Madame la Présidente, je vais partager le temps qui m’est imparti avec le ministre de Patrimoine canadien.
Je suis né en Ontario, à Niagara, entouré de Franco‑Ontariens. J'ai choisi d'aller au Québec à l'âge de 25 ans pour étudier entre autres le droit civil, et je m'y suis établi. J'y ai fait carrière, notamment en enseignant le droit civil en français et en anglais, et j'ai fait éduquer mes enfants en français.
Je suis avec la majorité de Québécois qui s'identifient à la fois au Québec et au Canada. Cela est complexe, mais j'aimerais rappeler à mes collègues de l'autre côté de la Chambre que la grande majorité des Québécois et des Québécoises s'identifient non seulement au Québec, évidemment avec fierté, mais aussi au Canada, avec fierté aussi.
Ce n'est pas tous les jours que nous avons l'occasion de nous attarder sur les procédures de modification de la Constitution du Canada. Mes remarques aborderont la portée et la nature de l'autorité incontestable dont disposent les législatures provinciales pour modifier leur constitution provinciale. Je veux aujourd'hui faire ressortir trois choses.
Premièrement, depuis la Confédération, en 1867, les législatures provinciales jouissent d'une autorité leur permettant de modifier unilatéralement certains aspects de leur constitution provinciale.
Deuxièmement, si l'exercice de ce pouvoir de modification constitutionnel porte typiquement sur le fonctionnement de l'appareil gouvernemental, il peut néanmoins être mené par une législature provinciale qui souhaiterait modifier sa constitution provinciale en y ajoutant des dispositions portant sur le caractère particulier de la province.
Troisièmement, si la procédure de modification unilatérale par les législatures provinciales permet certains aménagements à la constitution d'une province, ces aménagements doivent nécessairement se limiter à cette province.
Ce faisant, une province ne saurait en toucher une autre par cette procédure de modification et ne saurait toucher, par cette procédure de modification, les autres dispositions formant la Constitution du Canada ou les normes dont l'existence était essentielle au compromis ayant mené à la Confédération.
Les assemblées législatives provinciales ont toujours eu le pouvoir de modifier leur propre constitution. Le paragraphe 92(1) de ce qu’on appelait à l’époque l’Acte de l’Amérique du Nord britannique leur permettait d’élaborer exclusivement des lois en ce qui concerne des questions qui comprenaient une modification, de temps à autre, de la constitution d’une province, sauf si cela visait les fonctions de lieutenant-gouverneur. Cette disposition a été abrogée et remplacée en 1982. Le pouvoir des provinces de modifier leur propre constitution est maintenant prévu à l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit que, sous réserve de l’article 41, qui porte sur les questions protégées par la procédure relative au consentement unanime, une législature a compétence exclusive pour modifier la constitution de sa province.
Succédant à la disposition de l’ancien Acte de l’Amérique du Nord britannique, cette disposition a essentiellement, selon la Cour suprême, une portée équivalente à celle de l’ancienne disposition. Pour que les assemblées législatives exercent le pouvoir conféré par ces procédures de modification unilatérales, elles doivent tout simplement faire voter une loi en ce sens, comme d’habitude. En résumé, nous n’avons pas à composer avec un nouveau pouvoir ou même un pouvoir controversé. Il s’agit plutôt d’un pouvoir qui date de la Confédération.
Les modifications constitutionnelles entreprises sous l'égide de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de l'article précurseur dans ce qui est maintenant connu sous le nom de la Loi constitutionnelle de 1867 se sont, la plupart du temps, intéressées aux institutions gouvernementales.
Par exemple, c'est en s'appuyant sur cette autorité que les législatures provinciales ont initialement adopté les mesures législatives portant sur leurs privilèges et immunités. C'est également cette autorité qui a permis aux législatures provinciales d'abolir leur chambre haute respective. Par le fait même, certaines dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, texte fondateur de la Confédération canadienne, sont devenues caduques.
À titre de dernier exemple, on a qualifié de constitutionnelles les dispositions d'une loi provinciale portant sur le fonctionnement de la fonction publique de la province. Ainsi, il ne fait aucun doute que les législatures provinciales peuvent modifier, jusqu'à un certain point, la constitution de leur province en adoptant des dispositions portant sur le fonctionnement d'un organe du gouvernement de la province.
Certes, l'instrument visé par une modification constitutionnelle est pertinent pour déterminer quelle est la formule appropriée. Cela dit, ce facteur à lui seul ne devrait pas se voir accorder un poids indu. Il serait impossible pour une législature provinciale ou le Parlement de modifier indirectement les dispositions intangibles de la Constitution du Canada par l'adoption de dispositions incompatibles avec celles-ci dans un texte de loi externe.
Il en est de même pour les règles de droit qui se situent dans les textes constitutifs des provinces. Les constitutions des provinces, à l'instar de la Constitution du Canada, ne se retrouvent pas dans un seul instrument arborant le titre de constitution. Il s'agit plutôt d'un ensemble de textes, de principes et de conventions de nature constitutionnelle portant sur l'appareil gouvernemental de la province. Ce qui importe, c'est le caractère de la modification et ses effets. En limitant l'analyse au titre du document visé par la modification, on subordonnerait le fond à la forme.
Cela dit, les dispositions édictées par l’intermédiaire de la procédure de modification unilatérale ne peuvent pas modifier les dispositions de la Constitution du Canada, la loi suprême et bien établie du pays. Le pouvoir qu’accorde l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 se limite à la modification de la constitution de la province. Pour apporter une modification à toute autre disposition de la Constitution du Canada qui s’applique à au moins une province, mais pas à toutes les provinces, il faut avoir recours aux procédures bilatérales décrites à l’article 43 de la Loi constitutionnelle.
Cette situation s’appliquerait, par exemple, si une province voulait apporter une modification à l’une des dispositions qui portent sur l’usage de l’anglais ou du français dans la province. C’est par l’intermédiaire de cette procédure que la Charte canadienne des droits et libertés a été modifiée, afin d’y ajouter l’article 16.1, qui consacre l’égalité des communautés linguistiques francophones et anglophones au Nouveau-Brunswick.
De plus, en vertu de l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, les assemblées législatives peuvent ne pas pouvoir apporter une modification, même si cette dernière modifie la disposition qui porte sur l’exploitation d’un organe du gouvernement de la province. Cette situation se produit lorsque la disposition inscrite ne peut pas être dissociée du principe fédéral ni d’une modalité ou d’une condition fondamentale de l’union de la Confédération. C’est le cas de l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
En ce qui concerne l’utilisation de l’anglais et du français au Parlement, à l’Assemblée nationale du Québec et devant les tribunaux, la disposition ne peut être modifiée ni par la procédure de modification unilatérale du Parlement ni par la procédure de modification unilatérale provinciale. Dans le même ordre d’idées, une modification apportée par l’intermédiaire de la procédure de modification unilatérale ne protégerait pas les dispositions contraires à la Charte.
Par exemple, l’article 23 de la Charte garantit des droits en ce qui concerne l’enseignement dans la langue de la minorité aux citoyens du Canada. Une modification à cette disposition, qui accorde des droits linguistiques à tous les Canadiens de toutes les provinces et de tous les territoires, exigerait un consentement unanime pour modifier la Constitution du Canada. Cette procédure exigerait des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et des assemblées législatives des 10 provinces.
Cependant, ce n’est pas ce que propose le projet de loi présenté par l’Assemblée nationale du Québec. La procédure de modification utilisée dans ce cas est la procédure de modification unilatérale. C’est pourquoi il est impossible de modifier, que ce soit directement ou indirectement, la Constitution du Canada. La modification ne peut que viser la constitution de la province. Autrement dit, la procédure utilisée oriente notre compréhension de la proposition.
Rappelons que la source de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 remonte à l'époque de la Confédération. Cette autorité circonscrite qui permet de modifier certains aspects de la constitution d'une province trouve son reflet à l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui autorise le Parlement à faire certaines modifications unilatéralement à la Constitution du Canada. Ces dispositions reconnaissent que le Parlement et les législatures provinciales sont des partenaires égaux dans la structure constitutionnelle canadienne.
Si certaines caractéristiques de notre ordre constitutionnel sont, à bon droit, quasi immuables, d'autres peuvent néanmoins être modifiées dans le respect de l'architecture constitutionnelle dans son ensemble.
Madam Speaker, I will be sharing my time with the Minister of Canadian Heritage.
I was born in Ontario, in Niagara, surrounded by Franco-Ontarians. I chose to go to Quebec at the age of 25 to study civil law, and I settled there. That is where I made a career of teaching civil law in both French and English, and I had my children educated in French.
I am with the majority of Quebeckers who identify with both Quebec and Canada. This is complicated, but I would like to remind my colleagues on the other side of the House that the vast majority of Quebeckers identify not just with Quebec, obviously with pride, but also with Canada, with pride as well.
It is not every day that we have the opportunity to dwell on the procedure for amending the Constitution of Canada. My remarks will address the scope and nature of the indisputable authority of provincial legislatures to amend their provincial constitutions. I wish to make three points today.
First, since Confederation in 1867, provincial legislatures have had the authority to unilaterally amend certain aspects of their provincial constitutions.
Second, while the exercise of this constitutional amending power typically relates to the machinery of government, it can nevertheless be carried out by a provincial legislature that wishes to amend its provincial constitution by adding provisions relating to the specific nature of the province.
Third, although the procedure for unilateral amendment by provincial legislatures allows for certain adjustments to a province's constitution, those adjustments must necessarily be limited to that province.
That means one province cannot affect another by this amending procedure, nor can it affect, by this amending procedure, other provisions of the Constitution of Canada or the norms whose existence was essential to the compromise leading to Confederation.
The provincial legislatures have always had the authority to amend their own constitutions. Section 92(1) of what was then known as the British North America Act, permitted provincial legislatures to exclusively make laws in relation to the matters that included the amendment from time to time of the constitution of the province, except in regard to the office of the lieutenant-governor. That provision was repealed and replaced in 1982. The authority for the provinces to amend their own constitutions is now located in section 45 of the Constitution Act, 1982, which provides that, subject to section 41, which deals with matters protected by unanimous consent procedure, the legislature of each province may exclusively make laws amending the constitution of the province.
As the successor to the provision under the former British North America Act, this provision has been held by the Supreme Court to be essentially equivalent in scope to its predecessor. For the legislatures to exercise the authority conferred by these unilateral amending procedures, all they need to do is legislate in the ordinary course. In short, then, we are not dealing with a new or even controversial power. Rather, it is a power as old as Confederation itself.
The constitutional amendments made under section 45 of the Constitution Act, 1982, and under its precursor in what is now known as the Constitution Act, 1867, have generally been in connection with government institutions.
For example, provincial legislatures initially exercised this authority to adopt legislation regarding their privileges and immunities. This authority also enabled the provincial legislatures to abolish their own upper chambers. When that happened, some provisions of the Constitution Act, 1867, the founding document of the Canadian Confederation, became obsolete.
For my last example, I will mention that provisions in a provincial law regarding the operation of the province's public service were deemed constitutional. There is therefore no doubt that the provincial legislatures can amend their province's constitution to a certain extent by adopting provisions regarding the operation of a provincial government body.
The instrument targeted by a constitutional amendment is important for determining the appropriate formula. That said, this factor alone must not be given undue weight. It would be impossible for a provincial legislature or for Parliament to indirectly amend the intangible provisions in the Canadian Constitution by adopting incompatible provisions in a separate piece of legislation.
The same is true for the rules of law in the provinces' constitutional texts. These provincial constitutions, along with the Canadian Constitution, are not all found within a single document labelled as the constitution. Rather, they consist of a set of texts, principles and agreements of a constitutional nature regarding the provincial governments. What matters is the nature of the amendment and the effect it will have. We would be putting form above substance if we were to only look at the title of the document being amended.
That being said, provisions enacted through the unilateral amendment procedure cannot amend the provisions of the Constitution of Canada, the supreme and entrenched law of the country. The authority that section 45 of the Constitution Act, 1982, provides is limited to amending the constitution of the province. To make an amendment in relation to any provision of the Constitution of Canada that applies to one or more, but not all, provinces would require proceeding by way of the bilateral procedures set out in section 43 of the Constitution Act.
This would be the case, for instance, if a province intended to make an amendment to one of the provisions that relates to the use of English or French language within the province. It is through this procedure that the Canadian Charter of Rights and Freedoms was amended to included section 16.1, which enshrines the equality of the French and English linguistic communities in the Province of New Brunswick.
An amendment may also be beyond the authority of the provincial legislatures under section 45 of the Constitution Act, 1982, even though it alters the provision that bears on the operation of an organ of the government of the province. This will be the case where the provision is entrenched as being indivisibly related to the federal principle or to a fundamental term or condition of the union at Confederation. This is the case for section 133 of the Constitution Act, 1867.
While it relates to the use of English and French in Parliament, in the legislature of Quebec and in the courts, it cannot be amended through either Parliament's unilateral amendment procedure or the provincial unilateral amendment procedure. Likewise, an amendment through the unilateral amendment procedure could not insulate provisions that conflict with the charter.
For instance, section 23 of the charter guarantees minority language educational rights to citizens of Canada. An amendment to this provision, which grants language rights to all Canadians in all of the provinces and territories, would require proceeding by way of unanimous consent procedure for amending the Constitution of Canada. This would require resolutions from the Senate, the House of Commons and the legislative assemblies of all 10 provinces.
That, however, is not what is being proposed by the bill introduced in the Quebec National Assembly. The amendment procedure relied upon in this case is the unilateral amendment procedure; because of this, the Constitution of Canada cannot be amended either directly or indirectly. The amendment may only relate to the constitution of the province. In that sense, the choice of procedure should guide our understanding of the proposal.
Keep in mind that the source of section 45 of the Constitution Act, 1982, goes back to the days of Confederation. This limited authority to amend certain aspects of a province's constitution is reflected in section 44 of the Constitution Act, 1982, which authorizes Parliament to unilaterally make certain amendments to the Constitution of Canada. These provisions recognize that Parliament and the provincial legislatures are equal partners in the Canadian constitutional structure.
While some elements of our constitutional order are, quite rightly, virtually immutable, others can still be amended in accordance with the constitutional architecture as a whole.