Monsieur le Président, j’espère que c’est la dernière fois que je m’adresse à la Chambre à distance. Je me réjouis à la perspective d’être à Ottawa la semaine prochaine et j’espère fortement que les séances reprendront une tournure normale à l’automne.
Je partagerai mon temps de parole avec le député de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles.
Je dois juste dire que nous posons aujourd’hui un geste rarissime en demandant à tous les députés de blâmer le ministre de la Défense nationale. Le dernier blâme rendu par la Chambre date de 2002. Si nous en sommes arrivés là, c'est que le ministre de la Défense nationale a refusé d’agir de façon honorable en démissionnant, et que le premier ministre a refusé de faire ce qui s’impose en le congédiant. En substance, il revient dorénavant à la Chambre de blâmer le ministre, jusqu’à ce que les électeurs de Vancouver-Sud aient la possibilité d’exprimer leur mécontentement lors des prochaines élections fédérales.
Par ailleurs, pendant qu'il est au fauteuil, et puisque je sais qu'il a annoncé qu'il ne serait pas candidat aux prochaines élections fédérales, je tiens à dire au Président à quel point je lui suis reconnaissant de la force dont il a fait preuve dans le cadre de ses fonctions et des rapports amicaux que nous avons entretenus pendant nos années de service. Je lui souhaite la meilleure des chances dans tout ce qu'il entreprendra et je lui souhaite de pouvoir passer plus de temps avec sa famille.
En ce qui concerne cette motion, je crois que nous devrions revenir sur les nombreuses affirmations trompeuses que le ministre de la Défense nationale a faites depuis le début de son mandat, en 2015. Je pense que tous les députés ne se souviennent que trop bien des accusations scandaleuses que le ministre a lancées, de sa décision de se livrer à une chasse aux sorcières afin de mettre fin au processus d'appel d'offres pour le navire Asterix de la Marine royale canadienne, et de la façon dont il s'est servi du vice-amiral à la retraite Mark Norman comme bouc émissaire. Nous savons que, en 2017 et 2018, cette affaire a pris une ampleur grotesque et a fini par se retrouver devant les tribunaux. La cause a évidemment été rejetée par la juge, puisqu'il n'y avait tout simplement aucun élément de preuve. On a attaqué inutilement l'excellente réputation du vice-amiral Mark Norman, un chef militaire exceptionnel qui nous a servis avec honneur.
Toutefois, il faut remonter à l'entrée en fonction du ministre et examiner ce qui s'est produit lors du retrait, pour des motifs politiques, de nos CF‑18 dans la lutte contre Daech en Irak et en Syrie. Le 21 décembre 2015, alors qu'il était sur place pour rencontrer le gouvernement d'Irak et les porte-parole kurdes à Erbil, le ministre a dit à la CBC qu'il n'avait aucunement discuté du retrait de nos CF‑18 de la lutte. Or, les documents obtenus à la suite d'une demande d'accès à l'information font état d'une dépêche concernant la rencontre du ministre de la Défense nationale avec le ministre irakien de la Défense le 20 décembre, la veille de cette déclaration, selon laquelle: « [...] le ministre iraquien de la Défense s’est montré clairement préoccupé par la décision du Canada d’ordonner le retrait de ses chasseurs CF 18 et de ne plus participer aux frappes aériennes de la coalition. Il a d’ailleurs demandé à plusieurs reprises [au ministre de la Défense du Canada] de reconsidérer cette décision. » C'était la première de nombreuses déclarations du ministre ayant induit les médias et les Canadiens en erreur.
Nous ne devrions pas être étonnés, puisque nous savons également qu'en juillet 2015, au cours de sa campagne en vue de devenir député pour la première fois, le ministre a prétendu, à l'émission Conversations That Matter d'un média local de Colombie‑Britannique, qu'il avait été l'architecte de l'opération Méduse en Afghanistan. Il a répété cette affirmation en avril 2017, alors qu'il participait à une conférence sur la prévention des conflits et le maintien de la paix dans un monde en évolution, à New Delhi, prétendant encore une fois avoir été l'architecte de l'opération Méduse.
Évidemment, il était major à l'époque et relevait donc de divers officiers qui prenaient les décisions. Il ne fait aucun doute que sa contribution et les renseignements qu'il a pu transmettre ont été utiles à la conduite de l'opération Méduse, mais prétendre qu'on est plus important que le reste de l'équipe n'est pas bien vu au sein des Forces armées canadiennes et les vétérans de partout au Canada n'ont pas apprécié, ce qui fait que le ministre a dû présenter des excuses.
Le ministre s'en est également pris à moi en 2017 dans le dossier des coupes concernant les indemnités non imposables des militaires qui ont participé à l'opération Impact lorsqu'ils étaient basés au camp Arifjan, au Koweït. Le ministre prétendait que c'était le gouvernement conservateur qui avait éliminé les indemnités non imposables. J'avais soulevé une question de privilège pour indiquer que les évaluations préliminaires avaient été faites sous l'actuel gouvernement libéral et que c'est le ministre qui avait mené les coupes en question aux indemnités de difficulté qui étaient en place depuis 2014‑2015. Encore une fois, le ministre avait induit la Chambre en erreur.
J'en viens maintenant à l'affaire la plus scandaleuse, et celle qui secoue en ce moment les Forces armées canadiennes: il s'agit, bien entendu, de la crise de l'inconduite sexuelle. J'insiste sur ce point, d'où ma question: qu'ont en commun l'affaire de la Somalie, la décennie de noirceur et l'actuelle crise de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes? Le fil conducteur, c'est le manque de leadership du gouvernement libéral.
Nous savons que lorsque les médias ont révélé que le général à la retraite Jonathan Vance, l'ancien chef d'état-major de la Défense, avait fait l'objet d'allégations d'inconduite sexuelle soulevées en mars 2018, le ministre de la Défense nationale a déclaré au comité, le 19 février dernier, qu'il avait été « aussi choqué que tout le monde par les allégations rendues publiques il y a deux semaines ». Il avait été surpris d'apprendre ces allégations. Or, le 3 mars 2021, l'ancien ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, Gary Walbourne, a affirmé au comité de la défense qu'il avait « [...] personnellement rencontré [le ministre] pour parler d'une allégation de comportement sexuel inapproprié dans les rangs supérieurs des Forces armées canadiennes, plus précisément contre le chef d'état-major de la défense, et pour discuter de [ses] préoccupations à ce sujet. Cette rencontre a eu lieu le 1er mars 2018. » Gary Walbourne avait donc informé le ministre de la situation trois ans avant que l'affaire ait fait les manchettes.
Lors du même témoignage devant le comité, Gary Walbourne a ajouté:
J'ai dit au ministre quelle était l'allégation. J'ai mis la main dans ma poche pour lui montrer la preuve que je détenais, puis il a reculé de la table et a dit « Non ». Je ne pense pas que nous ayons échangé d'autres paroles.
Le ministre a refusé de prendre connaissance de la preuve. Par surcroît, nous savons que le 12 mars 2021, lors de sa comparution devant le comité de la défense, il a déclaré « J'ai rencontré M. Walbourne ». Il a ensuite ajouté que l'ombudsman lui avait fait part de préoccupations mais « ne m'a pas donné de détails ». Voilà ce que le ministre a déclaré. Pourtant, si l'on examine tous les échanges entre la cheffe de cabinet du ministre à l'époque, Zita Astravas, notamment avec le Cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé, on constate que le 2 mars 2018, il est partout question d'inconduite sexuelle, qu'on qualifie plus précisément de harcèlement sexuel. Elder Marques, Michael Wernick et Katie Telford, la cheffe de cabinet du premier ministre, savaient tous qu'il s'agissait d'une affaire d'inconduite sexuelle.
Par conséquent, comme le ministre continue de se dérober et refuse de faire ce qui s'impose en démissionnant, et tant que le premier ministre continuera de soutenir le comportement lamentable du ministre de la Défense nationale et refusera de le remercier de ses services, il revient à la Chambre des communes de blâmer le ministre pour avoir systématiquement induit la Chambre en erreur.
Je demande à l'ensemble des députés qui siègent à la Chambre des communes, quelle que soit leur allégeance politique, de blâmer le ministre pour sa conception particulière de la vérité.