Bonjour, chers collègues. Merci de me recevoir en tant que témoin aujourd'hui.
Je ne suis pas habituée d'être de ce côté-ci de la table, ou de l'écran, en tant que témoin à ce comité. Je suis vraiment reconnaissante d'avoir l'occasion de vous faire part de la perspective d'un grand nombre de concitoyens dans notre région pendant que votre comité trouve des moyens de faire fonctionner un Parlement virtuel.
Premièrement, je tiens à être bien claire: je suis favorable au concept d'un Parlement virtuel. J'ai pris position publiquement sur la nécessité d'avoir un Parlement virtuel tôt durant cette pandémie. Je parle également de la nécessité de rendre le Parlement plus accessible, y compris virtuellement, depuis un certain temps, même avant cette crise.
Nous traversons actuellement une période de crise sans précédent. De nombreux Canadiens ont dû prendre des mesures inédites pour se protéger: la distanciation physique, le télétravail, dans la mesure du possible, et la conciliation entre le rôle parental à temps plein et le travail. Pour d'autres, y compris les travailleurs essentiels, rester à la maison n'est pas une option. De nombreuses personnes ont perdu leur emploi.
Pendant cette période, notre travail en tant que représentants et défenseurs des droits est devenu encore plus important. Au cours des dernières semaines, j'ai été en contact étroit avec les dirigeants des Premières Nations de notre région qui font tout en leur pouvoir pour protéger leurs communautés et qui ont désespérément besoin que le gouvernement fédéral prenne des mesures. Je communique avec les travailleurs de première ligne qui n'ont pas un accès suffisant à l'équipement de protection individuelle dont ils ont besoin. Je communique avec les travailleurs dans les camps de travail et les mines dans le Nord qui ont peur d'aller travailler en raison de la propagation possible de la COVID-19. Je communique avec des concitoyens qui sont coincés à l'étranger, des étudiants qui ne savent pas comment ils paieront leur loyer et des aînés qui ont besoin de soutien.
Notre travail a continué, mais sans le Parlement et sans un accès à des mécanismes de reddition de comptes qui sont essentiels, notre capacité d'apporter des changements a été grandement touchée. Comme bon nombre d'entre vous, je communique avec les ministres, les secrétaires parlementaires et les médias, faisant tout en mon pouvoir pour que des mesures soient prises pour notre région. C'est important, mais au fond, nous sommes des députés. Les Canadiens s'attendent à ce que nous les représentions au Parlement, que nous soyons au pouvoir ou dans l'opposition.
Il faut reconnaître qu'à un moment où les gens qui le peuvent sont encouragés à travailler de la maison, nous devrions faire la même chose aussi. Pour des raisons de santé publique, notre situation ne devrait pas être différente. Nous devrions mettre la barre haute pour montrer qu'il est possible d'accomplir toutes sortes de travaux à distance, y compris le travail du Parlement. Soyons responsables en ce qui concerne notre travail. Lorsqu'on nous dit que nous pourrions être de grands porteurs de la COVID-19, faisons tout en notre pouvoir pour exécuter notre travail en toute sécurité à la maison.
Des recherches ont révélé que nous pourrions être aux prises avec des vagues futures, et possiblement multiples, du coronavirus. Ce n'est pas une question de semaines, mais de mois, voire d'années. Nous devons être perçus comme étant des leaders en matière de santé publique et faire tout en notre pouvoir pour protéger nos communautés, y compris nous abstenir de nous déplacer dans le pays régulièrement, lorsque nous pourrions travailler de la maison.
À l'heure actuelle, dans ma région, une interdiction de voyager est en place et les gens qui ne vivent pas au nord du 53e parallèle ne peuvent pas entrer dans la région à moins qu'ils travaillent là-bas. Les déplacements non essentiels ne sont pas recommandés. Ce sont des mesures publiques qui montrent à quel point notre région est vulnérable. Il y a aussi de vastes recommandations de santé publique pour éviter les voyages entre les provinces. Compte tenu du travail que nous faisons en tant que leaders, nous devons faire tout en notre pouvoir pour assurer la sécurité de nos collectivités et faire notre travail à domicile.
Un Parlement virtuel est essentiel pour la représentation régionale. Jusqu'à présent, aucun député du Manitoba de n'importe quel parti n'a participé à une séance d'urgence du Parlement. Nous savons que, encore une fois, pour des raisons de santé publique, les séances d'urgence et les séances en personne sont dominées par les députés du centre du Canada, ceux qui sont près d'Ottawa. Ce n'est pas acceptable. Un Parlement virtuel est essentiel pour assurer la représentation des deux sexes. Selon des recherches réalisées par le Centre Samara pour la démocratie, on a relevé que le pourcentage des femmes à la Chambre durant les séances d'urgence était de 25 à 27 %. Même si cela reflète notre représentation générale, ce qui demeure pathétique, le fait est qu'un Parlement virtuel peut permettre à des femmes députées de se faire entendre partout au pays et aux partis d'exprimer leurs opinions.
Reconnaissons également que d'autres pays ont fait preuve d'initiative et ont organisé des séances parlementaires virtuelles: citons notamment le pays de Galles, le Royaume-Uni, le Parlement européen, l'Ukraine, l'Argentine, et j'en passe. Cependant, en mettant sur pied un Parlement virtuel, nous devons reconnaître que nous ne sommes pas égaux en tant que députés. Dans notre région du Nord du Manitoba, comme dans bon nombre des régions rurales et nordiques du Canada, l'accès à Internet est très mauvais.
Le Winnipeg Free Press a récemment rapporté que, selon le CRTC, on enregistre au Manitoba certains des services Internet les plus lents au Canada. Selon une carte du CRTC montrant la couverture des services à large bande, il y a des lacunes majeures partout dans notre province. Une note d'information interne préparée par Industrie Canada signalait en 2018 que « c'est dans le nord du Manitoba que la connectivité est la pire au Canada ». À l'échelle nationale, seulement 27,7 % des Premières Nations et 37,2 % des collectivités rurales ont accès à des services Internet rapides et fiables.
La crise actuelle expose l'accès de deuxième classe qu'ont de nombreux membres des Premières Nations et résidants des régions rurales du Canada en ce qui concerne l'infrastructure essentielle. Elle expose une inégalité flagrante qui ne cesse de croître dans notre pays. Cette inégalité produit des effets négatifs sur nos enfants, lesquels ont déjà d'immenses obstacles à surmonter.
Un reportage récent de la CBC a clairement montré que pour les enfants des Premières Nations qui vivent dans des collectivités éloignées comme Garden Hill, ici, dans notre région, l'apprentissage en ligne n'est tout simplement pas possible. En réponse à une question sur l'offre d'apprentissage en ligne, Catherine Monias, directrice de l'éducation à Garden Hill, a répondu: « Nous ne pouvons pas… La plupart des élèves n'ont pas accès à un ordinateur et à une imprimante, et la plupart des élèves n'ont pas Internet à la maison. » Mme Monias a souligné que même si plus de gens avaient accès à Internet, « la bande passante d'Internet est si limitée qu'il est impossible d'enseigner en ligne ».
J'ai lu des messages provenant de parents inquiets, d'éducateurs frustrés et de dirigeants de notre région qui s'inquiètent de ce que leurs jeunes ne peuvent pas avoir accès à une éducation. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans une situation où une génération d'enfants est freinée par nos échecs.
Le personnel de mon bureau et moi-même avons aussi entendu directement des électeurs dire que l'absence d'accès à Internet ou l'accès inconstant à Internet les empêche de faire leur demande d'assurance-emploi ou de PCU, ou d'obtenir l'aide de Services Canada.
Cette situation ne peut pas durer, et il faut préciser ici que ce n'est pas quelque chose qui vient de se produire. Les gouvernements successifs ont choisi de financer l'entreprise privée dans l'espoir qu'elle fournirait des services à large bande, mais ils ont échoué. Des fonds publics qui auraient pu être utiles ont été engloutis dans des initiatives qui n'ont pas permis de résoudre le problème. Les conservateurs et les libéraux ont promis pendant des années d'assurer l'accès à des services Internet à large bande, mais ils ont échoué. Nous avons entendu les engagements électoraux et nous avons vu les affiches, mais il n'y a pas d'Internet.
Je sais qu'une collectivité de notre région a eu accès aux fonds fédéraux, il y a quelques années, pour la construction d'une tour, mais la tour a été achetée, puis démantelée, par notre principal fournisseur de services de télécommunications. Cette collectivité n'a toujours pas accès à des services Internet à large bande.
Nous sommes en 2020, et dans l'un des pays les plus riches du monde, nous avons un fossé numérique troublant et inacceptable. L'actuelle pandémie devrait provoquer une prise de conscience. Il faut que le gouvernement reconnaisse l'accès à des services Internet à large bande comme étant un bien public, une première nécessité, un service essentiel. Le gouvernement doit utiliser la propriété publique pour assurer la construction d'une infrastructure Internet à large bande et garantir un service réglementé et abordable. Il doit également travailler avec les Premières Nations et les collectivités autochtones.
Nombreux sont ceux qui ont comparé la crise actuelle à un effort de guerre et qui ont dit que nous devrions compter sur nos propres capacités pour obtenir ce qu'il nous faut. Nous sommes un pays d'une incroyable richesse. Faisons ce qu'il faut pour répondre aux besoins urgents que les gens ont en ce moment et auront à l'avenir grâce à une action nationale qui garantira un accès Internet égal pour tous.
Faisons ce qu'il faut pour sortir améliorés de cette crise. Bâtissons un Canada qui ne va pas laisser tomber la génération montante et contribuer à des inégalités croissantes. Les Canadiens, y compris les plus jeunes d'entre nous, comptent sur nous pour le faire. Agissons.