Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-6. Bien qu'elle soit brève et simple, cette mesure législative nous amène à nous pencher sur tout un éventail de questions liées à notre accueil des nouveaux arrivants, au processus d'obtention de la citoyenneté et à la réconciliation avec les peuples autochtones. Il y a de nombreux points différents à soulever dans le cadre de cette discussion.
Petite mise en contexte d'abord: un nombre considérable de recommandations a été formulé à l'issue des travaux de la Commission de vérité et réconciliation, travaux qui avaient suivi les excuses présentées par l'ancien premier ministre Stephen Harper, qui avait travaillé avec les autres partis.
Mes collègues d'en face criaient à propos de quelque chose qui ne s'était peut-être pas passé, mais ils devraient se rappeler que cette démarche avait été une démarche commune. Tous les partis y avaient travaillé ensemble, mais la démarche s'est déroulée et a été engagée sous le leadership de Stephen Harper.
Lorsque nous parlons de réconciliation avec les peuples autochtones, nous parlons de la liste de recommandations qui a découlé de ce processus. Certaines des recommandations portent sur des questions très vastes, importantes et difficiles concernant la justice et la santé ou sur une réorientation politique claire. D'autres portent sur des questions de dénominations et de symboles. Je conviens tout à fait que ces mesures et discussions symboliques sont importantes. Nous ne devrions pas les rejeter entièrement. La manière dont nous reconnaissons verbalement certaines choses, comme le serment de citoyenneté et d'autres aspects symboliques, n'est pas sans importance.
Cependant, la reconnaissance symbolique devrait constituer une étape ou une partie d'un processus menant à un changement plus substantiel, un lien plus important et une réconciliation. Il est regrettable que le gouvernement se concentre exclusivement sur les petits aspects symboliques de la situation au lieu de prendre des mesures concrètes.
En plus de parler du projet de loi, je veux me concentrer sur les types de mesures de fond requises pour faire avancer un programme de réconciliation.
Pour les gens qui viennent de se joindre à nous, je précise que le projet de loi accomplirait une chose simple. Il modifierait le serment que les nouveaux Canadiens prêteraient lorsqu'ils deviendraient citoyens canadiens. Le serment actuel dit simplement ceci:
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Il s'agit d'un serment général. Il mentionne la reine et la notion du respect des lois et des obligations. Le texte est clair, beau et simple, mais il ne précise pas trop les lois dont il est question. La modification propose d'inclure un élément spécifique dans le serment. Le nouveau serment serait libellé comme suit:
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Il existe de nombreux aspects de l'histoire et de l'identité du Canada, et cette modification amène un aspect très important: les engagements pris dans le cadre des traités dont nous faisons tous partie dans nos relations avec les peuples autochtones.
La modification se rapporte à la recommandation numéro 94 du processus de la Commission de vérité et réconciliation, mais elle ne la suit pas à la lettre. On y lit:
Nous demandons au gouvernement du Canada de remplacer le serment de citoyenneté par ce qui suit:
Je jure (ou affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada, y compris les traités conclus avec les peuples autochtones, et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
La recommandation numéro 94 va dans la même direction que le projet de loi, mais elle est beaucoup plus simple et plus claire. Elle n'est pas aussi longue et elle ne nomme pas tous les groupes autochtones: les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Elle utilise le qualificatif « autochtones ».
Par conséquent, on peut envisager trois options dans ce dossier: le serment actuel, le serment modifié que propose le gouvernement et celui que propose la Commission de vérité et réconciliation. Il va sans dire qu'il existe aussi une foule d'autres possibilités.
On pourrait également envisager de reconnaître la dualité linguistique, l'identité multiculturelle et souligner l'importance de la liberté, des droits de la personne, de la démocratie et de la primauté du droit. On pourrait aussi ajouter divers autres éléments très importants pour l'identité canadienne et la nation que nous formons aujourd'hui.
Toutefois, il existe un processus, autre que le serment de citoyenneté, qui permet aux nouveaux venus au Canada de découvrir divers aspects de l'identité canadienne, notamment par la lecture. Je songe notamment au guide de la citoyenneté. Dans la recommandation numéro 93, la Commission de vérité et de réconciliation demande précisément au gouvernement d'examiner la trousse d'information pour les nouveaux arrivants, afin que le guide de citoyenneté relate une histoire qui « reflète davantage la diversité des peuples autochtones du Canada, y compris au moyen d'information sur les traités et sur l'histoire des pensionnats ».
Il va sans dire que cette demande est importante. Dans un guide de citoyenneté, il n'y a pas lieu de rechercher la brièveté et la simplicité. Dans ce genre de document, on peut fournir davantage d'information et d'explications et il vaudrait la peine d'améliorer le guide actuel. J'estime qu'il y aurait consensus à cet égard au moins parmi les députés qui siègent à la Chambre des communes.
Les efforts du gouvernement portent une fois de plus sur une proposition à caractère symbolique. Il ne retient pas exactement la proposition faite, mais il présente un projet de loi prévoyant une modification du serment de citoyenneté.
Que devons-nous en conclure?
Premièrement, reconnaître entièrement notre histoire en tant que peuple au Canada est un principe très important. À l'origine, on présentait notre histoire nationale comme le récit de l'union de deux nations: les Français et les Anglais. Cela faisait partie de la dynamique à l'époque de la Confédération. Or, bien d'autres peuples ont été intégrés au Canada, et pas vraiment avec leur consentement.
Il y avait les Autochtones, dont le statut à titre de nations distinctes n'était pas reconnu à l'époque. De plus, comme certains en ont parlé récemment, une bonne partie de l'Ouest canadien n'a pas négocié son inclusion dans la Confédération. Le territoire a plutôt été acheté, puis on y a défini des frontières et le gouvernement fédéral a conservé une partie de ce qui, autrement, était des pouvoirs provinciaux.
En tant qu'habitant de l'Ouest canadien qui se soucie des préoccupations des Autochtones, je comprends que la description de notre passé comme étant l'histoire d'une dualité culturelle et de l'union de deux nations ne reflète pas l'expérience canadienne dans toute son ampleur et dans toute sa diversité.
Est-il important de refléter cela dans l'information que nous véhiculons par divers moyens à des fins éducatives, notamment à l'intention des nouveaux arrivants? Absolument. Tous les députés souhaitent que les nouveaux arrivants apprennent ces renseignements importants sur l'histoire du Canada et l'identité canadienne. Ils apprennent de nos réussites et de nos erreurs du passé et ils arrivent ainsi à mieux comprendre ce que signifie être Canadien.
Nos fondateurs avaient raison de nous percevoir comme une nation multiculturelle, mais, en même temps, une nation civique commune. Nous devons avoir une identité civique commune découlant d'une compréhension de notre histoire fondée sur certaines valeurs communes. L'importante relation entre nous tous et les Autochtones qui vivent au Canada fait partie de cette histoire. Par conséquent, cette reconnaissance et cette appréciation sont très importantes.
Je sais que le processus d'obtention de la citoyenneté soulève parfois un débat.
Dans une entrevue accordée au New York Times, il y a quelques années, le premier ministre a décrit le Canada comme un État postnational où il n'y a pas d'identité profonde ni de courant dominant. Je ne suis pas d'accord. Il est vrai que nous n'appartenons pas tous au même groupe ethnique ou religieux, mais nous avons bel et bien une identité civile commune.
Ceux qui soulignent l'importance de discuter des effets des injustices sur les peuples autochtones dans le cadre du processus d'accueil des nouveaux arrivants défendent l'idée importante selon laquelle les Canadiens ont une identité civile commune, et celle-ci doit évoluer de manière à tenir compte à la fois des réussites et des échecs de notre passé et de la façon de progresser. L'idée d'une identité civile commune est un aspect important à considérer dans le cadre du débat sur cette proposition.
Ce qui me décourage le plus dans le contexte actuel, c'est qu'il y a un besoin urgent que le gouvernement agisse. Il doit poser des gestes concrets pour améliorer les conditions économiques et ainsi améliorer à bien des égards les conditions de vie des Autochtones du pays. Nous avons beaucoup débattu de cette question en particulier la semaine dernière.
Il y a des projets d'exploitation des ressources naturelles dans des régions éloignées qui sont largement appuyés par les communautés autochtones. Sans vouloir débattre de certains barrages ou de certaines politiques en particulier, je dirais qu'il y a évidemment beaucoup de mécontentement dans ma circonscription et dans ma province à cause de ce qu'il est advenu du projet Frontier de la société Teck.
La question qui se pose est de savoir si nous voulons être le genre de pays où les Autochtones ont le droit d'exploiter des ressources, d'accepter des projets, de signer des accords avec des entreprises, puis de voir ces projets se concrétiser quand ils bénéficient de l'appui des peuples autochtones locaux. On a beaucoup discuté des droits des peuples autochtones, à juste titre. Nous devons prendre en compte, dans cette discussion, le droit à exploiter des ressources et à soutenir des projets.
Nous aurions dû tirer des leçons de notre passé colonial, une époque où les gens ne pouvaient parler en leur nom propre, car d'autres le faisaient à leur place.
Ceux qui, aujourd'hui, prétendent parler au nom des peuples autochtones, mais qui ne savent pas, en fait, ce que ces peuples autochtones veulent ni où se trouvent leurs intérêts font preuve d'une mentalité colonialiste. Dans d'autres parties du pays, par exemple, des manifestants et des militants se disent opposés aux projets d'exploitation par solidarité avec le peuple wet'suwet'en, alors que celui-ci, dans sa grande majorité, a dit, par la voix de ses représentants élus, être en faveur de ces projets.
Ce n'est pas de la solidarité de prétendre parler au nom d'un groupe dont on ne fait pas partie et d'aller à l'encontre de ses souhaits; c'est du colonialisme. Nous devons être conscients de la différence. La solidarité, c'est quand des gens amplifient la voix des personnes qui expriment leurs préoccupations. L'opposition aux désirs de ces communautés n'est pas une forme de solidarité, mais de colonialisme. Nous avons eu beaucoup de problèmes dans le passé quand des dirigeants, des activistes et des citoyens non autochtones n'ont pas saisi la différence entre ces deux concepts. Les personnes ayant une mentalité colonialiste qui croient que les gens peuvent seulement être en faveur du développement pour des raisons pécuniaires ont une attitude paternaliste, même si elles sont motivées par de bonnes intentions. Nous aurions dû apprendre que les bonnes intentions ne sont pas suffisantes pour favoriser les relations entre le gouvernement et les peuples autochtones.
Nous devons défendre les droits des Canadiens autochtones d'exploiter les ressources, d'aller de l'avant avec des projets qu'ils appuient et qui leur permettraient de profiter d'emplois et de débouchés au sein de leurs propres communautés. Sans ces emplois et ces débouchés, ces personnes sont contraintes d'accepter un niveau de vie bien inférieur à celui des autres Canadiens ou, sinon, de quitter leur communauté pour s'installer dans un centre urbain.
Ce sont là des enjeux réels, fondamentaux et, j'ajouterai, difficiles du processus de réconciliation. Comment pouvons-nous ouvrir un dialogue constructif avec les représentants élus des peuples autochtones pour leur dire que, même s'il n'y a pas unanimité, les gens doivent pouvoir aller de l'avant lorsqu'il existe un vaste consensus?
Je constate que les députés libéraux et ceux du NPD ont soulevé la question de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les conservateurs appuient en principe les objectifs énoncés dans la majeure partie du document, mais nous sommes très préoccupés par les cadres juridiques qui l'entourent. Chacun des cadres qui ont été présentés à la Chambre par le passé et qui indiquent que chaque communauté doit donner son consentement préalable librement et en connaissance de cause ont eu pour effet d'accorder un droit de veto à ces communautés.
Selon moi, dans un pays démocratique, si la majorité des communautés et des particuliers sont favorables à un projet et que ce dernier jouit d'un immense appui, les représentants élus des peuples autochtones devraient avoir le droit de réaliser les souhaits de la majorité. Évidemment, nous défendons les droits de la minorité lorsqu'il y a atteinte aux droits d'une personne, mais quand on parle de politique économique et de développement, nous avons l'impression que les droits des communautés autochtones devraient comprendre le droit de la majorité d'exprimer sa volonté et d'aller de l'avant.
Le cadre prévu aux termes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones soulève des inquiétudes en ce sens, et c'est pourquoi je me suis opposé à un projet de loi d'initiative parlementaire portant là-dessus lors de la dernière législature. Il faut régler ces enjeux. Si la majorité des communautés autochtones rejettent un projet particulier dans leur région, il faut tenir compte de leurs récriminations et respecter leur volonté. En revanche, si la majorité des communautés autochtones sont favorables à un projet, il faut respecter leur volonté et aller de l'avant.
Voilà quelques-unes des questions de fond dont il est essentiel de tenir compte, mais le gouvernement manque de leadership à cet égard. Le Canada est en train de devenir un pays où il est très difficile de construire quoi que ce soit, où on annule des projets par crainte qu'un petit nombre de manifestants mettent des bâtons dans les roues des promoteurs. Des projets qui sont bons pour l'économie et pour l'environnement et qui reçoivent l'appui des Autochtones ne voient tout simplement pas le jour. Des entreprises vont donc décider d'investir ailleurs, et les véritables victimes de ces décisions seront les Canadiens vulnérables. Chacun de ces projets pourrait permettre à des gens d'occuper un emploi et d'assurer l'éducation de leurs enfants.
Ces discussions sont cruciales pour notre économie, pour l'environnement et pour notre relation avec les Autochtones. Je supplie la Chambre de se concentrer sur ces questions fondamentales afin que nous puissions faire preuve de leadership et établir des cadres qui donnent aux communautés autochtones le droit d'exploiter leurs ressources, d'aller de l'avant et d'accéder à la prospérité économique.
Ce faisant, nous devons toujours nous efforcer de créer une société inclusive où les nouveaux arrivants comprennent l'histoire et les traditions des peuples autochtones et où tous ceux et celles qui sont nés ici prennent le temps d'approfondir l'histoire du pays.
Je ne pense pas que c'est en changeant une ligne dans le serment de citoyenneté, surtout d'une manière qui ne concorde pas avec les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, que nous allons avancer sur ces questions de base. Comme je l'ai dit au départ, même si les discussions symboliques ont leur place, l'urgence de la situation actuelle, l'inertie du gouvernement, l'absence d'un plan sur la suite des choses, tout cela nuit à de nombreux Autochtones au pays, aux gens qui dépendent de l'exploitation des ressources naturelles, aux gens qui dépendent du transport ferroviaire.
Il faut que le Canada soit un pays qui peut construire des choses, un pays où nous pouvons avancer ensemble. Ce serait une tragédie si le pays qui a réussi à construire un chemin de fer transcontinental n'était pratiquement plus en mesure de faire approuver quelque grand projet d'intérêt national que ce soit, surtout quand ces projets ont l'appui de la majorité des Autochtones du pays.
Ce sont là des questions que nous devons régler sans retard.