propose:
Que la Chambre s'ajourne maintenant.
— Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Kamloops—Thompson—Cariboo.
J'interviens ce soir pour parler d'une urgence économique nationale, soit l'annulation du projet de sables bitumineux Frontier de la société Teck, évalué à 20 milliards de dollars. Je rappelle que ce projet avait pourtant été recommandé il y a sept mois par un groupe mixte d'experts, qui y voyait un projet d'intérêt public national. L'annulation du projet Frontier de Teck va se traduire par la perte de 10 000 emplois en Alberta seulement, des emplois dont cette province a grandement besoin. En outre, l'ensemble des 14 communautés autochtones de la région vont être privées des accords qu'elles réclament depuis longtemps en matière de possibilités économiques, d'éducation et de formation professionnelle. L'annulation du projet met un terme aux 70 milliards de dollars de recettes potentielles dont les trois ordres de gouvernement auraient pu bénéficier et se servir pour financer des services et des programmes pour toute la population canadienne.
On pourrait croire que les questions liées à l'industrie pétrolière et gazière ne touchent que l'Alberta et la Saskatchewan, mais le secteur de l'énergie dans son ensemble est le plus grand investisseur du secteur privé pour toute l'économie canadienne. La Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, les provinces de l'Atlantique et tous les territoires disposent de ressources pétrolières et gazières tant sur terre qu'en mer, dont certaines sont inexploitées, et cette industrie en soutient aussi diverses autres à divers degrés.
Le Canada devrait être fier d'abriter les troisièmes plus grandes réserves de pétrole au monde. Les Canadiens devraient également savoir que 97,3 % de ces réserves se situent dans les sables bitumineux, de sorte que l'avenir pétrolier du Canada dépend de l'avenir des sables bitumineux. Chaque emploi dans l'industrie des sables bitumineux permet de créer cinq emplois dans d'autres secteurs économiques et dans d'autres provinces.
Les plus grands fournisseurs pour les sables bitumineux se trouvent en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. En 2017, les entreprises de sables bitumineux ont dépensé, malgré toutes les pertes, 1,9 milliard de dollars pour acheter des biens et des services à plus de 1 100 entreprises de l'Ontario. Ce qui est alarmant, c'est que cela représente une diminution de 45 % par rapport à ce qui avait été dépensé en Ontario en 2014, avant l'arrivée au pouvoir des libéraux et la mise en œuvre de leur plan visant à « mettre fin graduellement à l'exploitation des sables bitumineux », pour reprendre les mots du premier ministre. En 2014, neuf emplois à temps plein sur dix créés au Canada l'étaient par l'Alberta, offrant ainsi des débouchés pour tous au pays et dans le monde, grâce à la vigueur du secteur de l'énergie. La plupart des Ontariens seraient surpris d'apprendre que la contribution des entreprises du secteur du pétrole et du gaz à l'économie de l'Ontario représente plus de la moitié de celle de l'industrie automobile. Au cours des dix prochaines années, le pétrole et le gaz pourraient générer 12 milliards de dollars en recettes fiscales pour les programmes et les services qui sont chers aux Ontariens.
Le gagne-pain de nombreux Québécois dépend aussi des sables bitumineux, car environ 400 entreprises de la province sont des fournisseurs directs de cette industrie en Alberta. Les recettes fiscales du fédéral provenant des revenus des Albertains de souche et des Albertains transplantés qui travaillent dans le secteur énergétique sont redistribuées dans l'ensemble du pays. Comme me le rappellent les membres de ma famille et mes amis du Canada Atlantique, la marée montante soulève tous les bateaux.
En 2018, la contribution du secteur du pétrole et du gaz au PIB du Canada était encore sept fois plus grande que celle du secteur de la fabrication automobile et 15 fois plus importante que celle du secteur de l'aérospatiale, et ce malgré la chute colossale des investissements et des activités. Les Albertains et les conservateurs ne veulent pas mettre de bâtons dans les roues des autres provinces, des territoires et des industries du Canada. Nous voulons la prospérité pour tous. Par contre, les attaques des libéraux contre le secteur pétrolier et gazier, leur projet de loi C-69 anti-ressources et anti-entreprises, leur projet de loi C-48 relatif à l'interdiction de la navigation pétrolière, l'interdiction de forage, les entraves au développement, leur norme sur les carburants, les nouvelles taxes qui s'accumulent, la bureaucratie et l'incertitude constante et croissante, tout cela nuit à l'ensemble de l'économie canadienne.
Des projets pétroliers et gaziers de près de 200 milliards de dollars ont été annulés ou sont bloqués, et 200 000 travailleurs dans ces secteurs ont perdu leur emploi depuis 2015, une fuite de capitaux qui équivaut aux pertes d'investissements et d'emplois les plus colossales dans le secteur de l'énergie au cours d'une période de temps comparable en plus de sept décennies. Le projet de la société Teck est le 11e mégaprojet de plusieurs milliards de dollars qu'on annule, et cette société est la dernière sur la liste des 18 qui ont retiré ou gelé leurs actifs dans le secteur énergétique au Canada au cours de la même période. Pour mettre le tout en contexte, disons que ces chiffres équivalent à la perte des secteurs automobile et aéronautique combinés pour le Canada, ce que tous les députés de tous les partis à la Chambre considéreraient, à juste titre, comme une catastrophe économique nationale et une grave crise, et c'est ce que vit l'Alberta depuis des années.
Des titans fondés par des Canadiens comme Encana et TransCanada suppriment « Canada » de leur nom et vont s'établir ailleurs. Des sociétés de forage comme Akita, Trinidad, Ensign, Savanna, Citadel et Precision Drilling ont toutes déménagé leurs plateformes, leur expertise et leurs compétences de classe mondiale aux États-Unis.
Je tiens à mentionner clairement les répercussions disproportionnées qu'ont eues sur l'Alberta les attaques du gouvernement libéral dirigées contre les sables bitumineux.
En date de 2018, les investissements en capitaux dans le secteur ont diminué de 50 %, soit plus qu'au cours des sept dernières décennies, et l'exploitation des sables bitumineux en particulier a connu une baisse encore plus importante, soit près de 70 %.
La plupart des provinces ont vu leur taux de chômage baisser en date de janvier 2019, alors qu'il fait un bond en Alberta.
Le nombre de faillites d’entreprise en Alberta a augmenté de 28 % entre août 2017 et août 2018. Les cas d’insolvabilité d’entreprise dans cette province ont connu une hausse fulgurante de plus de 70 % par rapport à leurs bas niveaux de 2015, tandis qu'on enregistrait une diminution moyenne de 13,5 % pour l'ensemble du pays pendant la même période. Le nombre de logements vacants et le recours aux banques d’alimentation ont atteint des sommets sans précédent.
Les Albertains se demandent pourquoi les pertes d’emploi dans le secteur gazier et pétrolier et toutes les conséquences sociales qui en ont découlé, comme les suicides, l’éclatement des familles et la criminalité, ne semblent pas susciter l’attention soutenue des médias nationaux et des commentateurs. L’annulation du projet de Teck ne fait que s’ajouter à un schéma de crise existant qui s’intensifie depuis 2015.
Pas plus tard qu’en février 2019, les responsables de Devon Energy ont annoncé qu’ils avaient embauché des conseillers pour les aider à vendre leurs actifs de sables bitumineux; ils ont ensuite vendu leurs installations canadiennes à CNRL. Le PDG a affirmé que la vente s’inscrivait dans la « transformation de la société en une entreprise pétrolière américaine en croissance ». D’un mois à l’autre, c’était la même chose en 2019.
Les responsables d’Imperial Oil disent qu’ils ralentissent le développement du projet de sables bitumineux Aspen, d’une valeur de 2,6 milliards de dollars, en raison de l’incertitude du marché et des obstacles à la compétitivité.
Les responsables de Trident Exploration ont annoncé qu’ils mettraient fin à leurs opérations. À l’issue de cette décision, 94 personnes ont perdu leur emploi et une importante quantité de biens pétroliers et gaziers se sont retrouvés sans propriétaire, dont plus de 3 000 puits, 240 installations et 500 pipelines.
Par la suite, la société Husky Energy a supprimé 370 emplois après avoir annoncé qu'elle réduisait ses dépenses en capital de 10 %.
Puis Perpetual Energy a annoncé qu'elle venait de réduire son effectif de 25 %.
Voici les faits: les Albertains n'arrivent pas à voir la lumière au bout du tunnel. L'annulation du projet Frontier de Teck témoigne d'une perte de confiance de plus en plus grande chez les investisseurs à l'égard de l'équité, de la prévisibilité, de l'indépendance et de la certitude du système de réglementation du Canada, de même que de son cadre stratégique et de son économie dans son ensemble.
La société Teck a investi 1 milliard de dollars sur neuf ans, en respectant toutes les exigences d'un processus d'examen rigoureux faisant intervenir diverses autorités compétentes, et son projet a été approuvé. Au cours des mois qui ont suivi, les libéraux ont modifié les règles du jeu, et le ministre de l'Environnement a déclaré que l'approbation politique reposait sur la capacité de la société Teck d'atteindre la cible de zéro émission nette d'ici 2050. La société a pris la mesure sans précédent de s'imposer cet objectif qui va bien au-delà des normes du Canada — qui sont les plus rigoureuses au monde — et de la moyenne dans l'industrie, et qui ne constitue pas une exigence réglementaire et ne se trouve dans aucune loi fédérale. La société s'est également engagée à recycler 90 % des eaux utilisées pour la transformation et à ne pas dépasser la moitié des émissions produites par l'industrie des sables pétrolifères en moyenne.
Le gouvernement de l'Alberta a même accepté d'adopter un plafond d'émissions de 100 mégatonnes pour les sables pétrolifères pour contrer toutes les excuses des libéraux 48 heures avant que la décision de la société Teck d'annuler le projet Frontier soit rendue publique, en raison de préoccupations liées à la sécurité publique et des risques et de l'incertitude politiques au Canada. Ses autres actifs sont dans des pays instables d'Amérique du Sud.
Nous savons tous ce qu'il en est. Dans les dernières semaines, les ministres libéraux ont publiquement laissé entendre qu'ils pourraient reporter la date limite du 27 février et qu'ils tenaient compte de toutes les nouvelles informations qui différaient supposément des points de vue ainsi que des données scientifiques, techniques, environnementales et économiques ayant déjà été évalués par les experts. Des députés libéraux se sont exprimés en public et ont incité les gens à signer des pétitions. Ils ont admis que la majeure partie du caucus s'opposait au projet.
Y a-t-il lieu de s'étonner que le monde entier ne soit pas du tout convaincu qu'il soit encore possible de proposer ou de réaliser un grand projet d'exploitation des ressources naturelles au Canada?
Il ne faut pas se méprendre, car la production pétrolière et gazière du Canada répond aux normes environnementales et sociales les plus élevées au monde. Notre pays a un indice de performance environnementale sans égal de 25, alors que, par exemple, au Nigeria, l'indice est de 100, et en Arabie saoudite, de 86. C'est pour cela qu'on trouve les décisions des libéraux aussi insensées.
Les producteurs de sables bitumineux canadiens sont des chefs de file. Depuis 1990, ils ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre par baril de 32 % par rapport aux autres pays qui exploitent des ressources similaires. Ce sont les plus grands investisseurs canadiens du secteur privé dans les technologies propres, et ce sont des leaders mondiaux en matière de recherche, de développement et d'innovation. Loin d'être une impasse, l'énergie et les sables bitumineux canadiens représentent l'avenir pour le Canada et pour le monde entier.
Cette triste réalité ne fait qu'aggraver la crise d'unité nationale. Les Canadiens de l'Ouest sont conscients qu'il y a une politique de deux poids deux mesures pour les secteurs pétrolier et gazier et que les projets, les industries et les exportations d'autres provinces, ainsi que les importations de pétrole, bénéficient d'exemptions et ne sont pas examinés aussi attentivement.
La force de l'Alberta fait celle du Canada. Il devrait être impensable qu'un premier ministre en exercice s'attaque au moteur, aux industries primaires, d'une province canadienne. Peut-on imaginer un premier ministre disant qu'il tiendrait tête aux grands constructeurs automobiles en Ontario ou aux grosses entreprises de fabrication au Québec? Les Canadiens s'indigneraient à juste titre, tout comme les conservateurs. Cependant, dans cette enceinte, il semble que seuls les conservateurs s'indignent des attaques politiques menées contre le moteur économique et les industries de certaines provinces et régions du pays, des attaques visant à semer la discorde.
Le premier ministre a décidé qu'il est plus important de faire des gains politiques que d'unifier notre pays. Les résultats des élections n'étaient pas surprenants. Le premier ministre s'est contenté de prononcer des discours creux, et voilà où nous en sommes aujourd'hui: en pleine crise économique et nationale.