Madame la Présidente, je remercie mes collègues du NPD de me donner l'occasion de prendre la parole. Je vais partager mon temps de parole avec la députée d'Edmonton Strathcona.
Le tiers des Canadiens qui travaillent n'ont pas de régime d'assurance-médicaments parrainé par l'employeur. Un ménage sur cinq déclare que, au cours de la dernière année, un membre de la famille a renoncé à un médicament sur ordonnance en raison de son prix.
Chaque année, près de 3 millions de Canadiennes et de Canadiens affirment ne pas être en mesure de payer les frais de l'un ou de plusieurs de leurs médicaments prescrits.
Ces statistiques correspondent à ce que j'ai entendu, comme les candidats de tous les partis, en faisant du porte-à-porte au cours de la campagne électorale de 2019. Je suis emballée à l'idée d'instaurer un régime national d'assurance-médicaments et je me réjouis de l'appui des députés en vue d'améliorer la vie des Canadiens. Je suis également emballée de voir tout le travail qui a déjà été fait pour comprendre à quoi devra ressembler notre régime national d'assurance-médicaments.
En juin dernier, dans son fameux rapport final, également appelé le rapport Hoskins, le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments nous informait qu'il avait reçu plus de 15 000 réponses à un questionnaire de la part de particuliers et d'organismes, qu'il avait reçu plus de 14 000 lettres et pétitions, qu'il avait examiné plus de 150 mémoires, qu'il avait analysé les pratiques exemplaires à l'échelle mondiale et qu'il avait tenu des assemblées publiques et des tables rondes. Il a découvert des lacunes considérables en matière de couverture des médicaments.
Sur les près de trois millions de personnes qui ont dit ne pas avoir les moyens de payer leurs médicaments, 38 % étaient couvertes par une assurance privée et 21 %, par une assurance publique. Toutefois, quand on tient compte des exemptions et de la participation aux coûts, elles n'avaient toujours pas les ressources voulues pour payer leurs médicaments. Près d'un million de Canadiens ont dû réduire leurs dépenses en nourriture et en chauffage afin de pouvoir payer leurs médicaments.
Près de 1 million de Canadiens et de Canadiennes ont dû emprunter des sommes d'argent afin de payer les frais de leurs médicaments prescrits.
Cette réalité met en évidence l'écrasante pauvreté qui afflige les Canadiens. Les causes de cette pauvreté sont multiples, mais avec l'assurance-médicaments, il y aura une inquiétude en moins. Nous pouvons atténuer une partie du stress et de l'incertitude dans leur vie.
Dans le rapport Hoskins, le conseil consultatif formule plusieurs recommandations pour combler ces lacunes, et je vais les rappeler.
Sa première et principale recommandation était que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour établir un système public, universel et à payeur unique de couverture des médicaments sur ordonnance au Canada. Un système à deux niveaux creuserait les inégalités, laissant en danger les Canadiens à faible revenu et sans emploi. L'administration d'un tel programme serait inefficace sur le plan des coûts. Un système administré par le secteur privé créerait des incitatifs aux profits alors que l'intérêt public doit être la priorité absolue.
Le conseil consultatif a également recommandé que les prestations nationales d'assurance-médicaments soient transférables entre les provinces et les territoires, ce qui fait ressortir la nécessité pour le gouvernement fédéral de s'associer aux ministères provinciaux de la Santé afin de garantir que le système soit réellement de portée nationale.
Une autre recommandation voulait que l'ensemble de la population canadienne puisse profiter d'un programme d'assurance-médicaments afin que tous et toutes puissent obtenir les médicaments nécessaires pour maintenir une bonne santé physique et mentale.
Le conseil a également recommandé l'élaboration d'un formulaire national pour répertorier les médicaments sur ordonnance et les produits connexes qui devraient être couverts afin de garantir que tous les Canadiens jouissent d'un accès égal aux médicaments dont ils ont besoin pour maintenir ou améliorer leur santé, quel que soit l'endroit où ils vivent au Canada.
Il est clair que c'est un travail considérable. Pour l'accomplir, nous allons avoir besoin du leadership du premier ministre et du Cabinet, ainsi que d'un investissement financier conséquent de la part du gouvernement fédéral.
Il est remarquable que le Canada soit le seul pays développé à disposer d'un programme de soins de santé universel qui n'inclut pas la couverture universelle des médicaments sur ordonnance, surtout quand on sait qu'il y a des coûts réels associés aux patients qui doivent sauter des doses ou éviter de remplir des ordonnances par manque de moyens. Ces décisions mettent à rude épreuve notre système de santé.
Les gens ne sont pas en mesure de vivre pleinement en santé durant toute leur vie, ce qui entraîne des complications et des maladies chroniques plus tard dans leur vie.
Des gens finissent par avoir besoin de soins d'urgence et par devoir retourner aux urgences et être hospitalisés parce qu'ils n'ont pas les moyens de se soigner convenablement à la maison.
Le directeur parlementaire du budget a déjà souligné qu'un tel régime permettra aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'économiser des milliards de dollars, sans compter l'effet positif qu'il aura sur la qualité de vie des Canadiens qui ont besoin de médicaments sur ordonnance.
Une étude récente du MAP Centre for Urban Health Solutions de l'Hôpital St. Michael's a révélé que la gratuité des médicaments avait fait augmenter de 44 % le nombre de personnes qui prennent leurs médicaments essentiels et qu'elle avait aussi fait augmenter de 160 % la probabilité que les participants au régime puissent joindre les deux bouts.
Le fait de garantir aux gens l'accès aux médicaments dont ils ont besoin tout au long de leur vie aura des effets réels et positifs, tels que la réduction de la pauvreté, puisque les gens pourront consacrer leur argent à la nourriture, au loyer, au chauffage de leur maison ou à la garde de leurs enfants. Lorsqu'une maladie chronique est bien gérée à l'aide de médicaments, les personnes atteintes peuvent plus aisément accéder au marché du travail et participer à la vie dans leur milieu.
Les personnes atteintes d'une maladie rare ne devraient pas avoir à déclarer faillite en raison de leur diagnostic.
Les personnes qui touchent un revenu fixe, comme les personnes âgées, ne sont pas aux prises avec une augmentation du coût des médicaments. Les personnes traversant une crise de santé mentale ne subissent pas l'angoisse financière supplémentaire que peut causer la prise d'un nouveau médicament.
Je suis frappée par le consensus qui existe au sujet de cette question.
La majorité des députés de la Chambre se sont engagés auprès de partis qui ont fait de cet enjeu une priorité lors de la dernière élection.
Selon les sondages, 90 % des Canadiens sont favorables à un accès égal pour tous aux médicaments sur ordonnance, indépendamment du revenu. Quand j'ai vu que le régime national d'assurance-médicaments était mentionné dans la lettre de mandat de quatre ministres, j'ai eu espoir que cela se concrétiserait pendant la 43e législature. Il semble toutefois que le dossier n'avance pas très vite pour l'instant; je suis donc contente que mes collègues néo-démocrates aient présenté cette motion.
Nous aurons peut-être une agréable surprise au moment de la présentation du budget, mais je crains que le gouvernement ait envie de reculer, influencé peut-être par les pressions exercées par les pharmaceutiques et les compagnies d'assurance. J'espère que le gouvernement ne laisse pas des entités qui ne manquent pas de moyens financiers et qui emploient des lobbyistes d'Ottawa à temps plein acheter de l'influence et agir sur notre processus d'élaboration de politiques.
J'ai rencontré des représentants d'organismes communautaires et des professionnels de la santé ainsi que des représentants de leurs syndicats. Selon eux, nous avons besoin d'un régime d'assurance-médicaments public et universel. Parmi ces groupes figurent la fondation des maladies du cœur et de l'AVC, National Nurses United, l'Association canadienne du diabète, l'Association canadienne de counseling et de psychothérapie, la Coalition canadienne de la santé et le Congrès du travail du Canada, pour n'en nommer que quelques-uns. Ce sont des organismes qui représentent les Canadiens ordinaires, les travailleurs du domaine de la santé et les personnes qui sont atteintes d'une maladie chronique ou aiguë, qui habitent avec une telle personne ou qui en prennent soin. Bref, des gens pour qui nous travaillons.
L'Association médicale canadienne a relayé les anecdotes de médecins qui luttent pour un régime national d'assurance-médicaments. Le Dr Nav Persaud avait ceci à dire: « Pourquoi avoir fait toutes ces années d’études pour devenir médecin si, en fin de compte, les diagnostics que je pose sont peu utiles, les patients n’étant pas en mesure de payer leur traitement? »
Le Conseil consultatif sur la mise œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments nous a laissé une voie à suivre: « Il faudra du temps, d'importants investissements fédéraux et une étroite collaboration entre tous les partenaires du système de santé pour transformer la mosaïque de régimes d'assurance-médicaments du Canada en un régime public national d'assurance-médicaments. »
Cela dit, c'est possible. Grâce au travail du Conseil, la voie à suivre est claire. Les données sont incontestables, et les Canadiens sont favorables au régime, ainsi que la plupart des parlementaires de la Chambre. Nous sommes ici pour représenter le peuple, et c'est ce que le peuple veut.
Ma dernière réflexion est la suivante: qu'attendons-nous?