Monsieur le Président, c'est merveilleux d'entreprendre ce débat avec la coopération de tous les partis. C'est d'ailleurs ce qu'il va nous falloir à mesure que nous progresserons.
Je vais partager mon temps de parole avec le député de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, dont la circonscription est voisine de la mienne. Je crois que les autres députés aimeront travailler avec lui. Qu'ils écoutent son discours un peu plus tard. Il sera un ajout positif à la Chambre.
Je tiens à remercier la ministre; l'équipe; le négociateur, Steve Verheul; et tous ceux qui ont travaillé derrière la scène, comme Andrew Leslie, le député de Malpeque, Mark Eyking et les autres membres du comité du commerce. Il y a tous ces gens, comme le député d'Oshawa, qui est assis juste à côté de moi. Des efforts énormes ont été déployés pour que ce soit un véritable travail d'équipe et pour que tous comprennent bien l'importance de cet accord, pas seulement ici au pays, mais aussi aux États-Unis.
Je sais que les membres de l'équipe ont fait de leur mieux. Cela dit, il y a des lacunes et des problèmes, et c'est pourquoi nous devons faire preuve de diligence et procéder à cet exercice. Nous procéderons d'ailleurs comme nous l'avons fait lors de la réunion d'information de cette semaine. Le député de Chicoutimi—Le Fjord a rappelé que l'aluminium produit au Canada — et notamment dans sa circonscription — est le plus écologique au monde. Il a fait remarquer au négociateur Steve Verheul que cela cadrait parfaitement avec le chapitre sur l'environnement, alors pourquoi ne pas y voir à l'étape de la mise en œuvre? On voyait bien que le négociateur n'y avait pas pensé, mais qu'il trouvait que c'était une bonne idée.
C'est le genre de choses que nous pouvons faire si nous travaillons ensemble et si nous disposons de séances d'information et de documents appropriés pour résoudre ou atténuer certains problèmes, ou pour récupérer des occasions manquées dans le cadre de cet accord.
Nous entamons aujourd'hui le débat sur le projet de loi C-4, qui mettra en œuvre le nouvel ALENA. Comme l'a dit le président Trump lui-même, cet accord a été entièrement négocié à ses conditions, ce qui me semble exact. C'est triste, mais je pense que c'est ce qui s'est passé. En réalité, le président Trump a négocié un accord avec le Mexique et a mis le Canada devant le fait accompli. C'est décevant et on aurait pu faire les choses autrement.
La bonne nouvelle est qu'après un débat rigoureux au Parlement et en comité, le Canada continuera à avoir un accord avec son principal partenaire commercial. La mauvaise nouvelle est qu'il a été négocié par le gouvernement libéral, qui a multiplié les concessions aux États-Unis et au Mexique. Certes, nous avons un accord, mais il aurait pu être plus avantageux pour nous.
Si cet accord avait été bien négocié, l'Amérique du Nord aurait été bien placée pour devenir la zone la plus concurrentielle du monde pour les 50 prochaines années. Si les entreprises des États-Unis, du Canada et du Mexique avaient collaboré et misé sur leurs forces comme cela s'est fait par le passé, l'Amérique du Nord aurait pu concurrencer n'importe quelle région de la planète. Ce n'est toutefois pas ce qui s'est produit. Dans les faits, nos entreprises devront plutôt composer avec encore plus d'obstacles, de bureaucratie et d'embêtements. C'est décevant.
Le gouvernement libéral a mal géré l'accord, et cela coûtera malheureusement cher aux contribuables, puisque nous devrons mettre des plans en place pour les secteurs et les industries qui ont été délaissés. Pendant la campagne électorale, nous avons pu entendre le président Trump parler très clairement, dans les États de la « rust belt », des gens qui auraient supposément perdu leur emploi à cause des accords commerciaux précédents. Il n'a pas mentionné tous les facteurs qui ont entraîné ces changements, comme la modernisation et la robotisation; l'idée qui restait, c'était que des gens avaient été laissés pour compte. Nous ne pouvons pas abandonner des gens. Dans le contexte d'un nouvel accord, nous ne pouvons pas laisser tomber des secteurs. C'est pourquoi il nous faut les documents et les processus appropriés pour examiner l'accord, faire de notre mieux pour atténuer ses effets négatifs, et créer un plan pour les personnes touchées.
Cela dit, je tiens à dire clairement que notre parti souhaite l'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique et qu'il l'appuie. Certains enjeux sont trop importants pour les jeux partisans.
Les États-Unis demeurent notre principal partenaire commercial, et l'ALENA a été bénéfique pour le Canada. Il est à l'origine d'échanges commerciaux transfrontaliers qui se chiffrent à 2 milliards de dollars par jour, ce qui représente 75 % de toutes les exportations canadiennes. En 2018, les investissements directs américains au Canada ont dépassé les 400 milliards de dollars, ce qui est énorme. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, plus de 5 millions d'emplois ont été créés, et le commerce trilatéral a quadruplé pour atteindre 1,2 billion de dollars. Qui prétend que le commerce ne fonctionne pas? Voilà bien la preuve que le commerce fonctionne.
La majorité des grandes associations industrielles au Canada souhaitent nous voir ratifier cet accord. Les premiers ministres provinciaux ont publié une déclaration commune nous exhortant à le ratifier rapidement, mais il est de notre devoir démocratique d'examiner cette mesure législative, et nous devons faire preuve de la diligence requise. Il est d'autant plus important de le faire que le gouvernement refuse toujours, 50 jours après la formulation de notre demande, de publier son analyse des répercussions économiques du nouvel ALENA.
On dirait que le gouvernement a quelque chose à cacher, ce qui est probablement le cas, car, même si la majorité des industries appuient l'accord, nombre d'intervenants ont exprimé des réserves et aimeraient obtenir des précisions sur les effets de cet accord sur leur industrie.
La Chambre de commerce du Canada veut plus de détails, notamment au sujet des dispositions sur la propriété intellectuelle. L'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire veut s'assurer que les changements n'auront pas d'effets négatifs sur les producteurs qu'elle représente. L'organisme Manufacturiers et exportateurs du Canada veut savoir quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour que le Canada ait un niveau de productivité comparable à celui des autres pays de l'OCDE, de façon à maintenir son niveau de compétitivité en l'Amérique du Nord. Ces intervenants veulent aussi savoir quelles seront les répercussions des concessions sur le secteur canadien de l'aluminium.
Cet accord présente des lacunes et des occasions manquées qui sautent aux yeux.
Premièrement, l'industrie laitière canadienne est probablement celle qui perdra le plus dans le cadre de cet accord, puisque le pourcentage du marché canadien ouvert aux importations est maintenant de 3,6 %. Les classes de lait 6 et 7 ont été éliminées. C'est un changement majeur. Ces catégories étaient très importantes pour les producteurs laitiers. C'était une façon d'ajouter de la valeur à leurs produits laitiers, et ils ont maintenant perdu cette possibilité.
L'accord impose des seuils précis aux exportations canadiennes de concentrés de protéines de lait, de lait écrémé en poudre et de préparations pour nourrissons partout dans le monde. Si l'industrie croît et veut augmenter ses exportations ou si elle a de tels produits excédentaires à exporter, elle doit respecter des contingents. Si l'industrie dépasse ces seuils, le Canada doit appliquer des droits de douane aux produits exportés en surplus. Ces produits deviennent plus dispendieux, ce qui les rend non concurrentiels sur le marché de l'exportation. C'est une concession inédite pour le Canada. Il faut absolument en étudier toutes les répercussions. Sans oublier qu'un précédent a été créé pour les futurs accords commerciaux.
C'est à une partie de notre souveraineté que nous avons renoncé. Si nous voulons conclure une entente avec un pays n'ayant pas une économie de marché, comme la Chine, nous allons devoir demander la permission à Big Brother, les États-Unis. C'est insensé. Je parle d'un marché en croissance avec lequel nous devons établir des liens commerciaux. Il faut trouver une façon d'entretenir de bonnes relations avec la Chine. Nous ne devrions pas avoir à nous soucier des États-Unis et de leurs problèmes avec la Chine. Nous ne devrions pas nous laisser entraîner dans ces différends. Le Canada doit établir sa propre relation avec la Chine, et cette disposition pourrait lui rendre la tâche plus difficile.
Deuxièmement, les occasions manquées dans cet accord sont nombreuses. L'aluminium ne profite pas des mêmes dispositions que celles sur l'acier. Pour être défini comme nord-américain, l'acier doit être fondu et coulé dans l'un des trois pays signataires. Nous ne savons pas pourquoi l'aluminium a été exclu. Pourquoi n'a-t-il pas été traité de la même façon que l'acier? On en vient à penser que les États-Unis et la Chine voulaient peut-être que l'aluminium chinois passe par le Mexique.
Concernant l'admission temporaire des gens d'affaires, la liste des professionnels qui se trouve dans le chapitre 16 n'a pas été élargie aux professions du XXIe siècle. Pourquoi? Nous aurions pu ajouter tout un tas de nouveaux emplois en lien avec le secteur de la haute technologie et des services. Nous ne l'avons pas fait.
La question de la politique d'achat aux États-Unis, Buy American, n'a pas été réglée. Le Mexique a un chapitre sur le sujet, mais pas nous.
Les travailleurs de notre secteur forestier souffrent. Ils traversent des moments difficiles. On aurait dû en parler dans le cadre de l'accord. Je crois comprendre que nous avons déposé une plainte à l'OMC. Je crois aussi comprendre que l'Organe d'appel de l'OMC est plus ou moins bloqué en ce moment à cause du refus des États-Unis de nommer des juges. Qui en paie le prix? Les travailleurs du secteur forestier de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick qui ont été mis à la porte en raison du déclin du marché, lequel s'explique par les tarifs douaniers injustes et illégaux imposés par le gouvernement américain.
Troisièmement, le gouvernement libéral a fait des concessions qui continueront de créer une part d'incertitude pour les entreprises. Le chapitre sur le règlement des différends entre investisseurs et États a été supprimé et il n'y a plus de protections contre les changements politiques aux États-Unis et au Mexique. La disposition de caducité prévoit un examen officiel de l'accord tous les six ans. L'accord vient à échéance dans 16 ans, à moins d'être renégocié avant. Je le répète encore une fois, de tels cycles compliquent vraiment les choses pour les propriétaires d'entreprise qui veulent planifier et cela crée de l'instabilité.
Je pourrais parler de beaucoup d'autres éléments dans cet accord, mais je crois qu'il ne me reste qu'une minute, alors je vais profiter de mon temps de parole en comité pour le faire.
Je tiens toutefois à ajouter une chose. Nous n'insistons pas trop, parce que les entreprises et les collectivités nous disent que nous avons besoin d'un accord avec les États-Unis pour assurer la stabilité, et nous allons le leur donner. L'accord sera adopté, mais il faut absolument déterminer qui seront les perdants. Le gouvernement doit avoir un plan solide, qu'il s'agisse d'offrir des compensations ou de la formation, de trouver de nouveaux marchés ou de prévoir des réaffectations. Il se peut qu'il soit nécessaire d'avoir des solutions différentes pour chaque secteur, mais le gouvernement doit avoir un plan.
J'ai hâte de participer aux travaux du comité pour cerner les secteurs touchés, donner l'occasion à leurs représentants de parler des répercussions que cela aura sur eux et essayer de trouver des solutions afin que nous puissions aller de l'avant. Au final, les entreprises canadiennes en sortiront gagnantes, mais il reste que l'accord aurait pu être plus avantageux.