Monsieur le Président, je suis ravi de me joindre au débat à cette heure tardive.
Je commencerai par le bon proverbe yiddish que voici: « C'est plus facile à dire qu'à faire. » En fait, cela sonne beaucoup mieux en yiddish. Quoi qu'il en soit, ce que propose la motion semble bien beau. Je pense que beaucoup de gens l'appuieraient, c'est normal. Si nous l'appelions « le régime national pour l'épicerie afin de distribuer gratuitement de la nourriture à tout le monde ou de la vendre à prix cassés », c'est évident que beaucoup de monde penserait que c'est une bonne idée.
Nous avons entendu parler du rapport Hoskins. Il parle constamment de « rapport qualité-prix » et de « rapport coût-efficacité ». Beaucoup de députés ont parlé du prix, mais je veux parler de l'accès, de l'accès aux médicaments pour les patients atteints de maladies rares.
Il s'agit actuellement d'une part du libre marché très réglementée. Les sociétés pharmaceutiques, qu'elles soient grandes, petites ou moyennes, sont en concurrence sur un marché rigoureusement contrôlé à la fois par le système des brevets et par les règles régissant le marché des médicaments génériques. C'est extrêmement réglementé. Au Canada, il y a très peu d'acheteurs.
Les députés ministériels ont parlé d'une agence canadienne des médicaments, mais nous avons déjà l'Alliance pancanadienne pharmaceutique qui fait la même chose, et elle offre des rabais. Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord avec le rapport du directeur parlementaire du budget. L'Alliance pancanadienne pharmaceutique offre la même chose que les rabais dont les députés ne cessent de parler concernant les médicaments. En effet, elle y est arrivée en effectuant des achats en gros et en négociant au nom de l'ensemble des provinces.
Ce que je n'aime pas du régime actuel, c'est qu'il y a très peu de surveillance parlementaire. Je prie les députés de me pardonner pour le jeu de mots, mais un régime national d'assurance-médicaments s'apparenterait au fait de gonfler le présent système aux stéroïdes. Les médicaments seraient approuvés et les gouvernements discuteraient ensuite du coût avec les fabricants. Je n'ai encore jamais vu un gouvernement fabriquer un seul médicament ou un seul vaccin. C'est un problème d'accès.
J'ai mentionné Sharon et Joshua Wong, des habitants de ma circonscription, un peu plus tôt. Sharon est atteinte d'une forme très rare de cancer du poumon et elle n'a jamais fumé de sa vie. Il n'y a que 2 % des patients qui ont ce type de cancer, et le sien est encore plus rare. Elle est atteinte d'un cancer du poumon ROS-1 positif. Il existe un médicament au Canada pour ce type de cancer et, heureusement, il est approuvé. Or, il n'est pas remboursé en Alberta.
J'ai parlé à des représentants de Pfizer et du gouvernement de l'Alberta. J'ai aussi parlé directement au sous-ministre adjoint responsable. Personne n'est disposé à faire quoi que ce soit. Bien qu'elle soit en mesure de payer le médicament, Sharon n'y a pas accès. On ne peut avoir accès au médicament tout simplement parce que l'assureur public et le fabricant n'arrivent pas à s'entendre sur son prix. Une famille est prise au piège et un enfant de 13 ans, Jonathan, pourrait perdre sa mère. Ce n'est pas une question de coût. C'est une question d'accès aux médicaments pour les maladies rares. Les choses ne vont qu'empirer.
En ce qui a trait à la fibrose kystique, plusieurs résidants de ma circonscription sont venus me voir au fil des ans pour me parler du fait qu'à deux reprises, l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé a refusé d'approuver l'Orkambi. Ces refus se sont produits en novembre 2017 puis en octobre 2018. Ce médicament a été refusé en raison de critères de qualité-prix, c'est-à-dire de rentabilité. C'est écrit noir sur blanc dans le rapport pharmacoéconomique produit par l'Agence, qui dit que le médicament n'est pas rentable et qu'elle choisit donc de ne pas l'approuver. Or, il est approuvé aux États-Unis. Le système disparate des États-Unis a approuvé son utilisation, et les patients étatsuniens atteints de la fibrose kystique ont accès au Trikafta, à l'Orkambi et au Kalydeco.
Dans ma province, l'Alberta, le ministre de la Santé, l'honorable Tyler Shandro, a réussi à faire approuver le Kalydeco afin qu'il soit remboursable pour les patients albertains, et je l'en remercie. Au moins, certains patients atteints de la fibrose kystique auront accès à ce médicament par l'entremise de leur régime public d'assurance ou de nombreux assureurs privés.
Voici ce qui me pose problème avec le régime national d'assurance-médicaments: avec tout le respect que je dois aux néo-démocrates pour le travail qu'ils font comme parlementaires, le régime d'assurance-médicaments ne règlera pas le problème qu'ils croient qu'il règlera.
J'ai assisté à plusieurs réunions du comité et j'ai écouté les discussions au sujet d'un éventuel régime national d'assurance-médicaments. Les députés qui ont lu les prémisses du rapport Hoskins savent qu'il faudrait que toutes les provinces y participent. Le Québec a indiqué qu'il ne le ferait pas, parce qu'il a la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Le gouvernement de l'Alberta, dans une lettre officielle adressée au ministre des Finances en novembre dernier, a fait savoir qu'il ne participerait pas au régime. L'Alberta a son propre régime et peut se débrouiller seule.
Selon le Conference Board du Canada, le pourcentage de Canadiens n'ayant accès à aucun régime se situe entre 1,6 % et 1,8 %. Ce n'est pas les coûts qui constituent le pire problème, mais le fait qu'ils n'ont pas accès à un régime.
Il a été question d'économies pour les petites entreprises. Les petites entreprises peuvent se joindre à une chambre de commerce. Le réseau des chambres de commerce a un excellent régime de prestations d'assurance-médicaments. Les petites entreprises peuvent s'adresser à une association de professionnels agréés des ressources humaines. J'ai été registraire pour l'une de ces associations avant de devenir député. Une petite entreprise peut s'adresser à une de ces associations afin de trouver un programme de prestations qui lui convient.
Le problème, c'est l'accès. Un régime national d'assurance-médicaments aggraverait le problème, car un système réglementaire ne fonctionne pas pour les patients atteints d'une maladie rare. J'ai un autre exemple à présenter à la Chambre.
Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est, en fait, un conseil de contrôle des prix des médicaments de marque. La consultation qu'il a menée n'était qu'une mascarade. Elle n'incluait pas de groupes de patients. Si les députés souhaitent voir ce qu'on en dit sur Internet, je les invite à chercher dans Google « Canadian Organization for Rare Disorders ». Ils verront que cet organisme a qualifié de mascarade le processus de consultation. Les familles de patients ont été exclues du processus; des rencontres ont été annulées; les organisateurs ne voulaient pas entendre des patients de partout au Canada. Tout cela découragera les grandes et les petites entreprises de venir au Canada pour être inscrites dans les listes des médicaments assurés des provinces. La situation n'aide aucunement les patients. Elle n'aide pas les gens de ma circonscription, ni mes enfants. Je ne suis pas ici pour représenter les grandes pharmaceutiques. Je suis ici pour représenter mes concitoyens et mes enfants, qui sont atteints d'une maladie rare, le syndrome d'Alport. Je connais beaucoup de gens qui en sont atteints. Des compagnies font des essais cliniques de médicaments pour ce syndrome.
C'est aussi à cause des effets qu'il aura sur les familles que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, ce conseil de contrôle des prix, n'est qu'une mascarade. En effet, le nombre d'essais cliniques a chuté d'un tiers au Canada depuis que la ministre de la Santé a annoncé ce qu'elle faisait avec le conseil de contrôle des prix. Le nombre d'essais cliniques a chuté d'un tiers, et il était déjà bas. Voilà le problème.
À ce que je comprends, les libéraux appuieront la motion. En cette période précédant la mise en place d'un programme national, ils préparent le terrain en vue de l'instauration d'un régime d'assurance-médicaments universel à payeur unique même si deux provinces affirment qu'elles ne veulent pas y participer. D'autres pourraient se retirer, ce qui entraînerait une diminution des économies annoncées. Les hypothèses du rapport Hoskins ne tiennent pas compte de toutes ces décisions qui n'ont pas encore été prises de façon définitive par d'autres gouvernements, en plus de laisser tomber les patients atteints de maladies rares.
Le budget de 2019 prévoyait des fonds, mais il n'y avait pas un mot sur la façon de dépenser l'argent — que ce soit une mise en commun des risques ou un régime d'assurance distinct — ni sur les moyens de diminuer les coûts.
Au début mon discours, j'ai parlé du fait qu'il s'agit d'une partie du marché qui est hautement réglementée. Il est difficile de commercialiser un médicament breveté. Toute une série d'obstacles doivent être surmontés. Beaucoup d'entreprises peinent à y arriver. Les entreprises doivent mettre en marché leurs produits avant l'expiration de leurs brevets. Autrement, elles doivent composer avec leurs concurrents. Le système pancanadien actuel, celui de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique, s'appuie sur un pourcentage des médicaments de marque, même en tenant compte de la liste des médicaments génériques et du prix que nous payons.
Personne n'a vraiment parlé de ce qui se passe lorsque le médicament de marque et le médicament générique appartiennent tous les deux à une société pharmaceutique. Si ce n'est qu'une question de pourcentage, pourquoi n'augmenterait-on pas simplement le prix? Il n'y a pas de transparence par rapport aux prix. Lorsque nous achetons des comprimés de la marque Tylenol, nous pouvons voir combien ils nous coûteront. Nous pouvons acheter des comprimés de la marque Advil si nous le voulons. On peut voir les prix facilement. Cependant, il n'y a pas d'indicateurs de prix facilement visibles pour les patients, les organismes de défense des consommateurs, les sociétés pharmaceutiques ou le gouvernement.
J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur un ouvrage intitulé Overcharged: Why Americans Pay Too Much for Health Care, rédigé par Charles Silver et David Hyman. La préface a été rédigée par le doyen de la faculté de médecine de l'Université Harvard. L'ouvrage parle de l'importance de la transparence des prix, ce qui n'existe pas au sein du système actuel. C'est de la cuisine interne. Ce sont les bureaucrates de Santé Canada qui prennent les décisions à huis clos. Si on met en place un régime national d'assurance-médicaments, je crains qu'ils n'obtiennent encore plus de pouvoir pour déterminer quels médicaments seront approuvés.
Tout à l'heure, j'ai entendu le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique parler de la Nouvelle-Zélande. Pour une personne atteinte d'une maladie rare, la Nouvelle-Zélande est le pire pays où vivre. La grande majorité des personnes souffrant d'une maladie rare en Nouvelle-Zélande n'ont pas accès à leurs médicaments. Nous ne voulons pas prendre exemple sur un régime de la sorte.