Dès le départ, nous savions que le temps pressait. Après tout, même le meilleur programme envisageable aurait été sans effet s'il n'avait pu être offert cet été. Nous devions mettre rapidement en contact les milliers d'étudiants qui voulaient faire du bénévolat avec les nombreux organismes communautaires qui avaient besoin d'un coup de main supplémentaire à cause de la pandémie.
Au début, nous espérions faire appel à Service jeunesse Canada. Cet organisme a été créé en 2018 pour encourager les jeunes à faire du bénévolat et à profiter des possibilités offertes à cet égard dans toutes les collectivités du pays. En développant des réseaux, en créant des partenariats avec les organismes existants et en offrant des micro-subventions, nous avions toujours espéré pouvoir élargir le programme dans les prochaines années pour faire en sorte que des milliers de jeunes puissent servir leurs milieux et leur pays, année après année.
Quand la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant a été conçue, je m'attendais à ce que Service jeunesse Canada contribue à la mise en œuvre de ce programme. Cet organisme est un élément important et de longue date de notre stratégie nationale pour les jeunes, et je savais qu'en le chargeant de la BCBE, nous accélérerions son développement. En fin de compte, la fonction publique a néanmoins conclu que la mise en œuvre de la BCBE nécessitait la mobilisation d'un partenaire à l'extérieur du gouvernement, et que ce fournisseur de services devrait être l'Organisme UNIS.
J'ai appris, pour la première fois, qu'il était proposé de confier à l'Organisme UNIS l'exécution du programme, le 8 mai, date à laquelle la BCBE devait être présentée au Cabinet en séance plénière. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais parlé de cet organisme avec mon personnel à propos de la BCBE. En fait, le 8 mai, je m'attendais toujours à ce qu'une mouture extra-renforcée de Service jeunesse Canada assure la prestation du programme. De mon point de vue, l'Organisme UNIS n'avait pas été mentionné.
Comme vous le savez, le 8 mai, la fonction publique avait déjà conclu que l'Organisme UNIS était la meilleure option pour offrir ce programme. Elle l'avait officiellement recommandé. Le comité du Cabinet sur le COVID-19 s'était déjà penché, le 5 mai, sur la BCBE, y compris sur la recommandation de recourir à l'Organisme UNIS. Je n'ai participé à aucune de ces étapes.
Le 8 mai, j'ai eu une séance d'information avant la réunion du Cabinet et j'ai appris, pour la première fois, qu'UNIS avait été recommandé comme partenaire et figurait à l'ordre du jour du Cabinet. J'ai demandé pourquoi le plan ne faisait pas intervenir Service jeunesse Canada et l'on m'a répondu que cet organisme n'aurait pas été en mesure d'offrir le programme à temps. C'était décevant, mais, en fin de compte, cela ne m'a pas surpris, compte tenu de ce que je savais du stade de développement de Service jeunesse Canada et des autres exigences auxquelles la fonction publique était confrontée à l'époque.
Bien entendu, le personnel chargé des politiques à mon bureau avait travaillé avec le Bureau du Conseil privé et d'autres ministères. Il savait que le recours à l'Organisme UNIS était à l'étude. Toutefois, je n'ai jamais parlé d'UNIS avec mon personnel ni de sa participation éventuelle à l'administration de ce programme avant le 8 mai. De plus, je n'ai jamais parlé de la BCBE à Craig ou à Marc Kielburger, ni à qui que ce soit au sein de l'Organisme UNIS. Je n'ai parlé à aucune de ces personnes au cours de cette période.
Comme je m'en suis rendu compte, ma chef de cabinet, Katie Telford, ne savait pas non plus, avant la séance d'information du 8 mai, qu'il était proposé de faire appel à UNIS. Ma chef de cabinet et moi-même avons pris connaissance de cet élément important de la proposition quelques heures seulement avant la réunion du Cabinet. Même s'il fallait travailler rapidement pendant la crise, ce n'est pas la façon dont les choses étaient censées se passer.
Nous avons appris que des questions approfondies avaient été posées au sujet de la proposition concernant la BCBE et l'Organisme UNIS au cours de la séance du comité sur le COVID-19, quelques jours plus tôt. Nous avons tous les deux estimé que nous avions besoin de plus de temps avant que ce dossier ne soit soumis au Cabinet, de plus de temps pour examiner et comprendre les raisons qui sous-tendaient la proposition de confier la gestion du programme à UNIS. Nous avions plusieurs questions à ce sujet auxquelles nous voulions obtenir des réponses, surtout compte tenu de mon expertise dans le domaine de la jeunesse.
Pendant la pandémie, le gouvernement a travaillé très fort et très rapidement. C'est encore le cas. Il n'était pas rare que je sois informé de quelque chose peu de temps avant la réunion du Cabinet. Cependant, dans ce cas-ci, compte tenu de l'ampleur du programme, des questions qui avaient été soulevées et de mon propre engagement envers les jeunes, nous avions besoin de plus de temps. De plus, nous savions tous deux que l'Organisme UNIS était connu pour avoir des liens avec des membres de notre gouvernement, dont moi, puisque j'avais pris la parole à ses événements dans le passé. Nous savions que la sélection de cette organisation serait examinée à la loupe. Nous voulions nous assurer que le processus suivi et la décision prise étaient les meilleurs dans les circonstances, et j'ai donc décidé de retirer la proposition concernant la BCBE de l'ordre du jour du Cabinet pour le 8 mai afin que nous puissions examiner cela de plus près.
Ce ne fut pas une décision facile. Nous savions qu'il y avait urgence. À la fin d'avril, de nombreux étudiants d'université avaient terminé leurs examens. La première semaine de mai était déjà passée, mais nous avons retiré cet article de l'ordre du jour afin d'être certains de faire le bon choix.
Ma principale préoccupation était de veiller à ce que la fonction publique puisse justifier pleinement sa recommandation selon laquelle, et sans l'ombre d'un doute, l'Organisme UNIS était le bon, voire le seul partenaire possible pour administrer le programme. J'ai eu une nouvelle séance d'information le 21 mai et la fonction publique m'a dit qu'elle avait fait preuve de la diligence raisonnable que nous avions demandée et qu'elle avait confiance en sa recommandation. En fait, les fonctionnaires ont dit que, si nous voulions que ce programme se concrétise, il ne pouvait être offert qu'en collaboration avec l'Organisme UNIS.
Il ne s'agissait pas de choisir entre plusieurs fournisseurs possibles. C'était entre aller de l'avant avec UNIS ou laisser tomber le programme. Au vu de l'opinion de la fonction publique, j'ai estimé que la BCBE pouvait alors être présentée au Cabinet.
Le 22 mai, la ministre Chagger a présenté le programme au Cabinet, qui l'a approuvé. Cela fait, l'étape suivante a été d'approuver le financement de la BCBE. En l'occurrence, la note d'information du personnel de mon bureau chargé des politiques recommandait d'imposer une mesure de surveillance supplémentaire pour le versement du financement approuvé. J'ai accepté cette recommandation et j'ai demandé à la ministre Chagger d'écrire au président du Conseil du Trésor pour faire le point sur la BCBE avant que d'autres tranches de financement ne soient débloquées.
Quand le Cabinet a approuvé la BCBE, je savais bien sûr que j'avais pris la parole à divers événements de l'Organisme UNIS Je n'ai jamais été payé pour le faire. Je savais aussi que ma femme avait assumé le rôle, non rémunéré, d'ambassadrice et d'alliée de l'Organisme UNIS. Je savais qu'elle avait participé à des événements de cette organisation et que, lorsqu'elle devait voyager pour s'y rendre, UNIS payait ses dépenses. Je savais également que Sophie avait récemment lancé un balado sur le mieux-être mental en collaboration avec UNIS. Le commissaire à l'éthique avait approuvé ce rôle, y compris le fait que l'Organisme UNIS couvrait ses dépenses.
Je savais aussi que mon frère et ma mère avaient travaillé pour UNIS, ainsi que pour d'autres organismes. Cependant, je ne savais pas quelle quantité de travail ils avaient fait ni combien ils avaient été rémunérés. Je ne l'ai su qu'après le lancement public du programme.
Cela étant posé, il peut arriver que se récuser soit la bonne chose à faire même si ce n'est pas nécessaire. En l'occurrence, la relation de ma mère avec l'Organisme UNIS et les autres liens avec ma famille pouvaient amener certaines personnes à se demander si ces liens avaient joué un certain rôle dans la décision de choisir UNIS. Ce n'était évidemment pas le cas.
L'Organisme UNIS n'a reçu aucun traitement préférentiel, ni de moi, ni de personne d'autre. La fonction publique a recommandé cet organisme, et je n'ai absolument rien fait pour influencer cette recommandation. Je ne savais même pas qu'elle avait été faite avant le 8 mai, et quand j'ai appris que l'Organisme UNIS avait été recommandé, j'ai retardé les choses. Je voulais avoir la certitude que la proposition de confier à UNIS la gestion de la BCBE avait fait l'objet d'un examen rigoureux.
Comme je l'ai dit, j'aurais dû me retirer de cette décision pour éviter toute apparence de favoritisme. Je sais que les apparences peuvent nuire à un bon programme et, bien sûr, c'est exactement ce qui est arrivé ici. C'est vraiment dommage, surtout parce que c'est un programme qui aurait pu être très important pour les étudiants et nos communautés.
Pour conclure, il n'y a jamais eu de directive ni de tentative d'influence de ma part ou de la part de mon personnel pour que la fonction publique recommande l'Organisme UNIS. Amener les jeunes à faire du bénévolat a été un de mes objectifs bien avant que je ne me lance en politique, alors je regrette profondément la façon dont les choses se sont passées.
Nous sommes maintenant le 30 juillet. Notre gouvernement offre aux étudiants un programme d'aide pouvant atteindre 9 milliards de dollars. Malheureusement, il est peu probable que la bourse pour le bénévolat étudiant fasse partie du programme cet été, et c'est une chose que je regrette.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.