Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de Don Valley-Ouest.
Je veux aussi remercier le député de Wellington—Halton Hills d'avoir présenté cette motion, parce que je crois qu'il s'agit d'un débat important et d'une motion importante.
Je veux commencer par faire un commentaire à propos du préambule de la motion, sur laquelle je suis d'accord et dont je parlerai dans un instant. L'élément (i) de la motion indique:
(i) que la République populaire de Chine, qui est dirigée par le Parti communiste chinois, menace les intérêts nationaux du Canada et les valeurs de la population canadienne, y compris les Canadiens d’origine chinoise en territoire canadien...
Je crois malheureusement que cet énoncé est de plus en plus vrai, mais cela n'a pas toujours été le cas et il est inutile que la situation persiste. La motion lance un appel aux dirigeants chinois pour qu'ils nous permettent de revenir à des relations normales et de travailler ensemble comme nous l'avons déjà fait.
J'affirme que cela n'a pas toujours été le cas et je m'explique. C'est l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui s'est rendu en Chine en 1973 pour tenter d'entamer des relations avec la Chine et pour que ces relations s'avèrent importantes pour les deux pays.
Nous avons beaucoup d’expérience en Chine. On pourrait appeler cela un « coup de pouce ». Au Canada, lorsque le premier ministre de l’époque, Pierre Elliott Trudeau, s’y est rendu, le Dr Norman Bethune, un Canadien, était considéré comme un héros canadien parmi la population chinoise pour avoir sauvé des vies. Grâce au Dr Bethune, le Canada occupait une place de choix dans la culture de la Chine et dans l’esprit de sa population.
La Commission canadienne du blé, à laquelle j’ai eu affaire au sein du mouvement agricole, a été la première agence internationale à se rendre en Chine pour proposer des échanges commerciaux et ce, à crédit. Je sais que les conservateurs, sous l’ancien gouvernement Harper, ont aboli la Commission canadienne du blé à titre d’office de commercialisation agricole. Elle a maintenant été rachetée par des intérêts saoudiens, mais là n’est pas la question. Le fait est que nous avions une bonne relation avec la Chine, où notre agence de commercialisation faisait crédit aux acheteurs pour que la Chine puisse nourrir sa population. Ces prêts ont plus tard été remboursés.
N’oublions pas l’historique positif de nos relations avec la Chine, même si la situation s’est considérablement envenimée aujourd’hui.
Je suis allé en Chine à plusieurs reprises. En fait, j’ai également accueilli un ancien ambassadeur et, plus tard, un groupe de législateurs chinois à l’Île-du-Prince-Édouard. Grâce à ces rencontres, et par l’entremise de certains établissements d’enseignement de l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons pu établir une relation de travail étroite avec des établissements d’enseignement en Chine. Cette relation se poursuit encore aujourd’hui et profite aux citoyens des deux pays.
Je le précise parce que cela n’a pas toujours été le cas. Nous devons essayer de rétablir une relation de confiance. L’arrestation des deux Michael, Kovrig et Spavor, et ce qui se passe à Hong Kong nous donnent de nombreuses raisons de nous inquiéter et de perdre confiance dans les dirigeants chinois. Ce que je dis aux dirigeants chinois, c’est que, en ce moment, ils font assurément fausse route.
Avant de passer aux principales recommandations de la motion, j’aimerais faire le point sur la position du gouvernement en matière de sécurité nationale, parce que nous avons tendance parfois à l’oublier.
La priorité du gouvernement demeure de protéger le Canada et les Canadiens contre les activités qui minent les principes démocratiques, nos intérêts économiques, notre souveraineté et la sécurité nationale en général. Le gouvernement sait que certains États étrangers peuvent se comporter au Canada d’une manière incompatible avec nos valeurs.
Cette menace n’est pas nouvelle et elle ne se limite pas à un seul pays. Des gouvernements de partout dans le monde ont multiplié les efforts pour influer sur l’opinion publique et sur les politiques d’autres pays au profit de leurs propres intérêts. Lorsque cela se fait de façon transparente et pacifique dans le respect de la loi, on parle de diplomatie ou de négociation de traités. Si ces tractations se font dans le secret ou la clandestinité, si elles se traduisent par des menaces ou des tactiques d’intimidation, des mensonges et de la désinformation visant à induire les gens en erreur et si elles visent à déstabiliser l’économie ou la société ou à fausser le processus démocratique, c’est que le pays en question va trop loin.
C’est peut-être l’ancienne façon de faire, qui consiste pour certains services de renseignement à recueillir ou à voler des renseignements politiques, économiques, commerciaux ou militaires, mais de plus en plus, l’ingérence vise le secteur de la haute technologie. Les médias sociaux servent dans ce contexte à créer de l’anxiété, voire de l’hystérie, autour de questions délicates. Les fausses nouvelles revêtent les habits de l’information légitime.
Plusieurs rapports récents ont souligné la menace d’ingérence étrangère au Canada. Par exemple, selon le Rapport public du SCRS de 2019, publié le 20 mai 2020, les activités d’espionnage et les activités influencées par l’étranger « sont presque toujours menées pour servir les intérêts d’un État étranger, par l’entremise d’entités étatiques ou non. » Des puissances étrangères ont également tenté de surveiller et d’intimider secrètement des communautés canadiennes dans le but d'atteindre leurs propres objectifs stratégiques et économiques.
De plus, le rapport annuel du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement décrit les activités d’ingérence d’une poignée d’États étrangers, comme la Chine et la Russie, et certaines institutions canadiennes ont même reçu des menaces. La communauté de la sécurité et du renseignement du gouvernement du Canada lutte contre ces menaces dans le cadre de ses mandats respectifs.
Soit dit en passant, il y a quelque temps, j’ai participé à des réunions avec plusieurs gouverneurs d’États américains. Les propos du gouverneur de la Virginie-Occidentale m’ont profondément choqué. Parlant des tentatives de piratage des systèmes de sécurité de son État, il a indiqué qu’au cours de l’année précédente, soit en 2016 ou en 2017, les systèmes de son État avaient essuyé 82 millions de tentatives de piratage.
Certains gouvernements créent des départements qu’ils chargent de ne faire que du piratage. Ils essaient de pirater les systèmes de renseignement ou de voler les secrets d’autres pays. Cet exemple illustre la gravité du problème. Le Canada doit lui aussi se préparer à ce type d’ingérence dans ses systèmes.
Dans le domaine de l’application de la loi, les activités d’ingérence étrangère peuvent faire l’objet d’une enquête lorsqu’on détecte des activités criminelles ou illégales. La GRC, par exemple, a un mandat vaste et multidimensionnel qui lui permet d’enquêter et de retenir les services de renseignement étrangers en s’appuyant sur diverses lois.
Dans le cadre de son mandat, le SCRS fournit au gouvernement du Canada des renseignements opportuns et pertinents sur ces menaces pour qu’il prenne les mesures appropriées. Le Centre de la sécurité des télécommunications s’efforce de surveiller l’environnement de cybersécurité afin de détecter et de traiter les menaces, les risques et les vulnérabilités systématiques et de divulguer les connaissances qu’il acquiert ainsi.
Un élément clé de la motion est de « prendre une décision au sujet de l'implication de Huawei dans le réseau 5G du Canada dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente motion ». Je n’insisterais pas sur ce délai de 30 jours. Il y a peut-être une autre façon de faire. Cependant, je soulignerai que l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni ont tous restreint l’accès à leurs réseaux 5G en interdisant la fabrication de ce matériel dans leurs pays.
Nous traitons depuis très longtemps avec ces partenaires du Groupe des cinq. Nous devons nous tenir à leurs côtés pour protéger nos intérêts communs. Nous ne pouvons donc pas permettre qu’un intérêt étranger s’introduise dans nos systèmes de sécurité et de renseignement.