Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de New Westminster—Burnaby.
Je suis heureux de prendre part au débat sur cette motion fort intéressante alors que les travaux de la Chambre tirent à leur fin.
La motion à l'étude est assez intéressante, parce qu'elle prend acte de certains faits qui sont assez bien établis, parfois même depuis très longtemps. Cette motion a donc une valeur politique et symbolique, mais n'a pas de valeur contraignante. L'adoption de cette motion ne changera pas grand-chose dans la vie des Québécois et des Québécoises, même si les notions et les concepts évoqués font largement consensus. Depuis cet avant-midi, on constate qu'il y a consensus à la Chambre.
Je ne pense pas que la motion fasse l'unanimité, et il peut y avoir des nuances ainsi que certaines préoccupations. Nous avons d'ailleurs une préoccupation sur un aspect; j'y reviendrai plus tard. Or, je pense que les trois points principaux de cette motion recueillent un très large consensus.
Cette motion contient trois éléments: la Constitution, la nation et la langue française.
En ce qui concerne la Constitution, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi no 96, lequel propose de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin d'y insérer les caractéristiques fondamentales du Québec, notamment le fait que les Québécois et les Québécoises forment une nation et que le français est la seule langue officielle du Québec, et qu'elle forme ainsi la langue commune de la nation québécoise.
Plus précisément, ces modifications seraient insérées après l'article 90 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette proposition permettrait au Québec de modifier sa propre constitution. Il pourrait donc modifier la section québécoise de la Constitution canadienne. D'ailleurs, l'article 45 de la Constitution canadienne le stipule:
45 Sous réserve de l'article 41, une législature a compétence exclusive pour modifier la constitution de sa province.
Cela fait aussi consensus auprès de certains experts. Je vais citer Benoît Pelletier, un ancien ministre du gouvernement québécois qui est maintenant professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Dernièrement, il a été gravement malade à cause de la COVID‑19 et je lui souhaite un prompt rétablissement et une bonne santé.
Il a dit: « Moi, à mon avis, ce qui est proposé par le gouvernement du Québec tombe sous le couvert de l'article 45, c'est pourquoi j'ai dit que c'est constitutionnel et légal. »
Le premier point de la motion propose un changement constitutionnel et il s'agit tout de même d'une innovation. Cela n'a jamais été fait auparavant et aurait une certaine portée quant à l'interprétation juridique. Cette portée n'est pas totale, mais elle est certaine. Or le Québec a cette prérogative.
La motion propose de modifier la section québécoise de la Constitution pour y inscrire que le Québec forme une nation et que le français est sa langue officielle. Cela fait partie des propositions que les néo-démocrates font depuis longtemps en tant que forces progressistes et cela correspond à nos valeurs. C'est une vision et une orientation qui est en tout point conforme avec la Déclaration de Sherbrooke adoptée en 2005 par ma formation politique. Je vais la citer, parce que cela a un rapport direct avec la discussion que nous avons aujourd'hui.
La Déclaration de Sherbrooke est claire à ce sujet. Elle dit:
Ainsi, le Nouveau Parti démocratique reconnaît le caractère national du Québec et croit que ce caractère peut trouver son expression dans le contexte fédéral canadien.
Ce caractère national du Québec repose notamment, mais non exclusivement, sur:
i. Une société à majorité francophone, dont le français est reconnu comme langue de travail et langue commune de l'espace public.
Cela est extrêmement important. Cela confirme que, culturellement, historiquement, sociologiquement, politiquement, le Québec n'est pas une province comme les autres. Il est une nation au sein de la Fédération.
C'est pour cela que le NPD prône ce qu'on appelle le fédéralisme asymétrique, et qui donne au Québec la possibilité de se retirer des nouveaux programmes fédéraux avec compensation financière. C'est offert au Québec sur la base de cette reconnaissance de la nation.
La nation a été plus largement reconnue par ce Parlement en 2006. Encore une fois, on n'est pas en train de réinventer la roue. Cela dit, je suis très fier du fait que nous puissions reconnaître une nation québécoise moderne, diversifiée, souriante, ouverte sur le monde et inclusive. Cette nation fait place aux nouveaux arrivants, qui enrichissent notre culture commune et notre espace de vie commune, ainsi qu'aux influences provenant d'un peu partout dans le monde.
À cet égard, j'aimerais en profiter pour parler de l'une des réussites de la Charte de la langue française. En effet, le troisième point que je désire aborder, après ceux de la Constitution et de la nation, est celui de la langue française.
Je rappellerai que la langue française est la langue officielle depuis 1974 lorsque le gouvernement libéral de Robert Bourassa fait adopter la loi 22, que nous appelions « le bill 22 » ou « le gros bill », comme dirait Yvon Deschamps. Cette loi faisait du français la langue officielle d'un certain nombre de secteurs. Le français devenait ainsi la langue de la législation et de la justice, de l'administration publique, des entreprises d'utilité publique et des ordres professionnels, ainsi que la langue des affaires, du travail et de l'enseignement, y compris quelques exceptions et quelques exclusions. La loi 22 a eu une durée de vie d'environ trois ans avant d'être remplacée par la Charte de la langue française, aussi appelée loi 101.
Sur ce Québec ouvert sur le monde, qui accueille des gens qui veulent venir contribuer à l'épanouissement de notre société et de notre monde, l'une des très grandes réussites de la Charte de la langue française et de la loi 101 réside, selon moi, dans l'enseignement obligatoire en français pour les enfants d'immigrants et d'immigrantes.
Je suis député d'une circonscription de Montréal depuis quelques années. J'habite à Montréal depuis plus de 25 ans. C'est toujours extrêmement touchant de voir ces petits garçons et ces petites filles, qui viennent de partout dans le monde, parler français entre eux, jouer en français dans la cour d'école et s'amuser en français après les classes. C'est une grande réussite du gouvernement du Québec et de la Charte de la langue française d'avoir été capable d'assurer ce renouvellement par les nouveaux arrivants qui se joignent à notre société et à notre nation.
Je connais très bien plusieurs personnes qui sont des enfants de la loi 101: des gens qui travaillent pour le NPD, mais également quelqu'un avec qui je partage ma vie, qui travaille en français et pour qui le français est la troisième langue. Il existe au NPD un historique quant à la volonté de renforcer la place du français non seulement au Québec, mais également au Canada, où le français se trouve dans une situation extrêmement minoritaire. Comme plusieurs l'ont rappelé aujourd'hui, les francophones représentent environ 2 % à 3 % de la population de l'Amérique du Nord. Non seulement ils sont peu représentés sur le plan démographique, mais les francophones sont confrontés à l'influence culturelle du géant américain, à un impérialisme culturel qui déborde de ses frontières et s'étend partout dans le monde. Il est extrêmement important de demeurer très vigilant.
En 2013, nous avons obtenu un grand succès lorsque notre ancienne députée Alexandrine Latendresse a réussi à faire adopter un projet de loi qui assurait que les agents du Parlement, comme le vérificateur général, soient bilingues. Ce fut une avancée, une chose importante que nous souhaitions. Nous avons toujours lutté pour le droit des travailleurs et des travailleuses du Québec de travailler en français et de communiquer avec leur employeur en français. Ce sont des principes de la Charte de la langue française, c'est-à-dire la possibilité pour ces travailleurs, qui représentent environ 10 % de la main-d'œuvre au Québec, d'avoir les mêmes droits que ceux qui travaillent dans les entreprises de compétence provinciale.
C'est une question de défense du français, mais également d'égalité des droits pour les travailleurs et les travailleuses. On assiste à une situation absurde en ce moment où une personne qui travaille à la caisse populaire a certains droits linguistiques que n'a pas une personne qui travaille à la Banque Royale ou à la Banque de Montréal. Il faut régler ce problème.
Récemment, en 2020, j'ai déposé une motion qui a reçu le consentement unanime de la Chambre et qui visait à reconnaître non seulement le déclin du français, mais également la nécessité d'avoir un plan pour mettre fin à ce déclin et protéger le français un peu partout au pays.
Sur ce troisième point, j'aimerais tout de même souligner en terminant que nous ne voudrions pas que l'actuelle motion vienne nuire à la reconnaissance des langues autochtones au Québec. L'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont, depuis des années, reconnu un statut aux langues autochtones au Québec. L'un ne va pas contre l'autre. Reconnaître que le français est la langue commune et la langue officielle ne devrait, en aucun cas, venir nuire à cette reconnaissance et au fait que nous voulons assurer non seulement le maintien des langues autochtones au Québec, mais également leur épanouissement.