Cette situation a fait augmenter le nombre de sans-abri qui se réfugient normalement chez des amis ou des parents. Selon une estimation, il y aurait jusqu'à 400 sans-abri de plus en raison de l'interdiction de recevoir des invités. Aussi, la capacité des refuges est réduite jusqu'à 50 %, ce qui signifie encore plus de gens dans la rue.
Les cohabitats privés sont souvent mal entretenus et ont des salles de bain et cuisine communes, ce qui signifie que les résidents sont en contact étroit et incapables de s'isoler de façon sûre. Les fonds accordés par le gouvernement ont permis d'offrir des repas et des services d'entretien ménager dans seulement 11 de ces cohabitats, et cette aide prendra bientôt fin.
Des pairs et des groupes sans but lucratif fournissent des repas, des fournitures, des renseignements et du soutien aux personnes qui vivent dans des tentes, dans la rue et dans un logement inadéquat du quartier Downtown Eastside. Plus de 10 000 repas et trousses d'hygiène ont été distribués par les bénévoles du Carnegie Community Action Project.
Une fois la crise passée, le logement doit être radicalement repensé. La pénurie de logements est dévastatrice et contribue à des décès provoqués par l'exposition aux éléments, la violence, la surconsommation de substances et une mauvaise santé. Il est maintenant on ne peut plus clair que le logement est essentiel au soutien des personnes les plus vulnérables.
La demande en chambres d'hôtel du gouvernement provincial et de l'administration municipale a permis de procéder à l'évacuation ciblée du village de tentes dans le parc Oppenheimer, ce qui laissait en plan des personnes parmi les plus à risque et dans le besoin par rapport au coronavirus.
En tenant compte de la population itinérante, des nouveaux sans-abri et des personnes qui vivent dans un cohabitat ou un refuge, il faudrait près de 9 000 chambres d'hôtel; on en a offert 262 aux occupants du parc Oppenheimer, pour un total rapporté de 638 chambres.
La fermeture de la frontière empêche l'entrée au pays de drogues illicites, et les drogues sont devenues encore plus mortelles. Plusieurs sites de prévention des surdoses ou SPS ont fermé leurs portes, et le recours aux SPS a chuté de 6 000 à 2 000 visites par semaine. Les surdoses ont grimpé en flèche en mars, avec huit décès en une semaine. Des mesures d'approvisionnement sûr ont contribué à remédier à la crise, mais rien ne confirme que ces mesures se poursuivront après la pandémie.
Les travailleuses du sexe sont aussi touchées de manière disproportionnée par la COVID-19. Les travailleuses du sexe se retrouvent malgré elles dans des situations plus risquées, ne peuvent pas travailler de la maison en raison de l'interdiction de recevoir des invités et se retrouvent sans revenu.
Le manque de communication et d'accès Internet accentue le manque de sécurité et de renseignements en santé. Les centres communautaires, les bibliothèques et les haltes de jour sont fermés, ce qui élimine des points d'accès à l'information, aux téléphones, aux prises de recharge de téléphone, à la connexion wifi et à Internet, et du coup pousse les gens dans la rue. D'un côté du pâté de maisons au coin des rues Hastings et Main, on a compté 167 personnes. Vu cet entassement forcé, l'éloignement physique et le respect des directives sanitaires ne sont pas possibles.
Les groupes communautaires ont demandé l'ouverture des rues aux piétons afin que les personnes déplacées puissent avoir d'autres espaces où aller, de même que la fermeture d'un tronçon de la rue Hastings à la circulation automobile non urgente. Une fois de plus, ce sont les plus vulnérables et, de façon disproportionnée, les Autochtones et les victimes de traumatismes, de pauvreté et du colonialisme, qui sont déplacés des espaces publics, des points de service, des logements, des refuges et des parcs.
Cette promiscuité extérieure est gérée par des mesures policières excessives. Le recours abusif à l'intervention policière ou sa mauvaise utilisation est une façon de répondre à une communauté confrontée à une pandémie, à des fermetures sans précédent et à un manque de soutien. C'est une façon de la contrôler et, une fois de plus, de stigmatiser et de pathologiser ceux qui sont le plus dans le besoin.
Le manque de services de jour et en établissement a aussi entraîné des bris majeurs dans les toilettes et installations sanitaires. Des postes de lavage des mains et des toilettes chimiques ont été installés dans la rue Hastings et à quelques autres endroits. Ces installations inadéquates ont entraîné deux décès en deux semaines, y compris celui d'un bébé qu'on a retrouvé sans vie dans une toilette chimique.
Beaucoup de pairs se sont retrouvés sans travail quand les installations et les services ont fermé. Les membres de la communauté survivent grâce à des revenus extrêmement faibles et les petites sommes tirées du travail par les pairs sont des suppléments essentiels.
La sécurité alimentaire s'est immédiatement avérée une des préoccupations principales durant la pandémie et elle le demeure vu le très grand nombre d'installations et de ressources de jour qui sont fermées. Les membres de la communauté et les groupes communautaires ont réagi en faisant des dons en argent, des dons en nature et en soutenant les programmes locaux de popote roulante.
Les problèmes relatifs au logement, à la sécurité alimentaire, aux toilettes et au lavage des mains ne pouvaient être plus évidents qu'au village de tentes du parc Oppenheimer. Jusqu'en mai, il y avait plus de 200 tentes et 250 personnes dans le parc Oppenheimer. Le gouvernement provincial a annoncé le 25 avril qu'il allait se prévaloir des hôtels pour accueillir en toute sécurité les sans-abri, ce qui était bienvenu, mais vraiment pas suffisant et visait clairement à éliminer la tare bien visible de l'itinérance dans le parc Oppenheimer.
Une fois de plus, les chambres d'hôtel et les unités de cohabitat ont été réservées aux occupants du parc sans tenir compte d'autres personnes qui étaient bien plus à risque et dans le besoin.
Les hôtels proposés ne répondaient pas aux besoins de la communauté ou à sa rétroaction. Beaucoup de personnes vulnérables ne pouvaient pas y loger en raison de politiques restrictives imposées aux invités, de l'interdiction d'avoir un animal de compagnie ou un conjoint, et de règles punitives et restrictives.
Quarante membres de la communauté qui n'avaient pas de logement ou étaient mal logés dans la foulée de l'évacuation du parc Oppenheimer et bien d'autres sans-abri ont constitué un nouveau village de tentes dans le stationnement du parc CRAB, qui appartient au gouvernement fédéral et est situé à proximité du quartier Downtown Eastside. On tarde à modifier les règlements sur les parcs de Vancouver afin de permettre le camping de nuit comme l'exige le gouvernement provincial, et les balayeuses de chaussées déplacent quotidiennement les gens qui dorment dans la rue. Nombre d'entre eux n'ont tout simplement nulle part où aller.
Voici mes recommandations:
L'adoption par le gouvernement fédéral d'un plan national et la collaboration de tous les ordres de gouvernement pour héberger immédiatement les sans-abri en retenant les chambres d'hôtel vides à l'intention des sans-abri et des gens mal logés. Prendre le contrôle des hôtels maintenant et en faire des logements permanents.
Héberger les plus vulnérables, et non seulement les plus visibles. Nous devons suivre l'exemple d'autres villes en effectuant un triage afin d'héberger les personnes qui présentent les facteurs de risque les plus élevés, ceux qui ont plus de 65 ans et qui ont des troubles de santé sous-jacents.
Avoir un dialogue ouvert et honnête sur tout plan d'hébergement pour les membres des Premières Nations en milieu urbain et sur le plan à venir pour fournir aux familles dans les réserves des foyers munis de tous les services de base, y compris de l'eau potable.
Rendre des logements accessibles à plus de 2 000 personnes qui vivent dans la rue, surtout pendant la crise du coronavirus, et garantir les fonds fédéraux nécessaires à l'ouverture des chambres des hôtels Balmoral et Regent, ce qui permettrait aux résidents du centre-ville d'avoir un toit dans une communauté de services qu'ils connaissent.
La Stratégie nationale sur le logement ne propose que de réduire l'itinérance de 50 % en 20 ans. Nous avons plutôt besoin que le gouvernement fédéral s'engage à prévenir et à éliminer l'itinérance en augmentant ses investissements dans les interventions communautaires contre l'itinérance.
Nous recommandons la construction de plus de 300 000 unités de logement abordable au taux de base et une meilleure aide au logement pour les Canadiens à faible revenu.
Nous recommandons la mise en œuvre concrète du droit au logement. Il faut acheter ou construire dès maintenant 3 000 résidences accessibles au taux de base.
Concevoir et financer une stratégie d'acquisition dynamique et travailler en partenariat avec les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les organismes sans but lucratif pour acheter dès maintenant des propriétés et des actifs destinés à servir de logement abordable.
Empêcher les personnes à la bourse bien garnie de faire main basse sur les actifs et prévoir des protections contre l'achat de propriétés par des procédés déloyaux.
Concrétiser la réconciliation grâce à des échanges respectueux avec les Autochtones, l'absence de tout pipeline sur des terres non cédées et l'application des recommandations de Red Women Rising, de l'ONU dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de la Commission de vérité et de réconciliation.
Puisque les Autochtones en milieu urbain sont surreprésentés chez les sans-abri, le gouvernement fédéral doit adopter une stratégie nationale qui cible cette population, en veillant à ce que cette stratégie soit menée par des Autochtones pour les Autochtones.
Éviter de redéplacer les Autochtones qui sont sur des terres non cédées en les évinçant des terres ou des espaces de la Couronne où ils sont installés. Il faut laisser les sans-abri, qui sont surtout des Autochtones, dans le stationnement du parc CRAB, où ils sont en sécurité pour l'instant. Il y a toutefois risque d'injonction, ce qui les enverrait dans les rues et les allées, qui sont plus dangereuses.
Mettre en œuvre le protocole national sur les campements rédigé par Leilani Farha, ancienne rapporteuse spéciale sur le logement convenable des Nations unies.
Investir dans l'encadrement des pairs pour veiller à l'efficacité et à la nature appropriée de toute intervention contre l'itinérance.
Collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour fournir les quantités adéquates d'équipement de protection individuelle aux pairs et aux travailleurs de première ligne.
Enfin, assurer l'accès à un approvisionnement vraiment sûr. La crise des opioïdes demeure la plus grande menace pour la santé et la sécurité dans le quartier Downtown Eastside.
Merci beaucoup de votre attention.