Monsieur le Président, vous me permettrez de commencer par des propos liminaires, parce qu'il m'était déjà arrivé de faire mes adieux à cette Chambre. Eh oui, j'ai eu l'occasion de dire au revoir à mes collègues de la Chambre des communes parce que la vie m'amenait ailleurs. La vie m'amenait à l'Assemblée nationale du Québec, où j'ai siégé pendant 13 ans, avant de devenir secrétaire général du Collège de Rimouski. Par un curieux hasard, le destin m'a ramené ici.
Je fais maintenant un discours d'introduction en tant que « re-nouveau » député à la Chambre des communes. C'est pour moi un très grand plaisir, et je veux évidemment remercier les citoyennes et les citoyens de la circonscription de Montarville de m'avoir accordé leur confiance, le 21 octobre dernier.
Je dois dire que c'était pour moi doublement inattendu de revenir à la Chambre des communes, cette fois dans la circonscription voisine de Montarville. Évidemment, nous avons un excellent député dans la circonscription de Pierre-Boucher—Les Patriotes—Verchères. Il était donc hors de question de faire du maraudage. Sainte-Julie, la municipalité la plus populeuse de la circonscription québécoise de Verchères, se trouve dans la circonscription fédérale de Montarville, où on m'a demandé de me présenter. Ma foi, je dois dire que la greffe a plutôt bien pris puisque non seulement je me plais dans cette nouvelle circonscription, mais il semble que les citoyennes et les citoyens de la circonscription de Montarville ont également cru qu'ils se plairaient avec moi.
Me revoici donc ici, à la Chambre, à saluer les collègues, à féliciter chacune et chacun pour leur élection et à leur dire que je serai très heureux de travailler en collaboration avec eux. En effet, comme l'a déjà indiqué le chef du Bloc québécois, le 21 octobre dernier, les citoyennes et les citoyens nous ont demandé de collaborer. Je pense que nous avons aujourd'hui un premier test de collaboration, qui nous est présenté par le Parti conservateur. J'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques instants.
Je termine mes propos liminaires simplement en disant que, lorsque j'ai fait mes adieux à la Chambre, c'était dans la Chambre des communes située à l'édifice du Centre. Lorsque celle-ci a fermé pour que la Chambre s'établisse temporairement ici, je me souviens m'être fait la remarque que je n'aurais jamais siégé dans cette nouvelle Chambre. Vraiment, le destin nous réserve quelquefois de très curieuses surprises.
Quoi qu'il en soit, je réitère que je suis très heureux d'être là et d'avoir la possibilité de m'exprimer aujourd'hui à l'occasion de ce premier test de collaboration, qui nous est proposé par le Parti conservateur. Je parle d'un premier test de collaboration, car que nous demande-t-on?
Ce qu'on nous demande, au-delà des mots — je reviendrai sur les mots dans quelques instants —, c'est l'occasion de créer un comité ad hoc sur les relations sino-canadiennes afin que nous puissions éventuellement trouver des moyens ensemble d'améliorer ces relations.
Manifestement, je suis obligé de dire que cela me semble être une bonne idée. Il me semble que c'est une bonne idée, dans un gouvernement minoritaire, de chercher à collaborer avec l'ensemble des formations politiques. Il me semble que c'est une bonne idée de s'asseoir, dans un comité parlementaire, et de chercher des solutions à une problématique qui est réelle. Personne ne peut nier que les relations entre la Chine et le Canada, qui étaient jusqu'à tout récemment excellentes, se sont considérablement détériorées ces dernières années. On pourra épiloguer longuement sur les raisons pour lesquelles les relations se sont détériorées, mais, chose certaine, on peut constater que les relations entre la Chine et le Canada se sont détériorées.
Il y a un problème. Une fois qu'on prend conscience du problème, que fait-on? On peut faire comme l'a fait le gouvernement libéral pendant un certain temps, c'est-à-dire fermer les yeux et laisser vacant pendant huit mois le poste d'ambassadeur du Canada à Pékin. Je dis bien pendant huit mois.
Ce n'est pas une façon de trouver des solutions. Dans une situation où le gouvernement est minoritaire, on doit faire appel à l'ensemble de la bonne volonté de la Chambre. Nous nous assoyons ensemble et nous cherchons des solutions. C'est essentiellement l'esprit de la motion que nous avons sous les yeux.
Je vais reprendre chaque élément de la motion. Une fois qu'on a bien compris l'esprit de la motion, il faut s'attarder plus attentivement à la lettre de la motion.
Que, compte tenu de la crise diplomatique qui perdure avec la Chine, la Chambre nomme un comité spécial chargé de tenir des audiences servant à examiner tous les aspects des relations sino-canadiennes, y compris ceux qui ont trait aux relations consulaires, économiques et diplomatiques, au droit et à la sécurité:
Jusque-là, il n'y a pas de problème. Cela revient à peu près à ce que je viens de dire.
a) que le Comité soit composé de 12 membres, dont six proviendront du parti ministériel, quatre de l'opposition officielle, un du Bloc québécois et un du Nouveau Parti démocratique;
C'est pratiquement la composition des comités permanents. Jusque-là, il n'y a donc pas de problème non plus. Personne n'a rien à y redire.
b) que les changements apportés à la composition du comité entrent en vigueur dès le dépôt de l'avis du whip auprès du greffier de la Chambre;
C'est une pratique usuelle. Jusque-là, il n'y a pas de problème.
c) que les membres du Comité puissent se faire remplacer au besoin, conformément à l'article 114(2) du Règlement;
Encore une fois, il s'agit d'une pratique usuelle. Il n'y a rien à dire de ce côté.
d) que les membres soient nommés par le whip de leur parti respectif par dépôt, auprès du greffier de la Chambre, de la liste des membres qui siégeront au comité au plus tard le 15 janvier 2020;
Il me semble que c'est logique.
e) que le greffier de la Chambre convoque une réunion d'organisation du comité au plus tard le 20 janvier 2020;
Encore une fois, il me semble que c'est logique. Comme on peut le voir, tout va bien jusqu'à présent. Cela me rappelle la blague suivante: un homme tombe du 20e étage. Pendant qu'il tombe, il passe devant le 10e étage. Lorsque la personne au 10e étage lui demande si ça va, il lui répond que, jusque-là, tout va bien.
f) que le Comité soit présidé par un membre du parti ministériel;
Je ne vois pas ce que le Parti libéral aurait à redire à ce sujet. Encore une fois, jusque-là, tout va bien.
g) que nonobstant l'article 106(2) du Règlement, outre le président, le Comité compte un vice-président de l'opposition officielle, un vice-président du Bloc québécois et un vice-président du Nouveau Parti démocratique;
Dans un esprit de collaboration, je dois dire que cela semble logique. Jusque-là, tout va bien.
h) que le quorum du Comité soit conforme aux dispositions de l'article 118 du Règlement, et que le président soit autorisé à tenir des séances afin de recevoir et de publier des témoignages en l'absence de quorum, si au moins quatre membres sont présents, dont un membre de l'opposition et un membre du gouvernement;
Encore une fois, il s'agit d'une pratique usuelle. Jusque-là, tout va bien.
i) que le Comité dispose de tous les pouvoirs que le Règlement confère aux comités permanents, ainsi que le pouvoir de voyager, accompagné du personnel nécessaire, à l'intérieur et à l'extérieur du Canada;
Si nous voulons nous pencher sur les relations sino-canadiennes, c'est logique que nous puissions éventuellement nous déplacer. Jusque-là, tout va bien.
j) que le Comité dispose du pouvoir d'autoriser la diffusion vidéo et audio d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;
À mon avis, cela est logique.
J'ai lu presque tous les éléments de la motion. Selon moi, aucun de ces éléments ne devrait poser problème au gouvernement. Il reste l'alinéa k).
k) que le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Sécurité publique et l'ambassadeur du Canada en Chine soient, à l'occasion, convoqués à témoigner devant le Comité, au moment qui conviendra au Comité.
J'ouvre une parenthèse pour dire que je présume que nos amis chinois écoutent attentivement les délibérations d'aujourd'hui. Je suppose qu'ils sont très intéressés par ce que nous disons. Je suis obligé de leur dire qu'il y a peut-être des problèmes entre le Canada et la Chine. Il faut que nous nous penchions là-dessus afin de trouver des solutions.
Il y a également des problèmes internes concernant la politique canadienne. Malheureusement, il y a parfois une volonté des partis de marquer des points politiques. Sans vouloir prêter d'intentions à mes collègues du parti conservateur, je pense que le point k) démontre une volonté de marquer des points politiques, puisqu'il vise à contraindre le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et l'ambassadeur du Canada en Chine à témoigner. Cela pousse vraisemblablement le Parti libéral à s'y opposer, ce qui permet au Parti conservateur de déchirer sa chemise. Comment cela nous permet-il d'améliorer les relations entre la Chine et le Canada? Cela ne nous aide pas du tout.
Le Parti conservateur marquera probablement des points dans l'opinion publique en disant à quel point les libéraux ne sont pas gentils de ne pas accepter une motion aussi raisonnable. Effectivement, j'ai lu chacun des éléments de la motion, et ils sont tous parfaitement raisonnables. Il n'y a aucune raison plus plausible qu'une boule de neige en enfer de refuser une telle motion. Cela tombe sous le sens. Cependant, avec le point k), les conservateurs ont manifestement voulu embarrasser le gouvernement libéral. Cela amènera le gouvernement libéral à dire que cette motion n'a pas de bon sens et qu'on ne fera pas comparaître le premier ministre. On répondra: « Pourquoi pas? ». Cependant, n'est-ce pas aux membres du comité de déterminer qui devra témoigner devant eux? Il me semble qu'on aurait dû laisser aux membres du comité le soin de déterminer leur liste de témoins.
Pourquoi chercher à embarrasser le gouvernement en exigeant trois témoins, à savoir le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et l'ambassadeur du Canada en Chine? Si c'était une façon de s'assurer que cette motion très raisonnable ne sera pas adoptée, il ne s'agit pas d'une façon très raisonnable de procéder. Si l'objectif final est de trouver des solutions au problème des relations difficiles entre la Chine et le Canada, il faut s'asseoir et trouver des solutions.
Comme je le disais d'entrée de jeu, c'est un test de collaboration. Il s'adresse au gouvernement libéral, bien sûr, mais aussi au Parti conservateur. Si celui-ci acceptait de retirer le point k), je pense qu'il n'y aurait aucune objection à ce que cette motion soit adoptée unanimement par la Chambre des communes. Nous avons l'obligation de répondre au mandat que nous ont confié les Québécois et les Québécoises de même que les Canadiennes et les Canadiens, soit celui de faire fonctionner le Parlement. Je le répète, il s'agit ici de notre premier test. J'en appelle au gouvernement libéral et à l'opposition officielle d'être à la hauteur du défi que l'opposition officielle elle-même vient de nous lancer. Cela exige de la maturité et un sens des responsabilités.
Comme le disait le leader à la Chambre du Bloc québécois dans une conversation que nous avons eue il y a quelques instants, il faut se demander ce qui est le plus dommageable pour les relations entre la Chine et le Canada. Est-ce la création d'un comité au moyen duquel nous allons chercher des solutions pour améliorer les relations entre les deux pays, ou est-ce une déclaration du ministre des Affaires étrangères selon laquelle c'est l'arbitraire total qui règne à Pékin dans le cas des deux Canadiens emprisonnés?
Alors, quand le gouvernement accuse l'opposition de vouloir mettre de l'huile sur le feu avec cette motion, je pense qu'il devrait d'abord se regarder dans la glace et constater qu'au-delà de la rhétorique, il n'y a rien de déraisonnable dans cette motion. J'en ai fait la lecture.
Donc, j’en appelle au gouvernement pour qu’il fasse preuve de maturité et de sens des responsabilités et pour qu’il donne une chance à la collaboration entre les partis de la Chambre. J’en appelle à l’opposition officielle. Si elle est sérieuse dans sa volonté de collaborer, qu’elle retire ce défi qu’elle lance au gouvernement avec le point k). Faisons en sorte de travailler ensemble, dressons la liste des témoins. Si cette liste doit comprendre le nom du premier ministre, celui du ministre des Affaires étrangères et celui de l’ambassadeur du Canada, eh bien, qu’il en soit ainsi. Que l'opposition ne donne pas un prétexte au gouvernement pour refuser le tout, pour jeter le bébé avec l’eau du bain, en imposant le point k).
Je parlerai maintenant des relations entre la Chine et le Canada, puisqu’il me reste quatre minutes. Le Canada, qui s’érige toujours en modèle de vertu partout dans le monde, a toujours défendu la protection des droits de la personne, jusqu’à ce qu’un précédent gouvernement libéral, celui de Jean Chrétien, décide de mettre l’accent sur la promotion commerciale. L’argument était qu'en commerçant, on allait amener naturellement ces gens à épouser nos façons de faire. En effet, le niveau de vie allait augmenter et s'ensuivrait un accroissement de la demande au chapitre de la consommation et sur le plan du respect des droits de la personne.
Deux décennies plus tard, que peut-on tirer comme conclusion de cette stratégie? Manifestement, il faut conclure, compte tenu des difficiles relations sino-canadiennes actuelles, que ce n’était peut-être pas cela qu’il fallait mettre en avant. On voit devant quelle impasse nous nous retrouvons aujourd’hui. Je pense qu'il y avait de bonnes intentions derrière ce changement de politique mis en œuvre par le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Je pense qu'on était profondément convaincu qu’on amènerait les changements par le commerce. Ce n’est pas en invoquant de façon incantatoire les droits de la personne qu’on allait véritablement changer les choses dans les faits. Ces changements passaient, pensait-on, par le commerce. L’impasse devant laquelle nous nous trouvons présentement démontre que ce n’était peut-être pas la voie à suivre. Or, quelle est la voie à suivre? Je crois en la sagesse collective de cette institution pour que nous puissions trouver les voies à suivre.
C’est pourquoi je pense fondamentalement qu'indépendamment du point k), la motion présentée par l’opposition officielle est une invitation à faire appel à la sagesse collective de cette institution pour que nous puissions trouver la voie à suivre afin d'améliorer les relations avec ce pays, qui ont toujours été bonnes. Il suffit de penser à l’héritage Henry Norman Bethune, ou à l’héritage du père de l’actuel premier ministre, qui a permis aux relations sino-canadiennes d’être excellentes jusqu’à tout récemment.
J’implore le gouvernement libéral de changer son attitude par rapport à la motion conservatrice, et j’implore l’opposition officielle de retirer le point k) pour que nous puissions adopter unanimement cette motion et faire en sorte d’aller chercher le meilleur de chacun et de chacune d’entre nous afin d'améliorer les relations commerciales et politiques avec ce grand pays qu’est la République populaire de Chine.