Comme mentionné, je m'appelle Marie-José Corriveau. Je représente le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, un regroupement qui a été constitué il y a 41 ans. Il compte 140 organismes implantés sur tout le territoire québécois qui se préoccupent des enjeux de lutte contre la pauvreté et de droit au logement. Le FRAPRU intervient principalement auprès des gouvernements supérieurs afin de faire progresser le droit au logement et l'accès au logement social.
Pour ce qui est de la réaction gouvernementale à la pandémie, le FRAPRU est reconnaissant au fédéral d'avoir mis sur pied rapidement la Prestation canadienne d'urgence, la PCU, ce qui a permis aux ménages de répondre à leurs besoins de base, comme la nourriture et le logement. Le FRAPRU est cependant déçu, voire choqué, de la disproportion entre les sommes mises à la disposition des plus fortunés pour traverser la crise sanitaire et celles versées aux ménages les plus pauvres et les plus vulnérables. En matière de logement, comme après la crise économique de 2008, le Canada a décidé d'aider principalement les banques, les compagnies d'assurances et les propriétaires, abandonnant les locataires à leur sort. Nous sortons de ces derniers mois avec un sentiment d'injustice accru.
Par ailleurs, la PCU n'aura pas empêché quelque 3 000 ménages québécois de devoir recourir au programme mis sur pied par le Québec pour aider les locataires qui ne parviennent pas à payer leur loyer après avoir perdu leur emploi et avoir subi une réduction brutale de leurs revenus. Les prochains mois sont préoccupants pour nombre d'entre eux, car il s'agit de prêts qu'ils devront rembourser alors qu'ils n'auront pas nécessairement retrouvé d'emploi à cette échéance.
La pandémie aura toutefois eu l'avantage de nous rappeler le lien étroit et inaltérable qui existe entre le droit au logement et le droit à la santé, et de nous rappeler également que le logement est justement un des principaux déterminants de la santé. En effet, les mesures de confinement imposées pour minimiser les risques de propagation du coronavirus n'ont pas été vécues par toutes et tous de la même manière.
Comment se confiner quand on n'a tout simplement pas de logement? Comment rester confiné dans un logement trop petit, insalubre ou étouffant à cause de canicules successives? Comment rester en bonne santé quand le loyer accapare une part démesurée du budget familial au détriment de la nourriture, des médicaments et de tout autre produit de première nécessité, comme un masque ou Internet? Comment s'en sortir en période de confinement quand on dépend au quotidien de ressources communautaires pour se nourrir, se vêtir, se transporter, mais que ces ressources communautaires doivent réduire leurs activités pour respecter les règles de distanciation physique?
Pour de trop nombreux ménages, la pandémie est une crise de plus dans un parcours de vie parsemé de périls. Déjà, lors du recensement de 2016, 1,7 million de ménages canadiens avaient des besoins impérieux de logement, c'est-à-dire qu'ils habitaient dans un logement insalubre, trop petit ou trop cher. La très grande majorité d'entre eux sont des locataires pauvres. Au Québec, les quelque 244 120 ménages locataires ayant des besoins impérieux de logement ont eu un revenu médian de seulement 17 612 $ pour toute l'année 2015.
Depuis le dernier recensement, les choses se sont aggravées. Une pénurie de logements s'étend et s'enracine dans les grandes villes québécoises, comme dans plusieurs autres provinces canadiennes. Ici, le taux d'inoccupation des logements locatifs n'est que de 1,8 %, et il n'est que de 1,5 % dans les régions métropolitaines de recensement de Montréal et de Gatineau. Cela représente la moitié du seuil de 3 % censé garantir un rapport équilibré entre les propriétaires et les locataires. À Gatineau, le loyer moyen du marché a augmenté de 10 % entre 2018 et 2019, soit en une seule année.
Les impacts sont désastreux et vont malheureusement durer. Nombre de locataires subissent des pressions indues pour accepter des augmentations de loyer injustifiées. On a constaté sur le terrain que les loyers exigés pour les logements mis en location ce printemps dépassaient très largement le prix courant moyen. Or, comme la pénurie semble vouloir perdurer, on peut craindre que ce mouvement inflationniste persiste. Parmi les centaines de ménages québécois qui n'ont pas réussi à trouver un nouveau logement et qui se sont retrouvés sans logis le mois dernier, en juillet, plusieurs avaient subi une reprise de possession ou une « rénoviction », du fait que leur propriétaire cherchait à se débarrasser d'eux, surtout s'ils étaient locataires de longue date et qu'ils payaient un loyer peu élevé.
Chercher un logement en pleine pandémie s'avère également problématique, voire impossible, pour les ménages pauvres n'ayant pas accès à Internet parce qu'ils ne sont pas équipés, parce que le système est trop cher ou simplement parce que le service n'est pas disponible sur leur territoire. Plusieurs, notamment les familles, les personnes racisées et les pauvres, ont également été discriminés à cause de leur condition, sans égard à leur historique de crédit ou de paiement de loyer, sans aucun recours véritablement efficace pour se défendre. La pénurie pousse littéralement des ménages aux portes de l'itinérance, en pleine pandémie.
Enfin, rappelons-nous que, trop souvent, pour trouver un nouveau logement, les ménages ainsi délogés ont dû quitter leur quartier, leur ville, voire leur région, perdant du même coup leur réseau d'entraide familiale et communautaire.
Dans ce contexte, le FRAPRU espérait non seulement que le gouvernement fédéral réviserait rapidement les programmes d'aide aux mal-logés, mais qu'il accroîtrait aussi ses investissements dans le domaine du logement social prévus dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Or, il n'a rien fait de tout cela jusqu'à présent.
Pourtant, en 2017, lors de l'adoption de la Stratégie nationale sur le logement, le gouvernement a, lui aussi, fait état des ménages ayant des besoins impérieux en matière de logement. Cependant, les moyens annoncés pour leur venir en aide comportaient des lacunes graves, ce qui rendait ces mesures inefficaces. Le FRAPRU a alors repéré et dénoncé ces problèmes. Si vous le souhaitez, je pourrai vous donner quelques exemples.
Depuis que la pandémie a été déclarée, le taux de chômage a bondi. Or, une seconde vague est à craindre, de même qu'une récession, voire une crise économique. Les gouvernements investissent massivement pour soutenir différents pans de l'économie. Le FRAPRU leur demande de relancer un grand chantier de logements sociaux et de financer adéquatement la remise en état de tous ceux déjà construits. Jusqu'à présent, la réponse d'Ottawa est extrêmement décevante et préjudiciable à ce qui sera à venir.
Au-delà des crises sanitaires et économiques annoncées, nous sommes d'avis que le gouvernement a le devoir de mettre les plus pauvres et les plus mal logés à l'abri des crises environnementales qui, c'est maintenant certain, vont suivre. Pour ce faire, il doit cesser de tergiverser et recommencer à investir dans le logement social, sans but lucratif et hors marché. Pour financer cet effort, le gouvernement ne manque pas de moyens. En voici quelques exemples. Il peut diminuer ses investissements dans les énergies fossiles. Il peut revoir sa fiscalité, retirer les avantages fiscaux consentis au cours des dernières décennies aux plus fortunés et rétablir une grille d'imposition plus progressive. Il doit également lutter plus sérieusement contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal. Or, quelles que soient les avenues qu'il choisira, il doit mieux protéger les plus vulnérables, à défaut de quoi les dommages politiques et économiques seront démesurés et les fractures sociales, vraisemblablement irréversibles.
J'espère avoir respecté les limites de temps.
As mentioned, my name is Marie-José Corriveau. I represent the Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), a group that was created 41 years ago. It is made up of 140 organizations from across Quebec that are concerned about poverty alleviation and housing rights. FRAPRU primarily calls on higher governments in order to advance the right to housing and access to social housing.
In terms of the government response to the pandemic, FRAPRU is grateful to the federal government for quickly setting up the Canada Emergency Response Benefit (CERB), which has enabled households to meet their basic needs, such as food and housing. However, FRAPRU is disappointed, even shocked, by the disproportionate amount of money made available to the wealthiest versus to the poorest and most vulnerable households to get through the health crisis. In terms of housing, just like after the 2008 economic crisis, Canada decided to primarily help banks, insurance companies and property owners, leaving tenants to fend for themselves. We are coming out of these last few months with an increased sense of injustice.
Moreover, the CERB failed to prevent 3,000 Quebec households from having to resort to the Quebec program set up to help tenants unable to pay their rent after losing their jobs and suffering drastic cuts to their incomes. The next few months will be worrisome for many of them, as they will have to pay back loans without necessarily having found a job by that time.
However, one good thing about the pandemic is that it has reminded us of the close and incontrovertible connection between the right to housing and the right to health, and of the fact that housing is one of the main determinants of health. The lockdown measures imposed to minimize the risks of the spread of the coronavirus have not been experienced by everyone in the same way.
How can you be in lockdown when you just don't have housing? How can you stay locked down in a house that is too small, unhealthy or suffocating because of successive heat waves? How can you stay healthy when rent takes up an inordinate part of the family budget to the detriment of food, medication and other necessities, such as a mask or the Internet? How do you cope in times of lockdown when you depend on community resources for food, clothing and transportation on a daily basis, but those community resources have to cut back on their activities to comply with the rules of physical distancing?
For too many households, the pandemic is yet another crisis in a life fraught with peril. Already, as of the 2016 census, 1.7 million Canadian households were in core housing need—that is, living in housing that is substandard, too small or too expensive. The overwhelming majority of them are poor renters. In Quebec, the approximately 244,120 tenant households in core housing need had a median income of only $17,612 for all of 2015.
Since the last census, things have become worse. A housing shortage is spreading and taking root in Quebec's major cities, as in several other Canadian provinces. Here, the vacancy rate for rental housing is only 1.8%, and it is only 1.5% in the census metropolitan areas of Montreal and Gatineau. This represents half of the 3% threshold that is supposed to guarantee a balance between landlords and tenants. In Gatineau, the average market rent increased by 10% between 2018 and 2019, in a single year.
The impacts are devastating and will unfortunately last. Many tenants are under undue pressure to accept unjustified rent increases. On the ground, it has been observed that the rents charged for rental units this spring were well above the average current price. However, as the shortage seems to want to last, the concern is that this inflationary trend will continue. Among the hundreds of Quebec households who were unable to find new housing and who found themselves homeless last month, in July, many had been repossessed or “renovicted” because their landlords were trying to get rid of them, especially if they were long-term tenants and paying low rent.
Searching for housing in the midst of the pandemic is also problematic, if not impossible, for poor households that do not have access to the Internet because they do not have the equipment, because the system is too expensive or because the service is simply not available in their areas. Many, including families, racialized people and the poor, have also been discriminated against because of their condition, regardless of their credit or rent payment history, without any truly effective recourse to defend themselves. The shortage is literally pushing households to the brink of homelessness in the midst of a pandemic.
Finally, let's remember that, too often, to find new housing, the households thus displaced have had to leave their neighbourhood, their city, or even their region, thereby losing their family and community support network.
Under those circumstances, FRAPRU hoped that the federal government would not only quickly review the programs to help the poorly housed, but that it would also invest more in social housing as part of the national housing strategy. To date, it has done neither of those things.
Yet in 2017, when the national housing strategy was adopted, the government also identified households in core housing need. However, the resources announced to assist them came with serious gaps, making those measures ineffective. FRAPRU then identified and denounced those problems. If you wish, I can give you some examples.
Since the pandemic was declared, the unemployment rate has soared. Now, a second wave is looming, as well as a recession, or even an economic crisis. Governments are investing massively to support different parts of the economy. FRAPRU is asking them to relaunch a major social housing project and to adequately finance the refurbishment of all those units already built. So far, Ottawa's response has been extremely disappointing and detrimental to what is to come.
Beyond the health and economic crises, we believe that the government has a duty to protect the poorest and most poorly housed from the environmental crises that are now certain to follow. To do so, it must stop procrastinating and start investing again in social, non-profit and non-market housing. To fund the effort, the government has no shortage of resources. Here are a few examples. It can reduce its investments in fossil fuels. It can review its tax system, withdraw the tax benefits granted in recent decades to the wealthiest and restore a more progressive tax scale. It must also fight more seriously against tax evasion and tax avoidance. However, whatever avenues it chooses, it must better protect the most vulnerable, otherwise the political and economic damage will be disproportionate and the social fractures likely to be irreversible.
I hope I have stayed within the time limits.