Bonjour tout le monde.
Je m'appelle Véronique Laflamme. Je représente aujourd'hui le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, qui est un regroupement panquébécois de comités logement, d'associations de locataires et de comités de citoyens et de citoyennes de différentes régions du Québec.
Nous avons 140 regroupements au Québec, dont 30 sont des groupes actifs qui travaillent quotidiennement avec des locataires, principalement des locataires à faible ou à modeste revenu, et avec des personnes qui veulent démarrer des projets de logements sociaux. Nos groupes appuient ces projets et fournissent du soutien et des services aux locataires, particulièrement aux locataires vulnérables. Dans le contexte de la pandémie actuelle, nos groupes reçoivent de nombreux appels de locataires qui craignent de perdre leur logement ou dont le seuil lié à la capacité de paiement est atteint.
Le FRAPRU est un regroupement qui fait la promotion du droit au logement, droit que le Canada s'est engagé à respecter en adhérant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, mais également en adoptant récemment, soit en juin dernier, le projet de loi C-97, qui incluait la reconnaissance du droit au logement.
Je rappelle que le droit au logement inclut la protection contre les évictions et un critère relatif à la capacité de paiement auquel chaque logement doit répondre, et qu'il doit être mis en œuvre de façon progressive, et non régressive, en utilisant le maximum de ressources disponibles.
La pandémie actuelle met en lumière l'interrelation entre le droit à un revenu suffisant, le droit à la santé, le droit à l'alimentation et le droit au logement. Les conséquences particulières de l'absence de logements décents pour les personnes itinérantes en particulier viennent d'être clairement mises en évidence par la personne qui m'a précédée, mais les conséquences pour les aînés sont également révélées par la situation actuelle. Il faut rappeler qu'il y a de nombreux aînés qui ne sont pas dans des établissements publics, mais plutôt dans des maisons de chambres ou dans de mauvaises situations de logement.
La principale préoccupation du FRAPRU dans le cadre de la pandémie actuelle est donc d'éviter les évictions massives après la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Dans la plupart des provinces et au Québec, il y a un moratoire sur les évictions de locataires durant l'état d'urgence sanitaire. Malheureusement, dans la plupart des cas, cela disparaîtra à la fin de la pandémie. Puisque la capacité de paiement des locataires est affectée, nous craignons une vague d'évictions massives, notamment en raison de l'insuffisance de l'assurance-emploi pour plusieurs travailleurs et travailleuses à faible revenu, malgré l'aide au revenu fournie par la Prestation canadienne d'urgence.
Nous craignons que plusieurs personnes ne puissent pas payer leur loyer et qu'elles se retrouvent dans une situation encore plus précaire après la pandémie, sans parler de ceux et celles qui ne retrouveront pas leur emploi ou encore des ménages à faible revenu qui ne sont pas admissibles à ces programmes. Je pense surtout aux personnes retraitées à faible revenu et aux personnes bénéficiant de l'aide sociale qui doivent payer plus cher leur nourriture en raison de la fermeture de ressources qui leur permettent souvent d'avoir accès gratuitement à un peu de nourriture. Ces personnes deviendront plus vulnérables et auront une plus grande difficulté à payer leur loyer en raison de la pandémie et de la fin de différents services.
Notre principale préoccupation est donc d'éviter les évictions durant la pandémie, mais nous pensons aussi à ce qui va se passer par la suite. Nous savons bien que cela relève de la compétence provinciale, mais cela demeure une préoccupation que doit avoir le gouvernement fédéral, compte tenu de ses engagements en matière de droit au logement.
Notre autre préoccupation concerne la capacité de paiement. Le gouvernement canadien a pu agir sur le plan des revenus, notamment par les programmes de prestations annoncés. Toutefois, comme je le disais, nous croyons que ce ne sera pas suffisant, et ce, pour différentes raisons. Ce n'est pas encore le cas dans toutes les villes québécoises, mais dans plusieurs villes canadiennes, le montant de 2 000 $ avoisine celui demandé pour le loyer — il faut le rappeler. À Toronto et à Vancouver, mais aussi à Montréal, plusieurs locataires paient déjà un loyer de 1 500 $ et même plus. Il faut donc des ressources supplémentaires. Tout à l'heure, je vais vous suggérer quelques mesures qui pourraient être mises en œuvre par le gouvernement fédéral.
Par ailleurs, je rappelle que les locataires sont d'autant plus vulnérables aux évictions que des centaines de milliers d'entre eux avaient déjà des besoins impérieux en matière de logement lors du dernier recensement. En effet, 1,7 million de ménages locataires au Canada payaient plus que la norme de 30 % de leurs revenus pour se loger, et 800 000 ménages locataires au Canada, dont 195 000 au Québec, consacraient plus de la moitié de leurs revenus à leur logement.
Cela les empêche de combler leurs autres besoins essentiels.
Les banques alimentaires mettaient déjà en lumière les conséquences de l'absence de logements abordables sur l'augmentation des demandes d'aide alimentaire. Ces situations sont accentuées par la pandémie actuelle. Une crise du logement préexistait au Québec et dans plusieurs villes canadiennes en raison de la rareté des logements locatifs abordables, mais surtout en raison de la cherté des logements, qui entraînait déjà l'exclusion de plusieurs locataires de leur quartier. Enfin, il y avait aussi un contexte de spéculation immobilière, qui est toujours présent et qui ne disparaîtra malheureusement pas avec la pandémie.
Le problème majeur, au Canada, est l'absence de solutions de rechange pour tous ces locataires. Au FRAPRU, nous avons souvent mis en lumière le fait que cette crise avait été causée par le manque de logements sociaux et le retrait du gouvernement fédéral du domaine des logements hors du marché privé, qu'il s'agisse des HLM, des coopératives ou des organismes sans but lucratif. Selon l'OCDE, le Canada se situe au 16e rang quant à son pourcentage de logements sociaux. Ceux-ci représentent 4 % du parc immobilier au Canada.
Comme le disait Arbaud, le logement social, dans ce cas-ci, est inaccessible pour plusieurs, ce qui rend plusieurs locataires encore plus vulnérables aux évictions. Ils n'ont nulle part où aller, ce qui entraîne plus d'itinérance.
Dans le contexte actuel, en gardant à l'esprit qu'il faut respecter les champs de compétence du Québec, les demandes que nous portons au fédéral ne sont pas les mêmes que celles que nous portons aussi activement auprès du gouvernement québécois. Il s'agit d'abord d'un fonds de dépannage. Le gouvernement a annoncé hier des mesures d'aide de ce type, dont des prêts pour les loyers commerciaux. Nous, nous pensons que cela prend un fonds de dépannage et non seulement des prêts sans intérêt, car il faut éviter d'augmenter l'endettement. Cela prend des subventions spéciales, puis peut-être des prêts sans intérêt pour les locataires.
Au Canada, notamment en Ontario, il y a déjà un tel fonds pour aider les gens qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas payer leur loyer. Cela pourrait être mis en place par la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui gère déjà le domaine des prêts hypothécaires.
Ensuite, il est question du financement de programmes de supplément au loyer d'urgence. Des programmes de supplément au loyer ont déjà été subventionnés par le fédéral par le passé. Cela peut être géré par les provinces, qui ont des infrastructures. Il faut financer rapidement des tels programmes pour aider les gens à demeurer dans leur logement avec une aide financière.
Par ailleurs, il faut rendre disponibles dès maintenant les fonds nécessaires pour remettre en état les logements sociaux financés par Ottawa par le passé. Cela permettrait de reloger rapidement les gens qui n'arrivent plus à payer leur loyer actuel. En raison du sous-financement du gouvernement fédéral, seulement à Montréal, 300 logements sociaux sont barricadés. Rénover ces logements ne serait pas aussi long que d'en construire de nouveaux.