Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Mes travaux universitaires à NYU portent sur les abus autoritaires du droit à Hong Kong et ailleurs. Je suis également citoyen canadien d'origine hongkongaise et j'ai pratiqué le droit à Hong Kong pendant plusieurs années.
D'autres témoins vous ont déjà longuement parlé de la situation à Hong Kong. Je tiens à souligner l'importance particulière de ces événements pour le Canada. Bien que mes remarques portent sur la loi sur la sécurité nationale, la LSN, je dois souligner que d'autres faits nouveaux, comme la politisation croissante de la fonction publique et l'impunité généralisée dans les services en uniforme, sont également profondément troublants. Je me ferai un plaisir d'aborder ces sujets pendant la période de questions.
Je ferai valoir trois choses aujourd'hui. Premièrement, les événements à Hong Kong sont mauvais pour les entreprises canadiennes qui y mènent des activités; deuxièmement, les événements à Hong Kong sont mauvais pour les citoyens canadiens, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de Hong Kong; et troisièmement, les événements à Hong Kong sont directement liés aux priorités de la politique étrangère du Canada.
L'un des principaux attraits de Hong Kong pour les entreprises canadiennes est la perception qu'elle maintient la primauté du droit. En fin de compte, il s'agit de ne pas être soumis à l'exercice arbitraire du pouvoir de l'État, et il s'agit de pouvoir prévoir avec une certitude raisonnable ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire.
La LSN impose un système juridique parallèle à Hong Kong, un système où les infractions sont mal définies, où la police secrète n'a pas de comptes à rendre et où les peines sont sévères. Ce système remplacera le système juridique normal chaque fois que les autorités invoqueront la « sécurité nationale ». En termes simples, la question de savoir si la loi normale s'applique à vous dépend des caprices de l'État. Même les institutions administratives normales sur lesquelles comptent les entreprises, comme le Registre des sociétés, ont été asservies à la politique. Depuis 2014, plusieurs partis de l'opposition, dont le parti de Joshua Wong, Demosisto, se sont vu refuser l'enregistrement d'une société, ce qui a nui à leur capacité de louer des bureaux ou de recueillir des fonds.
Pour au moins trois raisons, l'apathie politique ne protégera pas le milieu des affaires. Premièrement, les entreprises de Hong Kong subissent d'énormes pressions politiques pour appuyer publiquement la LSN. Deuxièmement, les entreprises seront obligées de choisir entre se conformer à la LSN et se conformer à d'autres régimes réglementaires, y compris les sanctions américaines. Troisièmement, les affaires courantes peuvent de plus en plus être considérées comme mettant en cause la sécurité nationale. Par exemple, tout analyste financier dont les conclusions pourraient être interprétées comme portant atteinte à la confiance du public à l'égard des gouvernements de Hong Kong ou de Pékin risque d'être poursuivi en vertu de la LSN.
De nombreuses chambres de commerce se sont opposées au projet de loi sur l'extradition, en 2019, parce qu'elles craignaient que toute personne se trouvant à Hong Kong ou transitant par Hong Kong soit extradée vers le continent pour être assujettie à son système de droit pénal. Après avoir largement échoué à mettre les gens de Hong Kong à la portée du droit pénal continental, Pékin le leur impose chez eux.
Les événements à Hong Kong ont également de graves conséquences pour les citoyens canadiens, qu'ils vivent ou non à Hong Kong. Il y a plus de 300 000 Canadiens à Hong Kong, et ils doivent tous vivre maintenant dans la peur des conséquences possibles d'une violation de la LSN, ce qui comprend l'extradition vers la Chine continentale, des poursuites devant les tribunaux du continent et l'emprisonnement à perpétuité.
Même une brève lecture de la LSN révèle qu'elle définit ses infractions en termes extrêmement généraux. Dans les circonstances, il ne peut y avoir de certitude réelle quant à ce qui sera traité ou non comme une infraction. Lorsque les autorités chinoises affirment, comme elles l'ont fait à maintes reprises, que la LSN ne sera utilisée que contre un petit nombre de personnes, elles admettent implicitement qu'elles ont un pouvoir discrétionnaire extrêmement large en matière d'application de la loi. Pourtant, elles ont très peu parlé de la façon dont ce pouvoir discrétionnaire sera exercé ou réglementé. C'est contraire à la primauté du droit.
Les effets paralysants de la LSN s'étendent également aux citoyens canadiens au Canada. Comme d'autres témoins l'ont déjà souligné, la LSN englobe les actes commis à l'extérieur de Hong Kong par des personnes qui ne sont pas des résidents permanents de Hong Kong. Par conséquent, tout Canadien qui pourrait devoir se rendre à Hong Kong, transiter par Hong Kong ou prendre un vol exploité par une compagnie aérienne basée à Hong Kong fait maintenant face à des pressions considérables pour s'autocensurer. Les citoyens canadiens comme moi devraient pouvoir participer au processus politique canadien sans craindre de représailles s'ils se rendent à Hong Kong ou y transitent.
Les citoyens canadiens d'origine hongkongaise courent un risque particulier. Bon nombre d'entre eux, en particulier ceux qui vivent à Hong Kong, sont également considérés comme des ressortissants de la RPC en vertu de la loi de la RPC. Comme la RPC ne reconnaît pas la double citoyenneté, ces personnes risquent de se voir refuser l'accès aux autorités consulaires si elles sont détenues à Hong Kong.
Il apparaît aussi que la RPC a forcé des gens à renoncer à leur citoyenneté étrangère ou à demander de l'aide consulaire. Le 30 juin dernier, un tribunal de la RPC a condamné Sun Qian, une citoyenne canadienne, à huit ans d'emprisonnement pour avoir pratiqué le falun gong. Elle aurait renoncé à sa citoyenneté canadienne durant ce temps, apparemment sous la contrainte des autorités chinoises. De même, les libraires de Hong Kong Gui Minhai et Lee Bo, citoyens de la Suède et du Royaume-Uni respectivement, auraient eux aussi renoncé à la citoyenneté étrangère dans des circonstances semblables.
Les citoyens canadiens ayant des liens avec Hong Kong doivent maintenant se demander si les propos qu'ils tiennent au Canada seront retenus contre eux s'ils font ne serait-ce que mettre le pied dans un avion immatriculé à Hong Kong. De plus, des manifestations menées au Canada en faveur de Hong Kong ont donné lieu à des contre-manifestations et à des actes de provocation; des participants ont été victimes de harcèlement et d'intimidation. Des agents consulaires de la République populaire de Chine au Canada ont fait l'éloge public de pareils agissements.
Les événements de Hong Kong se répercutent également sur la politique étrangère du Canada.
Premièrement, la loi sur la sécurité nationale empêchera le gouvernement du Canada d'obtenir des renseignements précis sur l'évolution de la situation à Hong Kong et en Chine. Tout citoyen canadien établi à Hong Kong est passible de poursuites s'il fait ce que je fais aujourd'hui.
Deuxièmement, la conduite de la Chine à Hong Kong sème le doute sur sa volonté de respecter d'autres engagements internationaux. Depuis 2014, les autorités du continent et de Hong Kong ont déclaré à maintes reprises que la Déclaration commune sino-britannique était lettre morte, même si elle demeure en vigueur jusqu'en 2047. Le fait que la communauté internationale, le Canada y compris, n'ait pas condamné ces répudiations publiques a contribué au climat d'impunité dans lequel la RPC agit maintenant à Hong Kong. Dans ce contexte, il est permis de se demander si elle respectera ses autres engagements bilatéraux et multilatéraux.
Troisièmement, et c'est le plus important, les événements qui se déroulent actuellement à Hong Kong sont une épreuve décisive pour la volonté du Canada de respecter ses propres engagements.
Pour les raisons que j'ai énoncées, la situation à Hong Kong menace la sécurité personnelle de Canadiens qui se trouvent là-bas, ou même au Canada. Elle met aussi en péril des entreprises canadiennes à Hong Kong. Notre pays a l'obligation de les protéger. Par-dessus tout peut-être, la façon dont le Canada réagira aux événements de Hong Kong en dira long sur le pays que nous sommes et les valeurs que nous défendons. Notre gouvernement s'est engagé publiquement à renforcer l'ordre international fondé sur des règles avec le concours de ses partenaires régionaux, bilatéraux et multilatéraux. J'espère que les mesures que le Comité spécial recommandera, et celles que le gouvernement choisira d'appliquer, seront à la hauteur de ces engagements déclarés envers le multilatéralisme et la primauté du droit.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et de vous fournir des réponses supplémentaires par écrit, au besoin.
Mr. Chair, thank you for inviting me to give evidence today.
My academic work at NYU focuses on authoritarian abuses of law in Hong Kong and elsewhere. I'm also a Canadian citizen of Hong Kong origin, and I practised law in Hong Kong for several years.
You've already heard at length from other witnesses about developments in Hong Kong. I want to underscore the specific importance of these events to Canada. Although my remarks focus on the national security law, or NSL, I should emphasize that other developments, such as the growing politicization of the civil service and widespread impunity in the uniformed services, are also deeply troubling. I will gladly address these topics in questioning.
I will make three points today. First, events in Hong Kong are bad for Canadian businesses operating there; second, events in Hong Kong are bad for Canadian citizens, both inside and outside of Hong Kong; and third, events in Hong Kong directly implicate Canadian foreign policy priorities.
One of the main attractions of Hong Kong for Canadian businesses is the perception that it maintains the rule of law. This is ultimately about not being subject to arbitrary exercises of state power, and it is about being able to anticipate with reasonable certainty what you can or cannot do.
The NSL imposes a parallel legal system on Hong Kong, one with poorly defined offences, unaccountable secret police and harsh penalties. This system will displace the normal legal system whenever the authorities invoke “national security”. Simply put, whether normal law applies to you depends on the whim of the state. Even normal administrative institutions that businesses rely upon, such as the Companies Registry, have been politically captured. Since 2014, several opposition parties, including Joshua Wong's party, Demosisto, have been denied corporate registration, hampering their ability to rent offices or raise funds.
For at least three reasons, political apathy will not protect the business community. First, businesses in Hong Kong face tremendous political pressure to support the NSL publicly. Second, businesses will be forced to choose between complying with the NSL and complying with other regulatory regimes, including U.S. sanctions. Third, normal business matters may increasingly be characterized as implicating national security. For instance, any financial analyst whose conclusions could be interpreted as undermining public confidence in the Hong Kong or Beijing governments may be at risk of being prosecuted under the NSL.
Numerous chambers of commerce opposed the rendition bill in 2019 because they feared anyone present in or transiting through Hong Kong would be rendered to the mainland and subjected to its criminal law system. Having largely failed to bring people in Hong Kong within the reach of mainland criminal law, Beijing has brought mainland criminal law to them.
Events in Hong Kong also have grave consequences for Canadian citizens, whether or not they currently live in Hong Kong. There are over 300,000 Canadians in Hong Kong, and all of them must now live in fear of the possible consequences of violating the NSL, which includes being rendered to mainland China, prosecuted in mainland courts and sentenced to life imprisonment.
Even a brief reading of the NSL will reveal that it defines its offences in extremely broad terms. In the circumstances, there can be no meaningful certainty as to what will or will not be treated as an NSL violation. When the Chinese authorities assert, as they have done repeatedly, that the NSL will only be used against a small number of people, they are implicitly admitting that they have extremely broad enforcement discretion, yet they have said very little about how that discretion will be exercised or regulated. This is antithetical to the rule of law.
The chilling effects of the NSL also extend to Canadian citizens within Canada. As has already been noted by other witnesses, the NSL encompasses acts done outside Hong Kong by people who are not permanent residents of Hong Kong. Consequently, any Canadian who might have to travel to Hong Kong, transit through Hong Kong or take a flight operated by a Hong Kong-based airline now faces considerable pressure to self-censor. Canadian citizens like me should be able to participate in the Canadian political process without fearing reprisals if they travel to or through Hong Kong.
Canadian citizens of Hong Kong descent are at particular risk. Many of them, particularly those living in Hong Kong, are also deemed to be PRC nationals under PRC law. As the PRC does not recognize dual citizenship, these individuals are at risk of being denied consular access in the event that they are detained in Hong Kong.
Evidence also suggests that the PRC has coerced individuals into renouncing foreign citizenship or claims to consular assistance. On June 30 of this year, a PRC court sentenced Sun Qian, a Canadian citizen, to eight years in prison for being a Falun Gong practitioner. She purported to renounce Canadian citizenship in the process, likely due to coercion by Chinese authorities. Similarly, Hong Kong-based booksellers Gui Minhai and Lee Bo, citizens of Sweden and the U.K. respectively, have also purported to renounce foreign citizenship in circumstances suggesting duress.
Canadian citizens with ties to Hong Kong must now consider whether what they say in Canada will be used against them in the event they so much as set foot on a Hong Kong-registered airliner. In addition, protests in Canada expressing support for Hong Kong have been met with counterprotests and provocateurs, and their participants subjected to harassment and intimidation. PRC consular officials in this country have publicly praised such acts of retaliation.
Events in Hong Kong also have implications for Canadian foreign policy.
First, the NSL will inhibit the Canadian government’s ability to obtain accurate information about developments in Hong Kong and China. Any Canadian citizen based in Hong Kong may face prosecution for doing what I am doing today.
Second, China's conduct in Hong Kong reflects poorly on its willingness to abide by other international commitments. Since 2014 mainland and Hong Kong officials have publicly and repeatedly declared the Sino-British Joint Declaration to be a dead letter, even though it remains in force until 2047. The failure of the international community, Canada included, to condemn these repudiations has contributed to the climate of impunity under which the PRC now operates in Hong Kong. Against that background, one might reasonably wonder whether the PRC will abide by its other bilateral and multilateral commitments.
Third and most significantly, the ongoing events in Hong Kong are an acid test for Canada’s willingness to uphold its commitments.
For the reasons I have set out, the situation in Hong Kong threatens the personal safety of Canadian citizens in Hong Kong and in Canada. It also imperils Canadian businesses in Hong Kong. This country has an obligation to protect them. Perhaps more importantly, how Canada reacts to developments in Hong Kong will speak volumes as to who we are and what values we share. Our government has publicly committed to revitalising the rules-based international order in conjunction with regional, bilateral and multilateral partners. I hope whatever steps the special committee recommends, and whatever steps the government ultimately chooses to take, will live up to these stated commitments to multilateralism and the rule of law.
I will now be happy to take questions and to deliver supplemental written answers, if need be.