Monsieur le Président, c’est pour moi un grand plaisir de parler une fois de plus du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir). On propose dans le projet de loi de modifier certaines dispositions du Code criminel sur l’aide médicale à mourir pour donner suite à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon, qui a invalidé le critère d’admissibilité voulant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible.
Je voudrais mettre en lumière cinq grands éléments qui ressortent pour moi.
Premièrement, le projet de loi supprime la condition voulant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible, à l’exception des personnes dont la seule condition médicale est une maladie mentale.
Deuxièmement, le projet de loi comprend des mesures de sauvegarde supplémentaires pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Troisièmement, il permet de lever l’obligation de fournir le consentement final. De cette façon, les malades peuvent donner leur autorisation à l’avance, dans le cas où la mort est raisonnablement prévisible et qu’ils risquent de perdre leur capacité de consentir à la procédure.
Quatrièmement, il permet de lever l’obligation de fournir le consentement final si un malade choisit de s’administrer lui-même l’aide médicale à mourir et que des complications surviennent qui l’empêchent ensuite de consentir à la procédure.
Cinquièmement, il modifie le régime de surveillance de l’aide médicale à mourir en obligeant les fournisseurs de soins de santé et les techniciens en pharmacie à fournir une information réglementaire lorsqu’ils évaluent l’admissibilité d’une personne à la procédure ou qu’ils fournissent une substance pour l’aide médicale à mourir.
Au cours des deux dernières années, bon nombre de mes collègues des deux côtés de la Chambre sont intervenus pour parler d’un assez grand nombre de détails. Je suis très heureux de voir que le projet de loi, avec les modifications qu’il comporte, reçoit un large appui, qui lui permettra d'être renvoyé au comité pour une étude plus approfondie.
J’ai pris la parole à la Chambre à la 42e législature en 2016 pour faire part de mon expérience lorsque j’ai tragiquement perdu mon père en raison d’un cancer de stade 4 en 2014. L’aide médicale à mourir n’était pas disponible à cette époque et nous avons vu mon père perdre sa dignité. Nous avons vu celui que j’appelais « mon héros » perdre la capacité de fonctionner et de diriger notre famille. Son désir aurait été exaucé si ce genre d’aide avait été disponible.
De plus, en qualité de président du caucus parlementaire sur la santé mentale, je défends, tout comme notre caucus, l’idée que cette mesure ne doit pas être autorisée dans le cas des personnes dont la seule condition est une maladie mentale. Je suis heureux de constater qu’il en est ainsi dans le projet de loi.
Alors que j’écoutais attentivement les interventions au cours des deux derniers jours, j’ai constaté que, parfois, on s’est demandé pourquoi il a fallu autant de temps. J’ai donc décidé de me concentrer sur le cheminement effectué par notre gouvernement au cours des quatre dernières années, compte tenu également que nous en sommes presque à la moitié du débat. Il est essentiel de parler des difficultés auxquelles nous nous sommes butés, les intervenants avec lesquels nous avons traités, les consultations menées pendant les études, la mise en œuvre des mesures, les succès et les problèmes que nous avons eus.
Cela étant dit, depuis la mise en œuvre de la loi sur l’aide médicale à mourir en 2016, nous avons vu une augmentation constante du nombre de Canadiens et de fournisseurs de soins de santé qui ont adopté ce nouveau régime. L’intégration des évaluations des demandes d’aide médicale à mourir et de la prestation du service s’est déroulée relativement en douceur un peu partout au pays.
La proclamation de cette loi historique n’était que le début de ce que nous voulions faire. Le gouvernement a depuis appuyé activement la mise en œuvre de l’aide médicale à mourir partout au Canada. La loi de 2016 comprenait des directives claires, dont la nécessité pour le gouvernement de procéder à des examens indépendants de trois questions complexes qui n’avaient pas été traitées dans le projet de loi de 2016. Certains de mes collègues ont déjà abordé ces sujets complexes.
Au lieu de procéder trop rapidement, le Parlement était d’avis qu’il fallait étudier ces questions plus en profondeur et examiner les données et les faits disponibles. Le gouvernement a donc chargé le Conseil des académies canadiennes de mener ces études et c’est à ce moment que l’aventure a commencé.
Le rapport déposé au Parlement en 2018 témoignait d’un examen approfondi des données de recherches universitaires et de recherches en politiques ainsi que des présentations d’intervenants et d’experts étrangers dans les trois secteurs. Il faisait état de points de vue variés des professionnels de la santé, d’universitaires, de groupes de défense et de chefs autochtones; soit les intervenants avec lesquels nous travaillons. Nous nous attendons à ce que ces échanges se poursuivent pendant l’examen parlementaire et, comme je l’ai indiqué, j’espère que chacun à la Chambre votera pour que nous puissions renvoyer le projet de loi au comité et poursuivre le dialogue ainsi entamé.
Compte tenu de notre système fédéral et de la division des compétences pour la santé et le droit pénal, le gouvernement fédéral a élaboré un régime de surveillance et de présentation de rapports pour recueillir des informations précieuses sur les demandes de service et la prestation même du service d’aide médicale à mourir. Partout dans le monde où l’aide médicale à mourir est offerte, un mécanisme de surveillance est en place. La répartition des rôles et des responsabilités dans ces régimes varie.
Dans la foulée de ce changement monumental qu’a constitué la légalisation de l’aide médicale à mourir, les Canadiens ont voulu connaître les mesures qui allaient être mises en place. Certains voulaient savoir si l’aide médicale à mourir serait accessible partout dans notre vaste pays. D’autres s’enquéraient de la façon dont les mesures de sauvegarde seraient appliquées et se demandaient si les gens vulnérables seraient protégés. Notre gouvernement a travaillé rapidement avec les provinces et les territoires pour mettre en place un système de présentation de rapports provisoires pour recueillir les meilleures données possible.
Je veux souligner l’apport de nos partenaires des provinces et des territoires qui ont eu la difficile tâche de mettre en place un accès sûr aux services d’aide médicale à mourir à partir du début, et ce, dans une courte période de temps, en collaborant avec de multiples partenaires, comme les fournisseurs de soins de santé, les associations professionnelles et les établissements de soins de santé. La tâche était énorme, parce qu’ils ont dû fixer des normes pour les médecins, les infirmiers praticiens et les pharmaciens appelés à appuyer la prestation uniforme et sûre de l’aide médicale à mourir tout en respectant un cadre légal rigoureux. Ils ont également dû aider à réduire au minimum les disparités dans l’accès au service entre les secteurs ruraux et urbains.
Notre gouvernement a produit quatre rapports provisoires utilisant les données transférées volontairement par les fournisseurs et les diverses administrations de 2016 jusqu’à la création du régime permanent, à la fin de 2018. Ces rapports portaient sur une période de six mois et fournissaient de l’information sur le nombre de décès induits par aide médicale, les données démographiques des malades, les conditions médicales sous-jacentes et les demandes d’aide médicale à mourir prévues.
L’examen de ces rapports révèle que les gens sont de plus en plus conscients que l’aide médicale à mourir est une option légale. Les fournisseurs de soins de santé semblent également de plus en plus à l’aise avec cette procédure. Entre temps, notre gouvernement s’est attaché à mettre en place un système national permanent de surveillance et de présentation de rapports, prévu dans le projet de loi C-14.
Après avoir consulté les parties prenantes et en collaboration avec les provinces et les territoires, le gouvernement a promulgué le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir à la fin de 2018. Ce règlement prévoit les rapports que tous les médecins, les infirmiers praticiens et les pharmaciens qui participent à l’aide médicale à mourir doivent présenter. Nous avons pris soin de trouver un juste équilibre dans l’information requise, car nous ne voulions pas imposer un fardeau trop lourd aux fournisseurs de soins de santé ni demander des rapports en double. Le système est en œuvre depuis seulement un peu plus d’un an. Tard au printemps, le gouvernement entend rendre public le premier rapport annuel préparé au moyen des données tirées de ce nouveau système de surveillance.
Dans le budget de 2017, le gouvernement a annoncé l’attribution de 11 milliards de dollars sur 10 ans pour appuyer les soins à domicile et dans la collectivité, dont les soins palliatifs ainsi que les services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie; quelque 6 milliards de dollars sont consacrés précisément aux services dont j’ai parlé. En 2019, le gouvernement a travaillé avec toutes les provinces et les territoires pour élaborer le cadre applicable aux services palliatifs au Canada, que je considère comme la pierre angulaire du projet de loi.
Depuis trois ans et demi que l’aide médicale à mourir est offerte, le gouvernement s’est employé à appuyer une intégration en douceur de la mesure dans le système de santé fondée sur les éléments dont je viens de parler. Avec les données que nous avons recueillies, nous avons élaboré un projet de loi conforme à la décision rendue dans l’affaire Truchon; le projet de loi permet en plus de donner suite à d’autres questions qui font clairement consensus et qui permettent un progrès acceptable. J’espère qu’après un examen et un débat appropriés, nous pourrons renvoyer le projet de loi au comité.
Je termine en déclarant que j’appuie le projet de loi. Je remercie tous les députés qui ont pris la parole à ce sujet.