Madame la Présidente, je n'irai pas par quatre chemins: le Bloc québécois votera contre le projet de loi C-262. Mon collègue de Jonquière l'a bien exprimé avant moi.
Nous allons voter contre le projet de loi pour une raison bien simple, car nous refusons cette forme de subvention aux combustibles fossiles et aux énergies non renouvelables. C'est cela, le projet de loi C-262: une nouvelle subvention aux énergies fossiles déguisée en crédit d'impôt. Comprenons-nous bien. Dans une perspective de lutte contre les changements climatiques, certaines subventions peuvent être efficaces, mais les avantages fiscaux octroyés pour la capture et le stockage du carbone, dont il est question dans le projet de loi C-262, ne le sont pas.
Dans ce cas-ci, le carbone capturé est en fait utilisé pour procéder à l'extraction du pétrole et prolonger la durée de vie des gisements vieillissants. Donc, en plus d'être inefficace sur le plan environnemental, la mesure proposée est injuste pour les contribuables. Les Québécois et les Québécoises n'ont pas à payer pour renflouer les coffres des pétrolières canadiennes. Si on veut encourager les entreprises à capturer et à stocker le carbone, il faut augmenter le prix de la tonne de carbone. Il n'y a pas de secret: il faut qu'il y ait un coût financier à polluer pour les pétrolières; sinon, pourquoi arrêteraient-elles de le faire?
Si on augmente le prix de la tonne de carbone, on respectera alors le principe du pollueur-payeur. C'est la base d'une politique environnementale efficace, mais, en matière d'environnement, le Canada est mauvais élève. Il est en voie de rater sa cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en plus d'échouer à réduire ses subventions aux combustibles fossiles.
La relance économique et le soutien à l'emploi ne doivent pas se faire au détriment du climat. Il est grand temps d'investir dans une véritable transition qui mise sur nos ressources renouvelables, notre savoir et nos régions. C'est ce que propose un Québec indépendant, et le Canada aurait tout intérêt à l'imiter, mais, revenons au projet de loi C-262.
Il est assez évident que l'objectif de ce projet de loi est d'affaiblir la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Ce n'est pas un secret que les conservateurs s'opposent à la taxe carbone, même s'ils prétendent maintenant le contraire.
Les chiffres sont pourtant éloquents. Les répercussions des changements climatiques laissent présager des coûts astronomiques au Canada. Selon un tout nouveau rapport piloté par une vingtaine de chercheurs, financé par Environnement et Changement climatique Canada et publié hier, au-delà des multiples menaces environnementales, les bouleversements climatiques auront également des conséquences majeures sur la santé des citoyens, ce qui entraînera des coûts énormes pour la société.
D'ailleurs, les scientifiques estiment que les coûts reliés à la perte de vies et de qualité de vie s'élèveront à 86 milliards de dollars par année d'ici 2050, et à 250 milliards de dollars par année d'ici 2100. C'est énorme. Ils mettent également en garde contre les effets de vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses au pays. Le rapport démontre que cette hausse généralisée de la température aura « un effet dévastateur sur la productivité ». Les chercheurs calculent qu'elle pourrait faire perdre 128 millions d'heures de travail par année d'ici la fin de ce siècle, soit l'équivalent de 62 000 emplois à temps plein et de près de 15 milliards de dollars. Ce sont des chiffres effrayants.
La crise climatique n'est pas une lubie. Il faut s'y attaquer et cesser de présenter des projets de loi, comme le projet de loi C-262, qui ne font que retarder le débat sur des solutions tangibles et efficaces des réductions des gaz à effet de serre. Le pire dans tout cela, c'est que nous avons pris beaucoup de retard.
Déjà, en 2019, un rapport produit par Environnement et Changement climatique Canada concluait que le climat canadien se réchauffait deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale et que, au cours des dix prochaines années, tout le pays serait sévèrement bouleversé par les conséquences de plus en plus importances du réchauffement. C'est assez clair: nous n'avons plus une minute à perdre.
Le risque d'aller de l'avant avec des technologies de capture et de stockage du carbone, tel que propose le projet de loi C-262, c'est qu'elles détournent l'attention de la nécessité de réduire les sources d'émissions et détournent également l'attention des actions nécessaires pour y arriver rapidement et efficacement.
En fait, le crédit d'impôt proposé par le projet de loi C-262 est contraire à la logique de la tarification du carbone et de la taxe carbone. Le prix sur la pollution ne sera jamais un incitatif si c'est le public qui absorbe les coûts liés à la gestion des émissions. Le prix sur la pollution doit amener des changements de comportements et des engagements à entamer une transition énergétique. Le projet de loi C-262 nuirait à l'atteinte de cet objectif.
Avec le projet de loi C-262, les conservateurs proposent encore une fois une solution qui socialisent les coûts environnementaux liés à l'activité économique tout en conservant les profits et les avantages au secteur privé, voire aux pétrolières. Ce qui est déplorable, voire ridicule, c'est qu'on essaie de faire avaler que c'est une solution écologique de lutte contre les changements climatiques, alors que les conservateurs n'en reconnaissent même pas l'existence. S'ils y croyaient, ils présenteraient des solutions crédibles et fondées sur la science, et non des projets de loi qui visent à détruire le seul outil sérieux et concret que le Canada a mis en œuvre pour réduire ses émissions, soit la tarification du carbone.
J'ai dit plus tôt que la relance économique et le soutien à l'emploi n'avaient pas à se faire au détriment du climat et je veux y revenir, parce que c'est crucial.
Le Bloc québécois trouve parfaitement légitime que le gouvernement effectue des dépenses publiques, incluant des dépenses fiscales, pour soutenir l'emploi et l'économie. Évidemment, cela inclut le secteur énergétique, mais celui-ci ne se limite pas aux industries du gaz et du pétrole de l'Ouest. Si le Québec compte déjà sur une production d'énergie renouvelable à près de 99 %, le Canada aussi a un potentiel d'énergie renouvelable et peut faire le choix de mettre fin à sa dépendance aux combustibles fossiles.
Si l’on croit que la relance est une occasion d’accélérer la transition énergétique, comme c’est le cas au Bloc québécois, et au Québec d’ailleurs, les investissements fédéraux doivent être dirigés vers les secteurs d’avenir. Le pétrole n’en est pas un. Le pétrole n’est pas une énergie renouvelable, malgré ce qu’en pensent certains députés.
Dès les premiers mois de la pandémie, le Bloc québécois s’est mis à l’œuvre pour réfléchir au type d’économie que nous souhaitons pour le Québec et aux moyens de mettre en œuvre une relance qui est au service de la transition écologique. Après un vaste exercice de consultation dans tout le Québec, le Bloc québécois a présenté un plan de relance vert qui inclut le transfert au Québec des moyens financiers adéquats pour lutter contre la pandémie de la COVID-19 et, en parallèle, pour entamer une relance verte ambitieuse et axée sur les régions.
Nous ne sommes pas dupes lorsque l’on propose en Chambre un projet de loi comme le projet de loi C-262, qui se donne un vernis vert, mais qui, dans les faits, sert ceux qui s’opposent à la lutte contre les changements climatiques et qui perpétuent la dépendance canadienne aux énergies fossiles. Nous ne sommes pas dupes lorsque le gouvernement libéral affiche publiquement une image verte, mais, dans les faits, finance à coups de milliards les énergies du passé. Je pense au pétrole de l’Alberta. Je pense à l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Je pense aux transferts pour soutenir l’industrie pétrolière en mer au large de Terre-Neuve. Ce sont tous des exemples qui illustrent clairement l’incohérence qui existe entre la prétention écologiste des libéraux et leurs actions pour encourager l’industrie des énergies fossiles.
Le Bloc québécois fera tout en son pouvoir pour empêcher qu’encore plus d’argent provenant des Québécoises et des Québécois ne soit dépensé au détriment de la planète, ce qui se passe actuellement. Malgré les discours du premier ministre sur la relance verte et les changements climatiques, les subventions fédérales aux combustibles fossiles se sont élevées à 1,91 milliard de dollars en 2020. Il s'agit d'une augmentation de 200 % par rapport à 2019.
Notre appui aux interventions publiques en matière environnementale n’est pas fonction du vernis vert qu’en donnent les autres partis, mais plutôt de la valeur intrinsèque de chacune de ces interventions. Notre défi pour la relance, en plus de proposer des projets de loi qui misent sur les forces vives du Québec et de ses régions, est de demeurer vigilants et de nous opposer aux fausses solutions en matière d’économie écologique. Pour ce qui est des subventions aux combustibles fossiles, nous nous y opposerons chaque fois avec vigueur. Nous allons monter aux barricades chaque fois que le gouvernement tentera d’utiliser le contexte de la pandémie pour les justifier.