Madame la Présidente, c'est un grand plaisir de parler aujourd'hui de cette importante mesure législative, le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.
J'attache beaucoup d'importance à ce projet de loi, car j'ai vu de mes propres yeux les nombreux obstacles auxquels les femmes et les Canadiens sont confrontés lorsqu'ils sont victimes de violence sexuelle.
Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises dans cette enceinte, avant d'entrer en politique, j'étais une travailleuse sociale de première ligne. Pendant plus de 23 ans, j'ai travaillé au sein du service régional de Codiac de la GRC en tant que coordinatrice des services aux victimes. Pendant cette période, j'ai eu le privilège d'accompagner de nombreux survivants de violence sexuelle dans des moments très difficiles.
Au sein de la GRC, une partie de mon travail consistait à aider les policiers à mener ce type d'enquêtes et à aider les victimes à se retrouver dans un système très complexe, à les préparer en vue du procès et souvent à les accompagner au tribunal. J'ai eu le privilège d'accompagner des milliers de victimes qui ont vécu ces situations très difficiles. J'aimerais pouvoir dire ici aujourd'hui que je n'ai jamais entendu de juge formuler des commentaires inappropriés, mais ce n'est pas le cas. J'ai été personnellement témoin de certains traitements subis par les victimes. Voilà pourquoi je suis si ravie que ce projet de loi progresse. Je suis heureuse de constater que l'ensemble des députés l'appuient.
S'il est adopté, le projet de loi permettra de former les juges des cours supérieures qui instruisent les causes d'agression sexuelle afin qu'ils ne soient pas influencés par des mythes ou des stéréotypes préjudiciables qui persistent encore dans notre société. Il permettra aussi de mieux comprendre le contexte social entourant ce type de crime dans notre pays. Une telle formation servira aussi à nous assurer que les juges appliquent la loi en respectant la dignité et la réalité des survivants ainsi que des survivantes. Cette formation assurera également qu'ils sont bien outillés pour rendre des décisions de façon équitable et impartiale.
De plus, ce projet de loi obligera les juges à expliquer par écrit leur décision finale dans les affaires d'agression sexuelle. Cela contribuera à rendre le procès plus ouvert et transparent.
L'agression sexuelle est une forme de violence fondée sur le sexe. C'est l'un des crimes les moins signalés au Canada. Quand j'étais travailleuse de première ligne, on disait souvent que moins de 6 % des survivants osaient porter plainte. Aujourd'hui, à la Chambre, nous avons entendu que ce serait plutôt 5 %. Nous savons donc que ce crime passe véritablement sous silence. Malheureusement, la violence fondée sur le sexe est une des violations des droits de la personne les plus répandues et les plus profondément ancrées de notre époque. Nous ne devons pas oublier qu'elle est toutefois évitable à 100 %.
J'aimerais parler des efforts concertés du gouvernement du Canada pour lutter contre ce type de violence et la prévenir, car le projet de loi C-5 n'est qu'un des aspects importants d'une vaste série d'initiatives conçues pour mieux soutenir les survivants et leurs familles, en plus de promouvoir des systèmes juridique et judiciaire adaptés aux besoins.
Premièrement, je me permets d'expliquer ce qu'est la violence fondée sur le sexe.
Ce type de violence est dirigé contre une autre personne en fonction de son identité ou de son expression de genre, ou encore de l'identité ou de l'expression de genre qu'on lui prête. La violence fondée sur le sexe est liée aux injustices sexuelles, à la dynamique inégale du pouvoir et aux normes et comportements sexuels néfastes. La violence fondée sur le sexe est décuplée par les autres formes de discrimination.
Les femmes et les filles, les femmes racialisées, les lesbiennes, les gais, les bisexuels, les Autochtones et les personnes handicapées courent un risque accru de subir la violence fondée sur le sexe. Les personnes transgenres et bispirituelles, ainsi que les personnes de diverses identités de genre se heurtent aussi à des taux plus élevés de violence au Canada.
Au Canada, la violence fondée sur le sexe demeure omniprésente. Selon les données recueillies par Statistique Canada, de 2008 à 2018, plus de 700 femmes ont été tuées par leur partenaire intime au Canada. En 2018, une femme sur trois a été victime de comportements sexuels non désirés en public. Ces chiffres sont déjà terrifiants en soi, mais la réalité des femmes et des filles autochtones est encore pire. En 2018, le taux d'homicide a été presque sept fois plus élevé chez les femmes et les filles autochtones que chez les femmes et les filles non autochtones.
Face à ce tableau sombre, le gouvernement a pris des mesures.
En 2017, le gouvernement du Canada est passé à l'action en lançant la toute première stratégie fédérale pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe intitulée « Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe ».
La Stratégie investit plus de 200 millions de dollars dans des initiatives fédérales, afin de prévenir la violence fondée sur le sexe, de soutenir les survivants et les survivantes ainsi que leur famille et de promouvoir des systèmes judiciaires et juridiques plus réactifs.
La Stratégie contre la violence fondée sur le sexe est la toute première stratégie fédérale de ce type, car elle requiert une approche pangouvernementale et elle s'inspire du militantisme communautaire et de l'action féministe.
Nous avons écouté les survivants et les organismes de défense des femmes et de promotion de l'égalité qui, partout au pays, travaillent inlassablement pour lutter contre la violence fondée sur le sexe au sein de leurs collectivités. J'aimerais donner quelques exemples d'initiatives relevant de la Stratégie qui ont été inspirées par leur voix.
Dans le cadre de la Stratégie, l'Agence de la santé publique du Canada investira plus de 40 millions de dollars sur 5 ans, puis au-delà de 9 millions de dollars par année par la suite. Elle investira notamment dans des initiatives qui visent à prévenir les mauvais traitements contre les enfants et la violence dans les fréquentations chez les adolescents et les jeunes, ainsi qu'à outiller les professionnels de la santé afin qu'ils puissent répondre à la violence fondée sur le sexe.
Par exemple, l'Agence de la santé publique du Canada finance des projets grâce auxquels de jeunes Canadiens apprennent à développer et à maintenir des relations saines, qui sont exemptes de violence et de mauvais traitements. Les éducateurs disposent également de nouveaux outils pour accroître leur capacité à fournir des conseils de ce genre aux jeunes Canadiens.
Enseigner aux adolescents canadiens ce qu'est une relation saine contribue également à favoriser des liens positifs, à changer les mentalités et à promouvoir l'égalité des sexes. Cela permet de favoriser une meilleure compréhension et, en fin de compte, de rendre la société plus sûre pour les jeunes d'un bout à l'autre du pays.
En outre, l'Agence de la santé publique du Canada investit plus de 6 millions de dollars par an afin de protéger la santé des survivants de la violence familiale. Autres projets financés, ceux qui visent à améliorer la santé physique et mentale des jeunes et des enfants, à aider les mères victimes de violence familiale à comprendre les répercussions de la violence sur leur rôle parental et le développement de leurs enfants, à renforcer l'estime de soi des mères et à améliorer leurs compétences parentales et relationnelles positives ainsi qu'à renforcer la résilience et les aptitudes à la vie quotidienne des jeunes femmes.
Tout comme le projet de loi C-5 se propose de former les juges, dans le cadre de la stratégie, nous formons les agents de première ligne de la GRC afin qu'ils puissent mieux comprendre le contexte social entourant la violence fondée sur le sexe. L'objectif est que les survivants osent davantage dénoncer leurs agresseurs et que les agents comprennent mieux leur situation.
Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent les progrès constants de la stratégie.
Dans le cadre de la Stratégie, nous travaillons en étroite collaboration avec tous les niveaux de gouvernement, y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que plusieurs ministères et organisations. Nous mettons en commun nos ressources pour renforcer notre capacité à soutenir les personnes touchées par la violence fondée sur le sexe dans les communautés partout au Canada.
Nous travaillons à l’établissement d’un plan national dont l’objectif est de s’assurer que toute personne confrontée à la violence fondée sur le sexe dispose d’une protection et de services fiables et opportuns, quels qu’ils soient et peu importe où vit la personne.
Je pourrais continuer à parler de nos réalisations et des efforts incessants que nous déployons, mais je conclus en disant que la stratégie du Canada pour prévenir la violence fondée sur le sexe continue d'être mise en œuvre parce que nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire.
Nous devons appuyer pleinement le projet de loi C-5. Nous comptons sur tous les députés pour nous aider à poursuivre ce travail crucial visant à mettre fin à la violence fondée sur le sexe au sein de nos communautés.