Monsieur le Président, avant de commencer mon discours, je vais me permettre de saluer mon collègue de Sudbury. En début de soirée, il a fait un discours très important sur sa région, sa ville, sa famille, ainsi que sur cette institution qu'est l'Université Laurentienne, pour laquelle je ne doute absolument pas qu'il a beaucoup d'affection.
J'ai eu le plaisir et le privilège de siéger avec lui au Comité des langues officielles pendant plusieurs années. J'aimerais le saluer, car je me mets à sa place. Ma ville natale de La Pocatière comprend, non pas une université, mais un collège privé de 500 étudiants, dont certains viennent d'un peu partout dans le monde. On a aussi une école secondaire publique très importante, des écoles primaires, bien sûr, ainsi qu'une institution de technologie agroalimentaire qui a été en danger à une certaine époque. Il y a aussi eu une présence universitaire jusqu'en 1962, l'année de ma naissance, puisque l'Université Laval avait sa faculté d'agriculture à La Pocatière.
Je me mets donc à la place de mon collègue et je peux comprendre le désarroi que la population de Sudbury et lui peuvent ressentir ce soir par rapport à la situation très préoccupante de l'Université Laurentienne de Sudbury, une institution qui existe depuis 1960, et aux dangers qui la guettent.
J'ai fait une petite recherche tout à l'heure et le prêtre Gustave Blanche doit se retourner dans sa tombe aujourd'hui à voir ce qui est arrivé. À La Pocatière, c'est François Pilote qui a fondé le Collège de Sainte‑Anne-de-la-Pocatière. Ces prêtres ont été les instigateurs de ces institutions qui sont devenues très importantes dans nos communautés. À La Pocatière, je constate toutes les retombées économiques de l'engagement collégial, universitaire ou scolaire, mais aussi tous les éléments qui sont venus s'y greffer avec le temps.
Pour le Nord de l'Ontario, l'Université assure une importante offre éducative postsecondaire. Il s'agit de la seule université dans cette région, située à plus de quatre heures de route de Toronto, et elle joue un rôle important pour assurer la pérennité du français au sein de l'importante communauté franco‑ontarienne du Grand Sudbury. Par ailleurs, il s'agit d'une université très reconnue, encore aujourd'hui malgré les frasques administratives qui l'ont menée à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Je pense qu'il est bon de rappeler que cette institution est maintenant à l'abri de la faillite.
Ce que je vais dire peut paraître bizarre, mais chaque menace recèle de bonnes occasions. L'une de ces occasions est la possibilité que l'Université Laurentienne a maintenant de radier plusieurs de ses dettes envers des fournisseurs ou des partenaires financiers, ce que permet la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. J'essaie de voir le côté positif de cette crise. La radiation de ces dettes pourrait permettre une meilleure pérennité, surtout si les gouvernements fédéral et de l'Ontario s'unissent pour investir des fonds additionnels afin de relancer l'Université. En effet, la situation actuelle ne peut mener qu'à une relance de l'Université.
L'éducation est évidemment de compétence provinciale. Contrairement à ce que ma collègue de Sherbrooke a dit dans son discours, comme quoi l'opposition officielle ne reconnaissait pas cette compétence provinciale, nous le savons très bien et nous respectons cette compétence. C'est d'abord la province qui a son mot à dire sur l'administration au jour le jour des écoles et des universités en Ontario.
Cependant, le gouvernement du Canada a lui aussi son rôle à jouer en vertu de son obligation morale de soutenir l'épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire. Pour avoir siégé au Comité des langues officielles pendant de nombreuses années depuis que je suis député, je sais très bien que le rôle du fédéral est extrêmement important. La ministre en a parlé tout à l'heure. Un fait demeure: le gouvernement libéral est en place depuis plus de cinq ans, mais je ne vais pas politiser le débat ce soir.
La ministre des Langues officielles fait de belles annonces. Effectivement, c'est bien beau ce qu'elle fait et c'est très amusant. Elle fait de beaux discours et aime répéter que son gouvernement investit des sommes records pour soutenir les langues officielles.
Je me pose des questions et je me demande si le gouvernement libéral, qui est ici ce soir, peut nous expliquer où sont donc passés tous ces milliards de dollars qu'on a dépensés pour appuyer les Franco-Ontariens. J'ai demandé à la ministre à quel moment elle avait appris que l'Université Laurentienne était en danger. Elle ne l'a sûrement pas appris il n'y a que deux mois, au début février. Inévitablement, elle a été mise au courant de la situation de l'Université bien avant cela. J'aimerais bien savoir à quel moment elle a été mise au courant et quelles mesures elle a prises dès ce moment. Quelles discussions a-t-elle eues avec le gouvernement provincial pour essayer de trouver des solutions afin d'éviter la situation dans laquelle on se trouve aujourd'hui?
À lire les articles de Radio-Canada et de La Presse à ce sujet, on peut s'apercevoir que les déboires financiers de l'Université ne datent pas d'hier. C'est ce que j'expliquais. L'Université a été fondée en 1960. En regardant des photos, on peut voir que les édifices ne sont pas neufs, ils ont sûrement été payés depuis le temps. Cela prend donc des années et des années de mauvaise gestion pour en arriver à une situation d'insolvabilité, selon leurs propres mots.
Tantôt, mon collègue et moi faisions référence à Mme Brenda Austin‑Smith, la présidente de l'ACPPU, qui dit que les administrateurs devront être tenus responsables de leur manque de transparence sur leur bévue financière. En fait, il faut probablement reculer de quelques années dans l'histoire pour voir ce qui s'est passé. Il faut aussi se demander si la COVID-19 a amplifié le problème au cours de la dernière année. Ce n'est assurément pas la seule raison pour laquelle l'Université se retrouve dans cette situation aujourd'hui.
Dans la foulée de ces événements, je tiens tout de même à saluer les étudiants et les professeurs qui ont perdu leur travail. Les étudiants se voient coupés de leur cours et ne peuvent pas terminer leur cursus scolaire. La fin abrupte de leurs cours et des divers programmes est un coup très dur à accepter pour l'ensemble des étudiants et des professeurs, alors que plusieurs d'entre eux se questionnent sur leur avenir. On parle de 1 000 employés à l'Université et de près de 7 000 étudiants, dont plus de 1 300 sont des francophones, ce qui représente une grosse université francophone au Canada.
En tant que parlementaires francophones, il est de notre devoir de débattre de solutions à mettre en place et de tout faire pour que l'occasion dont je parlais tout à l'heure devienne une réalité. Il faudrait pouvoir relancer cette université sur de nouvelles bases. Je remercie d'ailleurs mon collègue du NPD d'avoir proposé ce débat d'urgence.
Selon l'issue des procédures judiciaires et actuelles en cours, les étudiants ne savent pas s'ils devront changer de région pour obtenir leur diplôme. Ce serait un désastre s'il fallait que ces étudiants décident de partir de la région pour aller étudier ailleurs, comme le mentionnait mon collègue de Sudbury. Quand les étudiants partent pour aller étudier ailleurs, souvent ils ne reviennent pas dans leur région. Ils décident de partir et de rester à l'extérieur. Ce serait vraiment dévastateur.
Je ne sais pas exactement ce que mes collègues du Nouveau Parti démocratique veulent que le gouvernement fédéral fasse dans l'immédiat, étant donné le processus qui est déjà enclenché. Voudraient-ils que le gouvernement fédéral vienne nationaliser l'Université? J'espère que non. Cela pourrait arriver. Les conventions collectives des professeurs et du personnel devraient être renégociées et possiblement modifiées afin que l'Université puisse redevenir solvable. Est-ce que le NPD appuiera cela? Il y a toute sorte d'enjeux quant à la situation actuelle.
J'imagine que le gouvernement fédéral sera là pour soutenir financièrement le programme en français, ce qu'il faisait déjà en partie. Cependant, va-t-il pouvoir investir davantage et en faire plus? C'est une question qui revient à la ministre au moment où on se parle.