Monsieur le Président, j'aimerais remercier mon collègue, le député de Skeena—Bulkley Valley, de partager son temps de parole avec moi.
Pour commencer, j'aimerais saluer la communauté LGBTQ de ma circonscription, Cowichan—Malahat—Langford. J'aimerais replacer ces salutations dans un contexte particulier, à savoir le fait que je représente en tant que député cette magnifique partie de l'île de Vancouver — et c'est un privilège —, et qu'à ce titre, j'ai une immense responsabilité à assumer. En tant que députés, nous avons le pouvoir et la responsabilité de défendre les gens dans nos circonscriptions, nos collectivités et partout au pays qui ont toujours vécu en marge de la société, qui n'ont pas été reconnus comme des égaux par de grands pans de la société canadienne et qui ont été victimes de discrimination par nos lois et nos politiques.
C'est l'une des choses que nous, députés, devons faire. Nous devons intervenir, sur cette formidable scène qu'est la Chambre des communes, et faire tout ce que nous pouvons pour changer ce pays afin que tous les Canadiens soient traités de la même manière, quels que soient les personnes qu'ils aiment, leur milieu social, leur race ou leur origine. Nous devons nous faire les champions de tous les membres de nos collectivités. Je prends très au sérieux cette responsabilité et ce privilège qui sont les miens depuis presque six ans maintenant.
Nous parlons aujourd'hui du projet de loi C-6 du gouvernement. Je voudrais rendre hommage au ministre de la Justice de l'avoir proposé et l'en remercier. Il a beaucoup consulté, je le sais. Mon collègue néo-démocrate, le député d'Esquimalt—Saanich—Sooke, a participé à ces consultations, et j'aimerais le remercier de défendre ce dossier à la Chambre.
Le projet de loi que nous étudions, soit le projet de loi C-6, modifierait le Code criminel, ce qui m'a fait réfléchir au pouvoir fédéral en matière de droit criminel en général, car c'est un outil puissant. Nous savons que, dans des décisions antérieures, la Cour suprême du Canada a maintenu qu’une loi, pour relever validement du droit criminel, devait comporter premièrement, une interdiction, deuxièmement, une sanction et troisièmement, un objet valide de droit criminel que sont traditionnellement la paix, l'ordre, la sécurité, la moralité et la santé. Ce sont les domaines généraux où s'applique le pouvoir fédéral en matière de droit criminel.
Le projet de loi C-6 et la pratique qu'il vise à interdire correspondent de toute évidence aux domaines de la sécurité et de la moralité, car il est tout à fait immoral de forcer quelqu'un à changer la personne qu'il est. Il s'applique aussi à l'article 7 de la Charte, soit la sécurité de la personne. En forçant une personne à suivre une thérapie de conversion, on la prive de sa sécurité. Nous savons qu'il s'agit d'une pratique extrêmement néfaste. Nous avons entendu des témoignages sur l'effet dévastateur qu'elle a eu sur des personnes. Comme beaucoup de députés l'ont dit avant moi à propos du projet de loi C-6, quand je parle aux habitants de ma circonscription, ils sont toujours surpris d'apprendre qu'une telle pratique a toujours cours au Canada.
Les thérapies de conversion ou dites « réparatrices » sont très dangereuses, car elles ciblent les jeunes de la communauté LGBTQ dans le but de changer leur orientation et leur identité sexuelles. Parfois, les gens parlent de « thérapies réparatrices », mais je déteste que l'on utilise à tort le mot « thérapie » dans ce contexte. Selon moi — et je crois que la majorité des Canadiens partagent mon opinion —, une thérapie est une pratique ou une forme de counseling qui aide une personne à se sentir mieux. Ce n'est pas du tout le cas pour les thérapies de conversion. Il s'agit d'un éventail de pratiques dangereuses et discréditées qui, prétend-on à tort, changerait l'orientation, l'identité ou l'expression sexuelles d'une personne. Tous les experts s'entendent pour dire que ce type de thérapie est frauduleux et dommageable. En fait, c'est une pratique qui est rejetée depuis des décennies par toutes les grandes organisations vouées à la médecine ou à la santé mentale. Cependant, comme la discrimination et les préjugés persistent dans la société à l'égard des membres de la communauté LGBTQ, certains praticiens persistent à procéder à des thérapies de conversion.
Nous savons que les mineurs sont particulièrement vulnérables, et que devoir subir une thérapie de conversion peut les faire sombrer dans la dépression, l'anxiété, la toxicomanie et l'itinérance. Dans les pires des cas, cela peut mener au suicide. Même avant que l'on commence officiellement à débattre du projet de loi, le comité de la justice a entendu des témoignages convaincants de la part de survivants des thérapies de conversion qui documentent les répercussions de cette pratique sur leur vie. Il est renversant que cette pratique existe encore au Canada.
Pour indiquer à quel point le monde a changé en peu de temps, mais aussi quels changements sont encore nécessaires, soulignons que, jusqu'en 1990, l'Organisation mondiale de la santé considérait l'homosexualité comme un trouble mental. Malheureusement, les relations homosexuelles sont encore illégales dans 68 pays. Les personnes homosexuelles y sont passibles de peines très sévères pouvant aller jusqu'à la peine de mort et sont complètement ostracisées par la société en général.
Sur la scène internationale, le Canada doit jouer un rôle important en montrant qu'il accepte les gens tels qu'ils sont sans les juger, et il doit faire preuve de probité morale en dénonçant ces pratiques nuisibles. C'est ce qu'il fait déjà dans une certaine mesure.
La pratique consistant à forcer les personnes homosexuelles et trans à devenir hétérosexuelles ou à se conformer aux normes de la société a des conséquences extrêmement néfastes. De nombreuses thérapies de conversions sont fondées sur la religion et prévoient notamment de la thérapie par la parole, de l'hypnose et, dans certains cas, des électrochocs et le jeûne.
Il incombe donc à tous les députés, en tant que représentants élus, de reconnaître à quel point cette pratique est néfaste et de réclamer haut et fort qu'elle soit éliminée à tout jamais. Nous allons recourir au plein pouvoir que nous confère le droit pénal pour dénoncer fermement les effets pervers de cette pratique et prendre les mesures nécessaires pour l'interdire.
Dans certains articles du projet de loi, il y a des dispositions interdisant de faire suivre à une personne une thérapie de conversion forcée, de faire suivre une thérapie de conversion à un enfant, de faire de la publicité en vue d'offrir de la thérapie de conversion et de bénéficier d'un avantage matériel lié à la thérapie de conversion.
J'aimerais prendre un moment pour répondre aux préoccupations qui ont été soulevées par certains députés. Dans chacune de ces interdictions, on retrouve l'expression « thérapie de conversion ». Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi, on a pris le temps de fournir une définition de la thérapie de conversion. D'ailleurs, la disposition précisant la définition de cette pratique a été modifiée en réponse à quelques préoccupations soulevées récemment. Maintenant, on peut y lire qu'elle ne vise pas:
L’exploration et le développement d’une identité personnelle intégrée sans privilégier une quelconque orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre.
La définition ne comprend donc pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent à ces éléments en particulier. Cela permet de clarifier les choses pour ce qui est des conversations entre des parents et leurs enfants, entre des pasteurs et leurs paroissiens, ou simplement entre des personnes souhaitant que la conversation se déroule dans un cadre semi-officiel. En aucun cas cela n’empêche des conversations d’avoir lieu.
À mon humble avis, je pense que nous avons pris en compte les préoccupations et que les préjudices découlant de ces pratiques justifient que nous adoptions ce projet de loi.
Pour conclure, je souhaite déclarer de façon claire et sans équivoque que je soutiendrai le projet de loi C-6, et j’espère que mes collègues se rallieront à moi pour que nous puissions le renvoyer à l’autre endroit pour qu’il reçoive rapidement la sanction royale.