Madame la Présidente, je suis très heureuse d'avoir un texte ce matin, parce que je suis très émotive et estomaquée, comme ma collègue.
Je suis heureuse aujourd'hui de parler du projet de loi C-6 à l'étape de la troisième lecture, un projet de loi qui modifie le Code criminel en lien avec les thérapies de conversion. Selon moi, ce projet de loi doit faire consensus pour obtenir tout le respect et la protection que les personnes LGBTQ+ méritent. L'égalité entre les citoyennes et les citoyens est une valeur fondamentale au Québec et j'ose espérer qu'elle l'est aussi d'un océan à l'autre. C'est inaliénable.
Les pratiques qui nient le droit à l'existence dans le respect de son identité profonde doivent être dénoncées. Nous sommes en 2021. Historiquement, le Québec a été un chef de file en matière de protection des droits. En effet, depuis 1977, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnaît l'orientation sexuelle comme motif prohibé de discrimination. De plus, en 2002, le ministre péquiste de la Justice a obtenu de l'Assemblée nationale du Québec qu'elle institue l'union civile, permettant ainsi l'union des couples de même sexe.
Le projet de loi dont nous débattons propose l'amendement d'une série d'articles du Code criminel dans le but de créer des infractions, toutes relatives à la pratique de thérapies de conversion. Le mot « pratique » est très important dans ceci. Ce projet de loi est identique au projet de loi C-8 déposé en mars 2020 et mort au Feuilleton à la prorogation du Parlement. J'ose espérer que le projet de loi C-6 sera adopté par tous les députés à la Chambre en cette 43e législature, car on n'a plus de temps à perdre.
Qu'est-ce qu'une thérapie de conversion? C'est une pratique, un traitement ou un service qui vise à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre, ou à réprimer ou à réduire toute attirance sexuelle non hétérosexuelle ou tout comportement jugé anormal. C'est épouvantable!
Je nous invite à nous mettre, ne serait-ce que quelques secondes, à la place d'une personne vulnérable pour mesurer toute l'ampleur de cette violence sur son identité, ainsi que la détresse que cela peut causer. Il m'est inconcevable que, encore aujourd'hui, il existe ce type de traitement dans le but de plaire à des parents ou à une organisation et d'obtenir leur acceptation. Voyons donc!
Au Québec, le respect de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle de chacun constitue une valeur à laquelle la pratique des thérapies de conversion fait violence. Dans notre société si inclusive et respectueuse — j'ose l'espérer — des droits de la personne, qui sommes-nous pour juger de ce qui est bon chez une personne et tenter de la convaincre d'être différente?
Comme les spécialistes le disent, les thérapies de conversion relèvent de la pseudoscience. Non seulement elles sont dangereuses et dégradantes, mais elles sont inefficaces, comme l'ont démontré de nombreuses études. Selon l'Organisation mondiale de la santé, ces pratiques constituent « une grave menace pour la santé et les droits des personnes touchées ». Selon la Société canadienne de psychologie, « la thérapie de conversion, ou thérapie réparatrice, peut avoir des conséquences négatives telles que l'angoisse, l'anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d'échec personnel, la difficulté à entretenir des relations, et des dysfonctions sexuelles ». C'est très grave.
D'ailleurs, cinq provinces canadiennes et un territoire ont déjà interdit les thérapies de conversion, soit le Manitoba, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec et le Yukon. Il ne faut pas oublier les Villes de Vancouver, d'Edmonton et de Calgary. Dans le monde, l'Albanie, le Brésil, l'Équateur, les îles Fidji, l'Allemagne, Malte, la Suisse et Taïwan ont interdit ce genre de thérapie. C'est aussi le cas dans plus de 20 États et 80 villes des États-Unis. Malheureusement, on peut suivre une thérapie de conversion au Canada, mais cela est fait dans le silence. Quand je dis cela aux gens de ma circonscription, Laurentides—Labelle, ils sont surpris que cela existe encore aujourd'hui. Il faut dénoncer ce genre de thérapie et il faut agir.
J'aimerais parler d'un cas qui a été médiatisé, soit le cas de Gabriel Nadeau.
Gabriel était membre d'une communauté protestante pentecôtiste. Il a eu recours aux thérapies de conversion à trois reprises.
Afin de faire ressentir à mes collègues ce que j'ai personnellement ressenti lorsque j'ai appris son histoire, je vais citer Gabriel.
Quatre personnes me tenaient physiquement pendant que le « prophète » me criait dans les oreilles pendant une demi-heure en demandant au démon de sortir, et qu’on me faisait boire de « l’huile d’olive sainte ».
Il a ajouté:
Tout le monde dans mon entourage me disait qu’on pouvait changer mon orientation sexuelle. J’ai tout essayé... sans succès bien sûr. Le déclic s’est fait entre 18 et 19 ans... Maintenant, j’accepte mon orientation et je suis fier d’être gai.
Peut-on imaginer tout ce qu'il a vécu?
Les membres de son groupe croyaient que l'homosexualité était un esprit maléfique, un démon. Gabriel a mentionné qu'il était au courant de cela et qu'il le croyait lui-même. L'exorcisme était une technique utilisée lors de la thérapie.
Je continue la citation.
Je pense que ça a été la phase la plus difficile pour moi, même au-delà de l’exorcisme. C’est, en fait, le rejet de moi-même qui s’en est suivi, de complètement être dégoûté par moi-même et vouloir changer absolument et être désespéré, chaque jour [...]. C’était vraiment épouvantable.
Gabriel Nadeau a aussi mentionné ce qui suit:
J’ai commencé à m’accepter et j’ai découvert que ce n’était pas tout le temps nécessaire de se conformer à ce que les autres veulent ou pensent, que ce soit pour ma sexualité ou pour le reste. C’est extraordinaire, je ne retournerais jamais à cette prison religieuse.
Aujourd'hui, je tiens à saluer le courage dont il a fait preuve pour partager son histoire et son vécu, aussi traumatisant soit-il. En partageant son histoire, il a amené la société et les élus, c'est-à-dire les députés, à réfléchir et à mettre des mots et des images sur les violences que peuvent vivre les Québécois et les Canadiens qui ont recours aux thérapies de conversion. Je tiens à remercier Gabriel et à lui dire que nous pensons à lui.
Heureusement, les sociétés québécoise et canadienne, aussi distinctes soient-elles, ont beaucoup en commun, notamment sur le plan des valeurs. Le Québec et le Canada sont d'accord sur un certain nombre de sujets et adoptent des politiques concordantes, qui vont dans le sens du progrès des droits.
À titre de porte-parole du Bloc québécois en matière de vivre-ensemble, je tiens aujourd'hui à souligner l'initiative du gouvernement du Québec en matière de protection des droits de la personne, plus précisément la loi 70, qui a permis de mettre fin aux thérapies de conversion au Québec.
Le 17 mai dernier était la Journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie. Le thème de cette année était « Plusieurs portent leurs couleurs sans le vouloir. » Partout dans le monde, les personnes de la communauté LGBTQ2S+ sont encore victimes de violences psychologique, physique et sexuelle partout dans le monde.
Rappelons que ce projet de loi veut mettre fin aux thérapies de conversion qui sont des violences psychologiques terribles, nullement appuyées sur des fondements scientifiques.
J'invite donc tous mes collègues, surtout mes collègues conservateurs qui tentent d'apporter des modifications qui pourront être faites ultérieurement, à agir d'ici la fin de cette session. Nous devons cesser de repousser ce moment et passer au vote pour défendre et protéger les personnes de la communauté LGBTQ2S+ canadiennes et québécoises. Nous ne devons pas retarder l'adoption du projet de loi, mais voter en sa faveur. Je le demande. Personne ne mérite de souffrir inutilement et de porter des cicatrices à vie.
Nous avons le devoir de protéger les vulnérables. C'est pour cela que j'ai choisi la politique. D'ailleurs, je tiens à le mentionner, le 15 juin, il n'y a pas si longtemps, le chef conservateur s'engageait sur Twitter: « Laissez-moi être sans équivoque, les thérapies de conversion n'ont pas leur place au Canada et devraient être abolies. Point à la ligne [...] je m’engage à combattre cette pratique inacceptable et blessante. Je ne ferai aucun compromis là-dessus. » On verra si sa parole vaut quelque chose jusqu'aux actes.
Rappelons que, selon une récente enquête officielle, 47 000 hommes canadiens appartenant à une minorité sexuelle ont été soumis à une thérapie de conversion. Il ne s'agit pas de 2 000 ou de 5 000, mais bien de 47 000 hommes.
Au Bloc québécois, nous sommes fiers d'être des alliés historiques de la communauté LGBTQ2S+. Tous mes collègues sont prêts depuis longtemps à mettre fin à cette violence des pratiques de conversion, ici et maintenant, afin qu'aucune personne issue de la diversité sexuelle et de genre n'ait à se convertir, car nous les aimons et nous les célébrons.
En terminant, je ne sais pas si mes chers collègues ont regardé le film intitulé Boy Erased, ou Garçon effacé en français. Franchement, j'ai pu mettre des images sur comment se passent les thérapies de conversion pour une personne et pour une famille et comprendre leur impact. En fait, j'ai eu des frissons, une grande prise de conscience et c'était terrifiant. J'ai demandé à mes enfants de le regarder. Ensuite, on s'en est parlé. La première chose qu'ils m'ont dite a été: « Maman, c'est un fait vécu. Quand était-ce? » Je leur ai répondu que c'était il n'y a pas longtemps et que cela se faisait encore. Ce film paru en 2018 est basé sur les mémoires de Garrard Conley, auteur et activiste de 35 ans. Il raconte l'expérience traumatisante et violente de sa thérapie de conversion qui était imposée par ses parents. Ce n'était pas sa volonté. J'invite mes collègues à le regarder puisque cette adaptation a été un puissant moyen de sensibilisation pour ma famille et moi.
Au fond, tout tourne autour de cela: éduquer, s'informer, comprendre l'autre. Peu importe notre identité de genre ou notre orientation sexuelle, nous sommes beaux et belles dans notre diversité.
Je suis heureuse de dire que le Bloc québécois est résolument engagé depuis toujours dans la protection et la promotion des droits et libertés des citoyennes et des citoyens du Québec. Je suis très fière d'appartenir à une formation politique qui partage mes valeurs et qui a toujours été un allié dans le combat contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, le genre ou l'expression de genre.
D'emblée, j'ai demandé à ce que l'on se lève et que l'on ose. Il faut que le projet de loi C-6, d'ici la fin de la session parlementaire, puisse être chose du passé. Il est, à mon avis, déjà tard. Cependant, comme nous le disons, il n'est jamais trop tard.