Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup de m'avoir invitée à participer à votre séance d'aujourd'hui.
Comme on vient de l'indiquer, je m'appelle Diane Gray et je suis présidente-directrice générale de CentrePort Canada.
Pour le cas où certains ne le sauraient pas, je précise que CentrePort est un port intérieur trimodal de 20 000 acres situé à Winnipeg, au Manitoba. Les concepteurs ont voulu en faire une collectivité autonome s'articulant autour du transport par rail, par camion et par avion, de multiples zones industrielles pour les entreprises, de secteurs résidentiels et commerciaux, et de services d'éducation et de formation. Avec l'aide de tous les ordres de gouvernement, nous avons pu mettre en place l'infrastructure nécessaire, y compris différents services de soutien, dont un processus accéléré d'aménagement du territoire.
Il s'agit en fait de stimuler l'activité économique en misant sur la facilité à faire des affaires. La pandémie de COVID-19 et les perturbations économiques qu'elle a causées n'ont certes pas manqué de compliquer la tâche à un peu tout le monde. Bien que certains secteurs industriels aient été touchés plus durement que d'autres, je vais vous parler de quelques enjeux qui préoccupent bon nombre des entreprises avec lesquelles j'ai été en contact, que ce soit directement ou par l'entremise d'organisations comme le Business Council of Manitoba, la Manitoba Trucking Association, les chambres de commerce de notre province, Manufacturiers et exportateurs du Canada et le Word Trade Centre Winnipeg.
Je vais traiter brièvement de trois de ces enjeux qui sont en lien avec le sujet à l'ordre du jour, soit la viabilité des entreprises et des chaînes d'approvisionnement.
Tout d'abord — et je vais poursuivre dans le sens de ce que disait Mme Greenwood—, il importe d'assurer le maintien et le renforcement de la chaîne d'approvisionnement nord-américaine. Il est primordial pour les entreprises et les consommateurs du Canada que l'on envisage notre économie dans une optique continentale. En gardant cette frontière ouverte, nous avons permis à notre économie nord-américaine fortement intégrée de poursuivre ses activités au bénéfice des entreprises et des gens.
Pour vous donner une idée de l'importance de cette ouverture pour CentrePort et pour l'économie du Manitoba, je peux vous dire que, l'an dernier seulement, des échanges commerciaux d'une valeur totalisant 22,6 milliards de dollars ont eu cours via le poste frontalier d'Emerson, au sud de Winnipeg, ce qui en fait le point d'entrée le plus occupé de tout l'Ouest canadien. Dans nos efforts pour aider les entreprises à se redresser, nous devons continuer à chercher des moyens de tabler encore plus sur cet avantage régional.
Nous pourrions tous donner des exemples illustrant l'importance de notre chaîne d'approvisionnement nord-américaine. Cela ne se limite pas au Canada et aux États-Unis. On peut aussi penser aux frites qui partent de l'usine de transformation de Simplot à Portage la Prairie, au Manitoba, pour aller jusque dans les restaurants McDonald de Mexico avant que les mêmes conteneurs et camions rentrent au pays avec des avocats et d'autres denrées pour les consommateurs canadiens.
Tout ça pour vous dire que la frontière est importante pour nos activités commerciales et nos chaînes d'approvisionnement, et qu'il nous faut résister à la tentation du protectionnisme afin de garder nos plus grands marchés accessibles à nos entreprises, d'autant plus qu'elles doivent se tourner vers de nouveaux clients et de nouveaux fournisseurs. C'est d'ailleurs le prochain point que je souhaite aborder.
Il y a actuellement au Canada, et surtout dans le secteur manufacturier, de nombreuses entreprises, aussi bien des PME que des organisations plus grandes, qui songent à rapatrier leurs chaînes d'assemblage et d'approvisionnement sur le continent. Des entreprises communiquent ainsi avec CentrePort à la recherche d'une assise physique qui leur permettrait de servir leurs clients nord-américains.
Pas plus tard qu'hier, une entreprise québécoise a confirmé sa décision d'ouvrir une usine d'assemblage et un centre logistique à CentrePort pour servir sa clientèle américaine. Cette décision découle en partie des craintes d'un mouvement de ressac important des Américains par rapport à la Chine, une situation que nous devons garder à l'oeil. Cependant, l'entreprise en question est aussi motivée par la volonté de sécuriser sa chaîne d'approvisionnement. Ce souci de sécurité n'est pas selon moi uniquement relié à la pandémie de COVID-19, mais il n'en reste pas moins qu'il y a assurément un impact concret et notable sur les entreprises de toutes tailles.
Vous avez peut-être entendu parler de New Flyer, le plus grand fabricant d'autocars en Amérique du Nord. Cette entreprise dont le siège social est situé à Winnipeg a constaté que les retards dans l'expédition de pièces en provenance de la Chine avaient un effet d'entraînement qui décalait l'ensemble du processus de fabrication. Elle fait désormais partie des entreprises qui cherchent à rationaliser et réorienter leurs activités d'approvisionnement.
Au Canada, nous devrions nous efforcer d'exploiter au maximum les possibilités qui s'offriront dans le cadre de ce processus de rapatriement. La valeur actuelle de notre dollar nous procure un avantage, mais nous devons nous assurer d'avoir les infrastructures et les taux d'imposition qui permettront aux entreprises d'investir dans notre pays, et pas seulement plus au sud. Le Canada devrait chercher à livrer concurrence sur le plan du mode de production des biens. Une telle approche doit se fonder sur l'innovation et la technologie.
Il y a aussi un autre élément qui a été soulevé il y a quelques mois par The Economist qui faisait valoir que vision d'ensemble rime avec vitesse de réaction. Il s'agit de comprendre à quel point il est important pour les entreprises de transformer complètement le suivi de leurs chaînes d'approvisionnement.
Le deuxième sujet dont je souhaite traiter est celui de l'incertitude qui règne quant aux marchés et à la clientèle. Si l'on fait exception du secteur de la transformation alimentaire, la plupart des entreprises productrices de biens font montre actuellement d'une grande prudence en attendant de voir des signes de reprise dans leur carnet de commandes avant de reprendre leurs activités au maximum de leur capacité.
D'après les résultats d'une étude qui ont été rendus publics hier par Manufacturiers et exportateurs du Canada, plus de 70 % des entreprises manufacturières et exportatrices de notre pays ont été touchées par la COVID-19. Au moment où le commerce planétaire est remis en question dans un avenir prévisible, les entreprises à la recherche de nouveaux clients devront regarder plus près d'elles et sans doute envisager les prochains mois dans une optique continentale.
Si les gouvernements souhaitent véritablement favoriser la reprise économique, ils devront s'engager résolument à appuyer le développement de la technologie canadienne, à s'en porter acquéreurs et à l'utiliser même si ce n'est pas la moins chère sur le marché. Je pourrais vous citer de nombreux exemples de situations où nous avons négligé de nous approvisionner auprès d'entreprises de notre pays, et même de notre propre province. Il y a entre autres les autobus électriques et les technologies intelligentes pour les soins de santé, pour ne nommer que ces deux-là. Les gouvernements devraient donner l'exemple en investissant dans les technologies canadiennes et en favorisant leur déploiement toutes les fois que cela est possible.
Je vous dirais en troisième lieu que le commerce électronique est implanté pour de bon. Mais est-ce que cela change vraiment quelque chose? Il est bien certain que la pandémie a accéléré certaines tendances comme l'adhésion au commerce électronique, la transformation des activités de distribution et l'adoption de nouvelles pratiques aux points de vente, mais ce processus était déjà en cours. Il serait bon que des entreprises comme Amazon, Walmart et Alibaba ne monopolisent pas complètement le marché des biens de consommation en Amérique du Nord. Nous devons nous interroger sur les moyens à prendre pour aider les petits détaillants à répondre à la demande grâce à une distribution plus rapide des biens. Il n'y aura pas non plus de retour en arrière pour les services de livraison des épiceries. Tous ces changements influeront sur la forme que prendra le futur modèle de distribution centralisée ainsi que sur la localisation des entrepôts pour mieux répondre aux exigences du marché. La capacité de suivre l'évolution accélérée de la technologie et de livrer rapidement ses produits sur le marché continuera de faire la différence entre la réussite et l'échec au sein de notre économie.
En guise de conclusion, je vous dirais qu'il y a trois principales mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour assurer la viabilité de nos entreprises et rendre nos chaînes d'approvisionnement plus efficientes. Premièrement, il faut comprendre que la reprise risque d'être lente dans certains secteurs tant et aussi longtemps que les carnets de commandes des entreprises ne sont pas remplis. Il faut les aider à avoir accès à des capitaux et, dans certains cas, appuyer leurs efforts de réorientation de leurs marchés et de leurs sources d'approvisionnement.
Deuxièmement, nous vous prions de contribuer au maintien d'un environnement commercial concurrentiel grâce à des mesures fiscales et à d'autres formes de soutien, notamment en ce qui concerne l'adoption et le déploiement de nouvelles technologies.
Enfin, il faut continuer d'investir dans les infrastructures essentielles de telle sorte que les produits fabriqués au Canada, cultivés au Canada ou d'origine canadienne puissent atteindre leurs destinations finales.
Merci beaucoup. Je serai ravie de répondre à vos questions.