Madame la Présidente, je compte partager mon temps avec le député de Rosemont—La Petite-Patrie.
Je suis heureuse d’avoir la possibilité de prendre la parole au sujet de cette motion. Je suis la petite-fille de Bert McCoy, qui était artilleur dans l’Aviation royale canadienne et qui a vécu une vie très mouvementée, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, quand il a été abattu au-dessus de la Belgique. Il a passé deux ans dans la clandestinité, avant de pouvoir retrouver ma grand-mère et ma mère au Canada. Ce qui est intéressant, notamment, c’est qu’il a réussi à échapper à des soldats allemands parce qu’il parlait français. Je pense souvent que, si je me bats autant pour les Franco-Albertains, c’est parce que la langue française a sauvé la vie de mon grand-père.
C’était un homme extraordinaire, et je suis fière aujourd’hui de lui rendre hommage dans cette enceinte. Je suis convaincue que notre rôle de parlementaire est de protéger les hommes et les femmes qui défendent notre pays, c’est là une de nos fonctions primordiales.
Nous demandons aux membres des forces armées de risquer leur vie, d’être éloignés de leur famille et de nous défendre, nous et nos alliés, partout dans le monde. Il est absolument essentiel que ces hommes et ces femmes sachent que nous les soutenons. Or, ces hommes et ces femmes ont perdu confiance dans leur ministre, parce qu’il les a trompés. Ils savent que le ministre a trompé les parlementaires, les médias et les Canadiens.
Je ne veux pas me montrer trop sévère à l’égard de quiconque. Je sais que nous avons tous des responsabilités difficiles, et je suis convaincue que la quasi-totalité des députés s’efforce de servir au mieux les intérêts des Canadiens, mais le ministre s’est comporté d’une façon qui exige une réponse.
En 2016, le ministre a étouffé une enquête sur les transferts de détenus, par des Canadiens, à la police locale afghane. Une enquête aurait permis de savoir pourquoi ces transferts n’ont pas été interrompus et pourquoi ces crimes de guerre n’ont jamais été signalés. En prenant cette décision, le ministre se trouvait dans un conflit d’intérêts apparent. En effet, il était agent de renseignement en Afghanistan au moment de ces transferts et il devait être au courant des tortures qui étaient infligées aux détenus. Aucune enquête publique n’a été menée au sujet du rôle et des responsabilités du Canada dans ces transferts de détenus afghans. Plus récemment, le ministre a fermé les yeux sur des preuves de crimes de guerre commis par des soldats irakiens entraînés par des Canadiens, dans le cadre de l’opération Impact.
En 2017, le ministre a prétendu être l’architecte de l’opération Méduse. C’était faux. Il a exagéré son rôle, ce qui est bien entendu un affront pour tous les soldats qui ont combattu en Afghanistan. L’honneur consiste à dire la vérité. L’honneur consiste à ne pas prendre à son crédit le travail accompli par d’autres. Le ministre s’est attribué un honneur qui n’était pas le sien.
Malgré le piètre bilan du ministre, je reconnais que cette question ne concerne pas seulement le ministre de la Défense nationale. Certes, il est nécessaire de porter son attention sur le comportement du ministre, et je vais donc appuyer la motion. Mais je voudrais aussi parler de ce que je considère comme des actes inexcusables de la part du gouvernement, car le soutien qu’il doit apporter aux membres des Forces armées canadiennes ne concerne pas seulement un ministre. En fait, ça ne concerne pas seulement un parti. Il y a une réalité insidieuse et dangereuse qui ne se limite pas à un seul ministre.
Le premier ministre a laissé tomber les hommes et les femmes en uniforme. Le gouvernement libéral a laissé tomber les hommes et les femmes en uniforme. Il a tendance à toujours regarder ailleurs. Il a tendance à ne pas faire ce qui est nécessaire pour se conformer à nos obligations internationales en matière de signalement des crimes de guerre et des actes de torture. Comme toujours, les échecs d’un grand nombre n’affectent pas le gouvernement, ils affectent nos vaillants soldats et tous ceux qui ont besoin de notre aide de par le monde.
L’un de ces échecs les plus choquants a été l’incapacité du gouvernement de protéger les femmes militaires contre le harcèlement et la violence sexuels.
Le gouvernement est au pouvoir depuis six ans, et pendant ces six années, il y a eu 581 agressions sexuelles dans l’armée, dont 221 ont fait l’objet d’un signalement. C’est un échec lamentable, qui est une honte pour notre pays.
Les femmes en ont assez qu’on leur demande d’être patientes. Elles en ont assez de se faire dire qu’on prend note de leurs préoccupations, car cela ne se traduit par aucun changement. Les libéraux ont beau jeu de prétendre que c’est un dossier important, il faut savoir que le premier ministre n’a même pas pris la peine d’inclure l’inconduite sexuelle dans les lettres de mandat de 2015, de 2019 et de 2021 du ministre.
Le premier ministre ne s’en est pas préoccupé.
J’ai parlé tout à l’heure d’une survivante qui a appelé mon bureau parce qu’elle ne faisait pas confiance à son député. Elle ne savait pas à qui s’adresser, et c’est pour ça qu’elle a appelé mon bureau. Je lui ai parlé pendant plus d’une heure car elle craignait que son anonymat et sa sécurité ne soient compromis et que sa carrière dans les Forces armées canadiennes ne devienne impossible.
Cette femme qui est membre des forces armées ne se sent même pas en sécurité lorsqu’elle veut confier au gouvernement les craintes qu’elle éprouve en tant que victime de harcèlement sexuel au sein des forces armées. Je ne savais pas quoi lui dire. Je ne savais pas comment l’aider. Je ne savais pas comment la rassurer. Je ne savais pas quoi faire, car je ne suis pas convaincue que le gouvernement se préoccupe beaucoup des victimes de harcèlement sexuel. Je ne suis pas convaincue non plus que le gouvernement conservateur, quand il était au pouvoir, avait à cœur l'intérêt supérieur des femmes au sein de l’armée.
Les députés peuvent-ils imaginer ce que ressent une survivante qui, après avoir eu le courage et la force de raconter son histoire, apprend que le général Vance a joué au golf avec ceux-là mêmes qui font enquête sur lui? Elle s’attaque à tout ce réseau de vieux copains pour améliorer notre armée, et pendant ce temps, ces mêmes copains jouent au golf ensemble. Le réseau est toujours bien vivant. C’est inexcusable.
Les femmes réclament des mesures concrètes, et au lieu de cela, on leur offre une autre enquête. Le ministre doit répondre de cela ainsi que le premier ministre.
Comme je l’ai dit, je ne fais plus confiance au gouvernement, mais je ne pense pas que les conservateurs aient fait mieux quand ils étaient au pouvoir. Je dirai même que le gouvernement de Stephen Harper, avec Jason Kenney comme ministre de la Défense nationale, est tout aussi coupable. Jason Kenney savait que le général Vance était accusé de harcèlement sexuel, et il est inconcevable qu’il ait nommé le général à la tête de l’opération Honour. Sur quelle planète juge-t-on raisonnable de nommer à la tête d'une enquête sur le harcèlement sexuel quelqu’un qui est accusé ou soupçonné de harcèlement sexuel? C'est d'une absurdité révoltante.
Même si je suis très déçue par le comportement du premier ministre, du ministre de la Défense nationale et du gouvernement libéral en général, je trouve que les conservateurs ont du culot de ne pas reconnaître les torts que leur gouvernement a causés aux femmes des Forces armées canadiennes.
Le blâme est partagé. Les gouvernements qui se sont succédé ont laissé tomber les femmes de notre pays. Ils ont créé un environnement de travail toxique qui nuit à la sécurité des femmes au sein des forces armées. Peut-on se surprendre du faible nombre de nouvelles recrues? Est-il surprenant que les femmes ne se précipitent pas pour faire carrière dans l’armée?
En conclusion, je dirai que j’appuie cette motion parce que le ministre doit répondre de ses actes, mais je tiens à réitérer que le premier ministre, le ministre, le gouvernement et l’opposition partagent tous le blâme de ne pas avoir protégé les femmes de ce pays.