Madame la Présidente, quand j'étais fort jeune, mon père m'avait beaucoup impressionné. Il avait pris une poule dans le poulailler, il lui avait mis la tête sous l'aile et il l'avait secouée. La poule s'était endormie, il l'avait replacée sur le perchoir et elle y restait bien accrochée. J'ai beaucoup vieilli et cela m'impressionne moins. Cela se pourrait que je ne me laisse pas tromper par les libéraux.
J'ai l'impression qu'il va falloir passer d'une collaboration vigilante à une collaboration méfiante. Il est exact de dire que, pendant un certain nombre de semaines, il y a eu une collaboration qui s'est avérée passablement efficace. Les gens savent assez peu le rôle que le Bloc québécois a joué dans l'élaboration de programmes cruciaux. Le programme de subvention salariale, qui reçoit manifestement beaucoup d'amour de la part des libéraux et, maintenant, des conservateurs, a d'abord été amené à l'étranger, avant que nous le proposions. Le ministre des Finances n'était pas très chaud à l'idée, mais les libéraux l'ont finalement adoptée, et c'est une fort bonne idée.
Il y a des effets secondaires qu'on n'avait pas prévus, mais maintenant, on se rend compte que la parole donnée au Parlement par le gouvernement n'est pas nécessairement respectée. Bien sûr, il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais on se rappellera — soyons précis sur les faits — que la vice-première ministre et le bureau de notre leader avaient convenu d'une question et d'une réponse qui engageaient le gouvernement, sous les yeux de l'ensemble du Canada et du Québec, à faire en sorte que les étudiants et les prestataires de la PCU reçoivent un incitatif au travail. Cela est très important dans un contexte où il faut parler de reprise et de relance. Il faut créer un pont entre les travailleurs et les entreprises, et non un creux, un écart, un trou, un fossé, une tranchée. Les libéraux s'étaient engagés à cet égard, mais cela ne leur tente plus, alors ils ne le font pas.
De la même manière, le gouvernement a voté pour une motion qui l'engageait à soutenir les petites entreprises en ce qui concerne les frais fixes. Il suffit de faire le tour des chambres de commerce au Québec pour se faire dire que cela ne fonctionne pas.
Le leader parlementaire a dit que c'était un premier pas. J'ai hâte qu'on pique un sprint, c'est-à-dire faire beaucoup de pas en peu de temps, parce qu'on en a grandement besoin. Au-delà de nos tergiversations, il y a des entreprises qui disent qu'elles ne s'en sortiront pas et qu'elles vont fermer leurs portes. Cela me semble extrêmement grave.
Nous devrons donc augmenter notre niveau de méfiance parce que, pour l'instant, plutôt que de respecter sa parole donnée au Parlement, ce qui devrait être assez solennel, le gouvernement bidouille une entente pour aller de l'avant sans respecter l'engagement.
Au Bloc québécois, nous n'avons pas dit que nous allions l'empêcher de le faire. Nous avons dit que nous n'allions pas participer à la discussion, parce que nos priorités sont les aînés du Québec, les petites entreprises, les prestataires qui veulent et doivent retourner au travail, les entreprises de pêche et de tourisme, etc.
Les journalistes font un travail merveilleux, mais ce qui m'a frappé, au point de presse, c'est que la plupart des questions portaient sur les négociations, sur le bord du corridor, sur ce qu'on en pensait et sur ce qu'il y avait dans le courriel. Malheureusement, ce sont des minutes qui ne sont pas consacrées au bien des Québécoises et des Québécois et des Canadiennes et des Canadiens. C'est ce que nous voulons faire, mais si tous les partis sont d'accord sur une chose et que le Bloc québécois est moins d'accord, nous n'empêcherons pas cela d'avancer.
Nous allons prendre toute espèce de tribune, partout et tout le temps, pour faire valoir ce que nous entendons et ce que nous jugeons nécessaire pour les travailleurs, les aînés et les entreprises du Québec. Tel est notre travail, auquel doit toujours s'ajouter une préoccupation sanitaire, qui commence à nous faire croire que cela pourrait durer longtemps. On ne doit laisser tomber personne. Chaque jour et chaque semaine comptent pour les entreprises.
Quand je ne suis pas ici, je participe à des vidéoconférences avec des sociétés de développement commercial, des chambres de commerce et des MRC, entre autres. On entend des choses extrêmement préoccupantes dans toutes les régions du Québec. Je parle de régions au sens large, parce qu'il y a quelques jours, j'étais avec des gens d'Hochelaga, à Montréal, qui ont de graves inquiétudes.
Le gouvernement veut mener des consultations. C'est fort noble. Or, j'ai pu lire dans le Globe and Mail ce matin — ce n'est pas parce qu'on parle moins une langue qu'on ne la lit pas — que le premier ministre a consulté six banques. Quelle excellente idée! J'ai eu un moment d'émotion. Je suis prêt à m'asseoir n'importe quand avec le premier ministre. Je vais lui donner une tonne d'idées. Il est allé consulter des institutions encore plus riches que les libéraux et les conservateurs, et de loin. Ces institutions sont tellement riches qu'elles ont un avantage financier massif à mettre leur argent dans des paradis fiscaux et à ne pas payer leur juste part d'impôt dans le pays dirigé par le premier ministre. C'est donc commode.
Je ne sais pas si c'est nécessaire de consulter les banques. Bien sûr, il y a des économistes experts dans les banques, mais je suis convaincu qu'il y a des économistes tout aussi solides au sein de l'appareil de l'État canadien. Aller consulter les banques me semble un peu cynique à l'endroit des gens qui vivent un certain nombre de difficultés.
Le Bloc québécois va continuer à s'attarder aux enjeux réels pour les Québécois. La réalité, c'est qu'en général c'est aussi bon pour les Canadiens. Nous allons donc continuer à le faire. Nous recevons toutes sortes de messages venant de l'ensemble du Canada. Certains ne sont pas très polis, on va se le dire, mais beaucoup de gens nous disent que nous ne faisons pas un mauvais travail. Aujourd'hui, notre « pas mauvais » travail nous oblige à souligner un certain nombre de faits. D'abord, c'est bien que nous ayons le temps de développer cela, parce que les formules prévues ratatinent un peu les droits de parole. Je suis profondément convaincu que les gens qui reçoivent la Prestation canadienne d'urgence ou la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants veulent travailler. La preuve, c'est que, pour être admissibles, ils devaient avoir subi une perte de revenu. Ce sont des gens qui veulent travailler.
On sait que beaucoup d'entreprises demandent où se trouve la main-d'œuvre dont elles ont besoin. Le problème vient du fait que les prestataires reçoivent leur chèque de 1 250 $, de 1 750 $ ou de 2 000 $ tout en pouvant gagner 1 000 $. Dans les conditions salariales actuelles, cela correspond à 12 ou 15 heures de travail, mais, si les prestataires gagnent 1 $ de plus, ils perdent leur prestation de 2 000 $. Ils auront beau être de bons citoyens engagés, ils ne sont pas fous. Il faut donc combler cette lacune.
Nous avions proposé et fait accepter le principe voulant que les gens qui allaient travailler davantage allaient toujours garder davantage d'argent. C'est cela, un incitatif à l'emploi. C'est cela, un incitatif au travail. La vice-première ministre avait répondu à cette proposition en disant « assurément ». D'après moi, cela veut dire « oui ». C'est ce que je pense. Donc, on aurait pu et on aurait dû le faire. L'argument selon lequel c'est trop compliqué ne tient pas, parce qu'on le fait pour l'assurance-emploi. C'est une préoccupation réelle et sérieuse. Les travailleurs ont besoin de travail et les entreprises ont besoin de main-d'œuvre. Il y a un fossé entre les deux qu'il faut combler.
Les aînés ont besoin de réponses. On a annoncé une mesure de façon un peu étrange. Les aînés ont su qu'ils allaient recevoir un chèque qui constitue, en fait, une augmentation temporaire de la pension de la vieillesse. Le gouvernement a décidé d'envoyer un chèque à part pour ne pas que les aînés aient l'impression que c'est une augmentation permanente. Cela a créé énormément de confusion. Les aînés demandaient ce que valaient 300 $ par rapport à la prestation de 2 000 $.
Au-delà des erreurs grossières de communication, il reste quelques questions que les aînés peuvent se poser. Entre autres, ils peuvent se demander quand commence et quand se termine la période de trois mois. Ce montant couvre trois mois. Normalement, il faudrait que cela commence au milieu du mois de mars, comme les autres programmes. Cela voudrait dire que les trois premiers mois durant lesquels les aînés reçoivent 300 $ — et potentiellement 200 $ de plus — se termineraient au milieu du mois de juin, logiquement. On ne répond même pas à cela. Plutôt que de répondre à cela, on bidouille des ententes pour faire fonctionner le Parlement sans parler au Bloc. Il faut le faire.
Après la période de trois mois, que se passe-t-il? Nous avons tous espéré candidement que la crise allait durer trois mois. Or, elle va durer plus de trois mois. Peu importe combien de temps la crise durera, il ne faut laisser personne derrière. Que va-t-il arriver ensuite? Un aîné qui reçoit cette augmentation de pension et qui est aussi bénéficiaire du Supplément de revenu garanti verra son revenu augmenter. Il pourrait passer à une tranche d'imposition supérieure, ce qui lui ferait perdre une partie ou la totalité de son Supplément de revenu garanti.
Est-ce le cas ou non? Nous ne le savons pas. À quel moment le chèque arrivera-t-il? Il s'agit d'une question assez élémentaire. Au début, on m'a dit que cela prendrait jusqu'à huit semaines. Cela n'a pas de bon sens de penser qu'une crise pourrait durer trois mois, de prévoir une mesure deux mois après le début de ladite crise et que le chèque arrive deux mois plus tard. Évidemment, cela n’a pas d'allure.
Quand recevront-ils ces chèques? Cela fait déjà quelques semaines que la mesure a été annoncée et nous ne savons toujours pas quand le chèque va arriver. Il s'agit d'une question élémentaire, voire simple. Nous n'avons pas de réponses. Il faut aborder cet enjeu.
Nous avons aussi soulevé plusieurs questions au sujet de l'industrie touristique et de l'industrie saisonnière. Il faut aborder les secteurs des arts, de la culture et de l'événementiel. Les enjeux sont énormes dans tous ces secteurs, et je répète qu'il ne faut laisser personne derrière.
La cafétéria du Parlement n'est pas ouverte, mais on nous prépare des petits sacs-repas. J'ai eu l'idée de ne pas manger le contenu de mon sac-repas et de l'offrir aux conservateurs et aux libéraux, car ils ont l'air d'avoir beaucoup de difficultés financières. En fait, ils ont tellement de problèmes financiers qu'ils vont piger dans un programme qui a été créé pour protéger les individus et les entreprises de la faillite. Ils se disent qu'ils ne laisseront pas cela passer. Cela est odieux et profondément inacceptable. Des gens d'ici nous ont répondu, par l'intermédiaire des réseaux sociaux, que ce sont des travailleurs canadiens et des travailleuses canadiennes et qu'ils ont droit au programme. Non, le programme, on y a droit quand on en a besoin. La question devient donc de savoir qui en a besoin ou non.
Est-ce que le Parti libéral, qui a amassé 2 millions de dollars au cours des trois premiers mois de l'année, a besoin d'aller chercher des centaines de milliers de dollars de plus? Est-ce que le Parti conservateur, qui a amassé 3,9 millions de dollars au cours du premier trimestre, a besoin d'aller chercher des centaines de milliers de dollars de plus? Voyons donc! Les libéraux montrent un front uni, mais je sais qu'ils ont eu le temps de voir venir le coup. Ils créent un programme pour lequel ils se qualifient, et vont chercher l'argent dans le programme qu'ils ont eux-mêmes créé. Il n'est pas anodin de souligner que c'est le parti politique qui s'était engagé, sur l'honneur de son chef, à restaurer le financement public des partis politiques. Ils ne restaurent pas le financement public des partis politiques, mais quand il y a un programme avec de l'argent public, ils pigent dedans.
Pour couronner le tout, les libéraux vont chercher 200 000 $ dans ce programme. Cette somme va dans le coffre du Parti libéral. Lors de la prochaine élection, ils auront donc 200 000 $ de plus. Ils dépensent 200 000 $ de plus et Élection Canada va leur rembourser la moitié de ces 200 000 $ de plus qu'ils seront allés chercher dans le programme de la Subvention salariale d'urgence du Canada. Y a-t-il une limite au cynisme?
Par générosité et par sens de l'équité, je ne voudrais pas laisser pour compte nos amis conservateurs. Ils doivent avoir des réunions entre eux. Ils veulent un Parlement complet parce qu'ils ne veulent pas de comités. J'espère qu'ils vont avoir un petit comité entre eux parce qu'il y a deux candidats qui sont en avant des autres dans la course à la direction du Parti conservateur. Cela dit, je ne veux pas manquer de respect envers les autres candidats.
M. MacKay a dit qu'il n'accepterait jamais que le Parti conservateur prenne de l'argent dans la subvention salariale d'urgence, et le député de Durham a dit la même chose. Pourtant, le chef du Parti conservateur, ce qui est une notion très souple, est en faveur de cela — le Parti conservateur l'est donc aussi. Ils vont devoir s'entendre entre eux, ce qui leur apportera des heures de bonheur.
Cela ne me dérange pas, car je suis contre cela et c'est très clair. Toutefois, je ne suis pas complètement contre le principe. En effet, lors d'une bonne journée, on peut me parler du principe. Cependant, dans leur cas, ils ont balancé le financement public des partis politiques. Ils se lèvent la nuit pour vanter les mérites du contrôle étroit des finances publiques. Or lorsqu'ils voient un sac rempli d'argent, ils mettent la main dedans. J'ai mon voyage. Ils ne se parlent même pas avant de le faire. Il faut le faire. Je nuance quand même un peu mes propos, car je n'ai pas accès aux livres du Parti vert et à ceux du NPD. C'est possible qu'ils en aient besoin.
Un programme est destiné à ceux qui en ont besoin ou, a contrario, un programme n'est pas destiné à ceux qui n'en ont pas besoin. Il est possible que le NPD en ait besoin; il est possible que le Parti vert en ait besoin; il est possible ultérieurement que d'autres en aient besoin. Quant à nous, nous devons recevoir plus d'amour de nos donateurs, car nous n'en avons pas besoin. Notre année se compare aux autres années. Nous pensons que nous allons aller de l'avant. En fait, il ne nous a même pas traversé l'esprit d'aller chercher un peu d'argent dans ce programme.
Avant qu'il ne soit trop tard, je pense que les partis qui n'en ont pas besoin et qui en profitent devraient dire qu'ils s'enlèvent de là. De toute manière, il est probable que le prochain chef conservateur voudra redonner l'argent. En tout cas, c'est ce à quoi ils se sont engagés. C'est possible. Il n'est pas trop tard pour dire que nous avons raison. Il n'est pas trop tard pour se dire qu'il faudrait s'enlever de là, parce que sans cela nous n'arrêterons pas de les achaler avec cela. Ils auront raison: nous n'arrêterons pas de les achaler avec cela. Il faudrait peut-être s'enlever de là pendant que c'est encore le temps. Il faudrait se dire qu'on ne prendra pas la subvention salariale, et que ceux qui en ont besoin y auront recours.
Cela brise le vernis. Comme on le sait, on astique le vernis comme il faut. Tous les matins, à 11 heures, devant une grosse maison, on astique le vernis. À un moment donné, les gens vont se demander ce que c'est, cette affaire-là. Dans l'histoire du Parti libéral, il y a deux ou trois cas. Il n'y a pas juste l'appel aux banques le matin. Il y a deux ou trois cas de situation avec des finances publiques moyennes. Moi, je ne m'exposerais pas, si j'étais eux, parce que, nous, nous avons l'habitude de voir ces choses et de les dénoncer pas mal fort.
L'enjeu ultime dans une période de crise, c'est la confiance. Est-ce que le gouvernement se comporte à tous égards pour être digne de la confiance des Québécois et des Canadiens? Je ne prétends pas que nous sommes parfaits, loin de là. Si jamais j'avais cette prétention, bien des gens me ramèneraient à l'ordre, mais nous essayons d'être dignes de la confiance des Québécois.
Est-ce que le gouvernement fait tout ce qu'il peut, au-delà des apparences, pour être digne de la confiance des Québécois et des Canadiens? Dans une période de crise où les gens doivent se sentir rassurés par les mesures mises en place, il ne doit pas compromettre, il ne doit pas laisser s'ébrécher la confiance que les citoyens doivent avoir envers leurs institutions. Cela me semble un enjeu important ici. J'invite le gouvernement à faire un certain nombre de choses. Je l'invite à s'assurer que la formule qu'il négociera avec ses amis des autres formations politiques garantit un maximum de reddition de comptes, l'ouverture sur un maximum de sujets.
Il y a des choses là-dedans. Je l'ai quand même lu dans le journal. Que nous venions cet été, c'est une chose que nous voulions. Nous aurions souhaité que les journées où la Chambre n'a pas siégé soient reprises, mais il y a un petit début. Nous ne serions pas trop dépressifs si certaines choses passaient. Ce n'est pas l'idéal, c'est court — 95 minutes par jour, c'est assez peu. On a assez peu l'occasion de s'exprimer devant cette enceinte qui est faite pour cela. Il y a quand même des éléments qui ne sont pas si mauvais, mais passons vite à l'autre appel.
De notre côté, nous allons peut-être utiliser un certain nombre de minutes que cela nous confère pour parler des enjeux, des aînés, du tourisme, des pêcheries, des petites entreprises qui vont fermer. Nous allons peut-être utiliser ce temps dans ce but-là, nous allons prendre toutes les poignées pour véhiculer le message dont le Québec a besoin.
Dans l'intervalle, j'appelle les deux plus importants partis de ce Parlement, du point de vue du nombre, à se ressaisir en matière de moralité et d'éthique, à rejeter l'argent d'un programme dont ils n'ont pas besoin et à ramener le Parlement à se pencher sur les véritables enjeux.