Je vous remercie. Bon après-midi à tous. Je suis ravie d'être ici.
Je suis ici à titre de directrice générale par intérim du Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique, pour représenter les femmes entrepreneures qui jouent un rôle primordial dans la relance économique du pays. Avant de parler des effets de la COVID-19 sur les femmes entrepreneures, il faut comprendre les avancées que nous avons réalisées jusqu'ici.
D'après une étude menée en 2019 par la Banque de développement du Canada, 28 % des entrepreneurs canadiens sont des femmes. Selon les projections faites avant la pandémie, l'augmentation du pouvoir économique des femmes pourrait ajouter 150 milliards de dollars au PIB du Canada d'ici 2026, la participation accrue des femmes à l'entrepreneuriat étant évidemment considérée comme une stratégie cruciale.
L'entrepreneuriat permet aussi de corriger des inégalités et de favoriser la participation des femmes au marché du travail, notamment la participation des femmes immigrantes, des femmes autochtones, de celles qui vivent en région rurale ou éloignée, et de celles qui ont besoin d'une structure de travail plus souple. Malgré cela, les femmes entrepreneures sont sous-représentées au Canada, et elles doivent relever de multiples défis de nature financière, systémique et personnelle. Elles gagnent en moyenne 58 % de moins que les entrepreneurs masculins, ont accès à moins de 3 % du capital de risque, reçoivent 14 % des prêts et détiennent seulement 0,48 $ de capital pour chaque dollar que détiennent les hommes qui ont fondé une entreprise.
Les raisons de ces écarts sont multiples, et vous en connaissez probablement plusieurs. Elles découlent principalement du fait que les systèmes en place n'ont pas été conçus pour être accessibles à tout le monde et ne tiennent pas compte des besoins particuliers des femmes entrepreneures.
Dans le but de combler ces écarts, Diversification de l'économie de l'Ouest a lancé, il y a 25 ans, l'Initiative pour les femmes entrepreneurs dans les quatre provinces de l'Ouest. Cette initiative se concentre sur quatre volets; elle offre des prêts pouvant atteindre 150 000 $, des services-conseils, du perfectionnement et du mentorat. Si on les compare aux femmes entrepreneures qui ne participent pas à cette initiative, les femmes qui en ont bénéficié affichent une meilleure croissance en matière d'emplois et de ventes, restent en affaires plus longtemps et obtiennent une productivité supérieure. Nous savons que ce programme holistique fonctionne et qu'il produit des retombées considérables.
Depuis 1995, le Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique a versé plus de 72,8 millions de dollars de financement direct et de financement à effet de levier et créé plus de 2,18 milliards de dollars d'activité économique seulement en Colombie-Britannique, ce qui a permis de créer ou de conserver plus de 3 000 emplois. Il ne faudrait pas perdre ce dynamisme.
La collaboration est évidemment au cœur de cette réussite. Ainsi, en 2010, on a mis sur pied le regroupement Organisations d'entreprises de femmes du Canada, ou OEFC. Il rassemble des organismes de partout au pays qui soutiennent l'entrepreneuriat au féminin afin d'échanger des pratiques exemplaires et de défendre d'une même voix les intérêts des femmes entrepreneures. Ajoutons que, comme le savent plusieurs d'entre vous, le gouvernement du Canada a lancé en 2018 la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat, qui vise à doubler le nombre d'entreprises appartenant à des femmes d'ici 2025. Le Women's Enterprise Centre et OEFC ont tous deux reçu du financement dans le cadre de cette stratégie.
Ces efforts combinés produisent beaucoup de changements prometteurs. Ainsi, le niveau de littératie financière des femmes s'améliore, tout comme leur accès aux capitaux, qui a augmenté de 20 % entre 2007 et 2017. Plus de femmes exportent: le pourcentage de femmes entrepreneures qui exportent a presque doublé, passant de 5,9 % à 11,2 %. Près de 40 % des femmes entrepreneures s'adonnent à au moins un type d'innovation, et on peut constater une évolution générale de leur croissance. De tels résultats sont possibles, je le rappelle, grâce à une sensibilisation accrue, à un soutien constant, à de meilleures ressources et à une meilleure collaboration entre les organismes d'un océan à l'autre.
Nous sommes maintenant confrontés à de nouveaux défis en raison de la COVID-19. Je suis devenue directrice générale par intérim à la fin mars — un moment décidément hors de l'ordinaire —, alors qu'on commençait à comprendre les effets de la pandémie. Je connais bien l'écosystème canadien. J'ai siégé au conseil d'administration du Women's Enterprise Centre pendant huit ans et je suis active dans le domaine depuis 20 ans. J'y ai occupé divers postes de gestion, et j'ai vu toutes sortes de choses. Je suis aussi cofondatrice et coprésidente du congrès annuel We For She, qui regroupe des chefs d'entreprise de tous les sexes, de même que des jeunes femmes de la prochaine génération, actuellement élèves de la 10e à la 12e année, dans le but de promouvoir le progrès économique des femmes. Je siège également au conseil d'administration de Technologies du développement durable du Canada, du Forum for Women Entrepreneurs et d'Organisations d'entreprises de femmes du Canada. Je le mentionne simplement pour montrer que je travaille depuis longtemps à promouvoir l'équité entre les genres, avec un accent particulier sur les femmes entrepreneures et la création de nouveaux modèles. C'est un grand honneur d'occuper mon poste actuel en cette période déterminante.
Depuis le début de la pandémie, beaucoup de gens d'affaires ont dû interrompre leurs activités en raison des mesures sanitaires mises en place ou d'une absence de clients. Les femmes entrepreneures ont été particulièrement touchées, puisque leurs entreprises œuvrent souvent dans le secteur des services, par exemple dans la vente au détail, l'hébergement, le tourisme et les services alimentaires. Certaines ont pu s'adapter rapidement au contexte changeant et plusieurs ont commencé à travailler de la maison, bien entendu. Au Canada, 24 % des femmes propriétaires de petites entreprises ont des enfants de moins de 18 ans. On peut donc craindre que leurs responsabilités familiales se soient alourdies, notamment en matière de soin des enfants et des aînés, et que les écarts mentionnés plus tôt se creusent davantage.
Au cours des trois derniers mois, le Women's Enterprise Centre a relevé le défi. Il a même profité de l'occasion, en quelque sorte, pour fournir un soutien accru aux femmes entrepreneures de la Colombie-Britannique en se fondant sur son modèle en place, qui a déjà fait ses preuves. Nous avons donc offert davantage de webinaires et de services-conseils. Les rendez-vous individuels pour des services-conseils en affaires ont augmenté de 39 %, tandis que la participation aux formations a grimpé de 202 %.
Pour ce qui est des prêts de développement que nous consentons, nous avons pu offrir un report des paiements et l'annulation des intérêts, une offre acceptée par 90 % des emprunteurs. Comme nous travaillons de façon proactive avec les emprunteurs pour tenir compte de leurs circonstances personnelles, notre taux de remboursement s'établit depuis plusieurs années à 94 %. Notre modèle répond bien aux besoins des femmes entrepreneures, et il sera plus essentiel que jamais à l'avenir.
Nous aidons les entrepreneures à comprendre leurs options, à créer un plan de rétablissement solide et, à l'heure actuelle, à naviguer parmi les nombreux programmes gouvernementaux, dont le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes, qui prévoit des prêts de 40 000 $. À noter que seulement 50 % de nos emprunteuses y sont admissibles, et ce, pour trois raisons.
La première raison concerne la structure des entreprises. Comme on le sait, comparativement à leurs collègues masculins, les femmes entrepreneures sont plus susceptibles d'en être à leur première entreprise, d'être l'unique propriétaire ou d'être une travailleuse autonome sans employés.
La deuxième raison concerne les prêts. Bon nombre des programmes de soutien gouvernementaux prennent la forme de prêts. Cela présente des défis étant donné la structure d'entreprise que je viens de mentionner, qui fait que les entreprises détenues par des femmes sont généralement dans une situation financière plus fragile et n'ont pas les moyens de s'endetter davantage.
La troisième raison concerne le risque. Devant les risques, les femmes entrepreneures ne sont pas frileuses, mais plutôt astucieuses. Elles préfèrent obtenir un autre genre de soutien et de conseils. Comme elles ont peu d'exemples à suivre, elles ont avantage à obtenir un soutien holistique individuel lorsqu'elles cherchent du financement, puisqu'elles souhaitent comprendre et évaluer toutes les conséquences d'une décision.
C'est pourquoi les programmes de l'Initiative pour les femmes entrepreneurs sont absolument essentiels. Ce moment que nous vivons nous donne l'occasion de repenser et de réimaginer des systèmes et des modèles plus inclusifs et plus holistiques. Nous savons que les diverses étapes de la relance prendront un certain temps. Nous continuons donc d'être proactifs et d'offrir aux emprunteurs de payer seulement l'intérêt sur leurs prêts pendant les six prochains mois, histoire de leur laisser plus de liquidités, de réduire leur stress financier et de donner aux propriétaires d'entreprise le temps de s'adapter, de planifier et d'être en mode proactif plutôt que réactif.
Du côté des nouveaux modèles, je tiens à mentionner le partenariat lancé le mois dernier entre le Women's Enterprise Centre et Vancity, l'une des principales coopératives de crédit du Canada, qui est établie en Colombie-Britannique. En consultation avec le Women's Enterprise Centre, Vancity a lancé un nouveau type de prêt conçu spécialement pour les femmes entrepreneures et adapté à leurs besoins particuliers. Ce programme combine un prêt de Vancity et les services du Women's Enterprise Centre, qui fournit un soutien global.
Nous avons reçu une multitude de demandes depuis le lancement de ce programme à la fin juin, ce qui montre qu'il reste des besoins à combler. Rappelons que selon un sondage mené l'an dernier, moins de 30 % des femmes propriétaires d'entreprise sont d'avis que les banques, les coopératives de crédit et les prêteurs financés par le gouvernement connaissent leurs objectifs, leurs souhaits et leurs besoins et savent y répondre. Nous voulons que cela change, une coopérative de crédit et une institution financière à la fois.
Notre équipe dédiée cherche avant tout à aider les entrepreneures afin qu'elles puissent naviguer parmi tous les programmes et les ressources, adapter des modèles d'affaires et gérer le flux de trésorerie tout en conservant un état d'esprit positif et en jonglant avec des responsabilités familiales accrues. C'est aussi ce que font nos collègues partout au pays. Dans cette optique, nous souhaitons porter les recommandations que voici à votre attention.
La première recommandation porte sur la collecte de données, car nous sommes conscients de son importance. Nous demandons que les institutions financières et les investisseurs ajoutent des critères relatifs à la diversité et à l'inclusion aux principaux indicateurs de rendement des secteurs et divisions de leur entreprise qui travaillent avec des femmes entrepreneures ou pour elles. Nous souhaitons que le gouvernement tienne compte des considérations liées au genre et à la diversité quand il est question de développement économique, de recherche et d'innovation, et du soutien des petites entreprises, y compris pour les programmes de relance liés à la COVID-19. À titre d'exemple, connaître le pourcentage de femmes entrepreneures qui se prévalent des prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes permettrait de mieux comprendre la situation et de repérer des besoins à combler.
La deuxième recommandation, que le Comité a souvent entendue, j'en suis consciente, serait d'instaurer une politique nationale sur les garderies. Ainsi, les femmes auraient le temps et l'énergie requis pour se concentrer sur la croissance de leur entreprise pendant les années où elles peuvent avoir des enfants.
On pourrait aussi envisager comme solution à court terme la création d'une allocation aux aidants: elle procurerait une allocation aux femmes entrepreneures qui ont dû assumer davantage de responsabilités familiales et ont vu leur productivité chuter...