Monsieur le Président, c'est probablement la dernière fois que je prends la parole à la Chambre sous votre présidence. J'en profite donc pour vous remercier de votre excellent travail. Je dois dire que vous avez été l'un des seuls députés conservateurs à avoir voté pour mon projet de loi, le projet de loi C‑215. Vous êtes un vrai gentleman. Je me considère chanceuse d'avoir siégé à vos côtés, même si cela a été de courte durée. Je vous souhaite une très belle retraite.
Bien honnêtement, avec ce projet de loi, je ne sais pas trop par où commencer. Je dirais que, au commencement de l'étude de ce projet de loi en comité, j'étais comme une petite fille à la veille de Noël. C'était la première étude détaillée à laquelle j'assistais en comité. Je me disais qu'il y avait enfin une loi-climat et que, même si j'étais un peu déçue que la mienne n'ait pu cheminer en comité, nous avions au moins quelque chose à nous mettre sous la dent, quelque chose à améliorer.
Je dirais que j'ai déchanté assez vite. Il me semble qu'en tant que parlementaires, en tant que politiciens et politiciennes, notre travail quotidien consiste aussi à montrer à nos concitoyens qu'on ne doit pas être cynique envers la politique, que nous sommes là pour les bonnes raisons et non juste pour la stratégie, que nous voulons vraiment changer les choses. Malheureusement, j'ai vu tout sauf cela au Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
D'abord, il faut dire que le Comité a été contraint de procéder de façon accélérée. Comme mes collègues l'ont dit avant moi, nous n'avions eu que quelques heures pour débattre de ce projet de loi à la Chambre. Le projet de loi a ensuite été envoyé en comité et il nous a fallu l'étudier rapidement.
Aujourd'hui, on vote un bâillon. À l'avant-dernière journée de la session parlementaire, alors que nous parlons enfin du projet de loi C‑12, on nous dit que, en tant que parti progressiste, nous devrions être en faveur de ce projet de loi. Nous voulons bien faire la part des choses, mais nous aurions aussi voulu que le gouvernement prenne la main tendue du Bloc québécois pour véritablement améliorer ce projet de loi.
Le résultat, c'est que nous nous retrouvons avec une version du projet de loi C‑12 qui, un peu à la lumière de sa mouture originale, ne permet pas de garantir que le Canada respectera ses engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre, tel qu'il s'y est engagé à l'international.
Si les libéraux étaient sérieux dans leur engagement, l'objectif ne devrait pas être d'adopter une loi-climat juste pour dire qu'on a adopté une loi-climat. C'est comme si le Bloc québécois était le seul à être resté fidèle à ses convictions. Je dois tout de même reconnaître que les conservateurs, comme on a pu le voir en comité parlementaire, sont eux aussi restés fidèles à leurs convictions. Ils ont déposé plusieurs amendements et ont débattu convenablement, il faut le reconnaître. D'autres partis nous ont davantage déçus lors de ces débats.
L'objectif était bien entendu d'instaurer un cadre légal et rigoureux qui fixe des objectifs dans la loi, qui structure la politique climatique et qui rend obligatoire l'adoption d'un plan. C'est bien d'avoir des cibles et d'être ambitieux, mais, si on n'a pas de plan, on ne s'en va nulle part.
Cela suggère donc que la loi crée un certain nombre de dispositifs et de mécanismes qui vont guider la mise en œuvre, l'évaluation, les outils, la façon dont on va s'y prendre pour vraiment réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ces mécanismes-là étaient présents dans les propositions du Bloc québécois, dans le projet de loi C‑215 et dans les amendements que nous avons déposés en comité.
Les députés libéraux ont voté contre notre projet de loi sur la responsabilité climatique. Ils ont présenté leur propre projet de loi, conçu sur mesure pour bien sûr ne pas entraver leur projet actuel qui est, comme je l'ai dit plus tôt, de continuer la production pétrolière et gazière dans les prochaines années, ce qui fait qu'on s'en va tout droit dans un mur.
J'entendais le ministre dire, un peu plus tôt, qu'il avait le projet de loi C‑215 dans les mains lorsque le projet de loi C‑12 a été rédigé. J'ose espérer qu'ils s'en sont inspirés, mais ce n'est vraiment pas le même projet de loi.
C'est d'ailleurs un peu révélateur de la tactique partisane des libéraux et c'est déplorable. Nous avons dit à maintes reprises à la Chambre que l'urgence climatique ne devait pas être un enjeu partisan. Pourtant, c'est malheureusement ce que les libéraux ont fait avec ce projet de loi quand ils se sont rendu compte qu'il fallait vraiment qu'ils en déposent un, quand les groupes environnementaux de partout au pays leur ont dit qu'il était temps que le débat ait lieu si on voulait adopter une loi-climat avant la fin de la session parlementaire. C'est à ce moment qu'ils se sont réveillés. Ce n'est pas à cause de l'urgence climatique, c'est en raison de l'urgence de la fin de la session. Nous nous retrouvons alors ce soir à débattre de cela à la va‑vite.
Sans surprise, comme je le disais, les libéraux en ont fait une joute partisane, mais, qui est tombé dans leur piège à cent milles à l'heure? C'est leur club-école: le NPD. Celle-là, je l'avoue, je ne l'avais pas vue venir. Comme on le dit en français, shame on me d'avoir cru une seule seconde que les néo-démocrates avaient les mêmes valeurs environnementales que nous. Manifestement, nous commençons à être habitués d'entendre le NPD dire une chose et faire son contraire. Cela a été le cas au Comité permanent de l'environnement et du développement durable, et j'aurais dû le voir venir. C'est mon erreur.
Le gouvernement s'est donc servi du NPD en lui promettant je ne sais quoi. Il a refusé la main tendue du Bloc québécois en votant systématiquement contre tous les amendements que nous avions proposés. Un peu plus tôt, on a entendu le ministre de l'Environnement et du Changement climatique dire qu'ils avaient voté au moins pour un amendement du Bloc québécois, ce qui est faux. Ce sont les conservateurs, et pour une fois le NPD, qui nous ont aidés à faire passer cet amendement, mais les libéraux ont réussi à être contre tout ce que nous avions proposé.
Avec le NPD, le gouvernement a agi comme s'il était majoritaire. Le NPD a accepté l'offre du gouvernement de ne produire que des changements esthétiques au projet de loi C‑12 et a gaspillé le rapport de force de l'opposition que nous aurions pu avoir pour vraiment améliorer ce projet de loi. Il a donc sacrifié l'occasion de renforcer le projet de loi C‑12, et c'est vraiment déplorable. C'est à croire que, tout ce que le NPD souhaitait, c'était de faire des déclarations publiques pour dire ou pour prétendre avoir négocié des améliorations au projet de loi alors que, dans les faits, il n'a rien obtenu du tout. Quant aux amendements du gouvernement, ils sont restés fidèles au projet de loi C‑12 d'origine et sans effet réel. Ce sont des changements esthétiques.
Même avec tout ce travail de façade en comité, le projet de loi C‑12 n'établit même pas des mécanismes de responsabilité en cas d'échec. Lors du dépôt du projet de loi, le premier ministre lui-même l'avait reconnu. Quand il s'est fait questionner sur l'absence de conséquences en cas de non-atteinte des cibles de réduction, le premier ministre avait dit: « On est dans une démocratie et, ultimement, ce sera aux Canadiens de continuer à choisir des gouvernements qui sont sérieux dans la lutte aux changements climatiques et qui vont être redevables devant la population à tous les cinq ans. »
Autrement dit, selon le premier ministre, la loi n'a pas véritablement besoin d'inclure des mécanismes contraignants. Il suffirait de faire confiance au gouvernement libéral. Par cette déclaration, le premier ministre a avoué, dès le jour un, la faiblesse de son projet de loi. Pourquoi l'avoir alors présenté si ce n'est que pour des raisons électorales?
Les critiques ont fusé de toutes parts, bien entendu, des partis de l'opposition et des groupes environnementaux. Même les journalistes s'interrogeaient sur le fait qu'il n'y avait pas de cibles contraignantes dans le projet de loi. Il faut le faire! Le gouvernement avait lancé des chiffres sans données à l'appui en disant qu'il allait y avoir de nouvelles cibles.
Ces fameuses cibles de réduction, nous en parlons, la députée de Repentigny et moi; nous en avons fait notre combat pour être certaines que le projet de loi C‑12 refermerait au moins des cibles de réduction des gaz à effet de serre. Il s'agit tout de même d'une loi-climat.
Comme je l'ai dit un petit peu plus tôt, au début de la session parlementaire, le gouvernement libéral avait pour cible 30 % de réduction des gaz à effet de serre d'ici 2030. Le jour du budget, la cible est passée à 36 %, grâce aux fonds qui allaient être injectés. Or quelques jours plus tard, au Jour de la Terre, la fourchette de cible est devenue de 40 à 45 % de réduction de gaz à effet de serre d'ici 2030. Il y a quelques jours, à la rencontre du G7, le Canada s'est engagé, aux côtés des autres pays, à aller à 50 % de réduction d'ici 2030.
Toutes ces fois, le gouvernement n'a pas été capable d'inclure ces cibles dans le projet de loi — peu importe laquelle, il n'avait qu'à en choisir une et l'inclure —, et ce, malgré le fait que le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l'Environnement et du Changement climatique nous ont dit que ce serait dans le projet de loi C‑12.
C'est assez déplorable de voir cela, parce que cela nous dit qu'ils savent qu'ils ne vont pas être capables d'atteindre ces cibles. C'est comme cela depuis le Protocole de Kyoto, en 2012. Systématiquement, les gouvernements canadiens ont été incapables d'atteindre leurs cibles. Selon nous, le fait d'entendre des chiffres comme cela toujours changer, sans avoir force de loi, a autant de force qu'une résolution du jour de l'An.
Il est donc difficile de ne pas être cynique, et je me demande combien de fois on peut être déçu par les libéraux avant de le devenir. J'aurais plusieurs choses à dire, comme tout ce qui a été rejeté pendant les travaux en comité parlementaire, c'est-à-dire toutes les propositions que nous avons faites que le gouvernement n'a pas acceptées. J'aurais dit qu'il s'agissait d'une occasion manquée, mais le gouvernement libéral savait ce qu'il faisait depuis le début. C'est, je pense, ce qui est le plus décevant dans toute cette histoire.
Nous débattrons alors jusqu'à tard ce soir pour essayer de rendre tout cela meilleur, mais advienne que pourra.