicat des douanes et de l'immigration a son mot à dire. Je pense que le syndicat est généralement favorable à l'idée de la reddition de comptes, car elle donne également aux agents pouvant faire l'objet d'une plainte l'occasion d'être innocentés si la plainte n'est pas fondée et ce processus peut se faire de manière publique.
Cela dit, nous devons examiner soigneusement certaines des dispositions du projet de loi. Est-ce que la Commission examinera simplement les plaintes et les enquêtes qui ont été faites à l'interne? Dans quelle mesure le projet de loi prévoira-t-il la tenue d'enquêtes indépendantes? Le pouvoir de mener de telles enquêtes est prévu. Reste à voir comment il sera mis en pratique.
Serons-nous aux prises avec un arriéré, comme nous l'avons observé avec le système de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC? Des fonds supplémentaires ont été accordés, et je constate que le projet de loi contient des dispositions qui portent sur des normes de rendement en matière de traitement des plaintes. Le problème, avec les organismes de surveillance comme celui-ci, c'est qu'on ne sait pas vraiment si le simple fait d'établir des normes de rendement est suffisant et si le gouvernement est déterminé à répondre à ses besoins de financement ou d'effectifs. Nous devons nous pencher sur ces questions pour mieux prévoir ce qui va se passer.
Le NPD souscrit au principe du projet de loi, et nous allons certainement l'appuyer à l'étape de la deuxième lecture. Nous verrons si le ministre est prêt à considérer des amendements pendant l'étude au comité. Je ne vais pas en proposer à la Chambre aujourd'hui, mais j'aimerais que le ministre soit prêt à prendre en considération les arguments de ceux qui pourraient proposer des amendements visant à améliorer le projet de loi et à le rendre plus efficace.
Nous avons entendu certaines préoccupations du milieu juridique par rapport à l'incidence des pratiques de l'organisme sur le secret professionnel, car il y a bel et bien des aspects préoccupants à cet égard. Il faut répondre à ces préoccupations, si ce n'est déjà fait. Je ne suis pas sûr qu'on y a répondu jusqu'à présent.
De plus, comme je l'ai déjà indiqué à la députée de Saint-Jean, nous aimerions pouvoir examiner les politiques et les pratiques. D'ailleurs, le projet de loi donne au comité l'occasion de se pencher sur certaines pratiques. J'aimerais voir le comité mener une étude rigoureuse. Je suppose que cela dépendra de sa composition.
J'aimerais que ce type d'examen puisse être mené sur l'initiative d'un autre organisme. Par exemple, l'Association du Barreau canadien pourrait vouloir que le comité se penche sur une pratique potentiellement problématique, qu'elle se rapporte au secret professionnel ou à des incidents récurrents. D'autres organismes extérieurs pourraient également demander au comité de mener un examen. Je note que des examens peuvent être aussi faits à la demande du ministre compétent. Cela pourrait apaiser certaines inquiétudes.
La présente mesure n'est sans doute pas un outil parfait — et je pense que personne n'a soutenu le contraire —, mais c'est malgré tout une façon d'avancer. Le NPD avait appuyé cette mesure lors de la législature précédente parce qu'elle représentait une amélioration par rapport au système existant. En effet, à l'heure actuelle, l'Agence des services frontaliers du Canada ne fait l'objet d'aucune surveillance civile. Cela fait des années qu'on signale ce problème.
Les agents de la paix possèdent d'énormes pouvoirs, et ils jouent un rôle indispensable. Dans bien des cas, ils ont affaire à des personnes vulnérables, à des réfugiés. Durant la dernière législature, 41 000 réfugiés sont entrés au Canada. Ces gens sont vulnérables. Il est possible qu'ils ne puissent pas se plaindre ou qu'ils estiment que le faire pourrait leur causer des problèmes. Une surveillance rigoureuse s'impose donc. Nous devons nous assurer que des mécanismes de surveillance sont en place. Il pourrait être nécessaire pour des tiers de s'adresser au comité pour vérifier que les politiques et les pratiques en vigueur respectent les normes requises quand on confie aux agents de la paix la tâche de s'occuper de civils, tout en veillant à l'application de la loi.
Ce sont là quelques-unes des préoccupations que les néo-démocrates examineront attentivement au comité. Je suis troublé d'entendre que le projet de loi ne prévoit aucun examen relativement à ce qui se passe dans les centres de détention, mais je compte étudier cette question de très près. Soulignons un fait qui a été mentionné dans une autre intervention: depuis 2000, au moins 14 personnes sont mortes en détention. Je ne veux pas laisser entendre que ces décès sont attribuables à la négligence ou à un comportement inapproprié, mais la question demeure. Ces cas n'ont pas pu faire l'objet d'une enquête de la part d'un organisme externe, plus précisément en ce qui concerne les comportements à l'égard des détenus et le traitement de personnes qui ont peut-être été maltraitées pendant leur détention. Évidemment, je ne suis pas en mesure de dire s'il en a été ainsi dans ces cas précis.
Toutefois, les citoyens doivent, au bout du compte, avoir la certitude qu'il existe un degré suffisant de transparence et de surveillance pour en arriver à croire non seulement que les agents de l'ASFC agissent dans l'intérêt public et pour la sécurité du Canada, mais aussi qu'ils traitent les personnes de manière appropriée, sans abuser de leur position de pouvoir et de confiance. Il faut que les gens sachent qu'ils peuvent avoir recours à un processus approprié, indépendant, solide et accessible qui garantira que justice soit faite en cas de comportement inadéquat et inacceptable.
Je le répète, le syndicat des employés concernés ne rejette pas ce constat. Il trouve, lui aussi, que c'est adéquat et juste.
Bref, les néo-démocrates appuient cette mesure législative à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons hâte d'y consacrer suffisamment de temps pour l'examiner et inviter des témoins qui pourront nous aider à l'analyser et nous faire part de leurs recommandations et opinions.