Madame la Présidente, la situation me rappelle une anecdote de mon enfance. C’était l’anniversaire de mariage de mes parents. Quand mon père est rentré à la maison, ma petite sœur l’a regardé et a crié « Des roses! Des roses! »
Alors que ma mère souriait timidement derrière moi, mon père lui a offert un beau bouquet de tulipes. Ma mère était un peu déçue, car elle voulait des roses. Comme pour cet accord, elle a décidé à ce moment-là qu'elle allait s'en contenter.
Après de longs débats au sein du caucus, les conservateurs ont estimé que ce n'était pas un bon accord, comme l'a indiqué l'intervenant précédent. Nous avons perdu beaucoup. Pourquoi cela? Examinons la question un instant.
La note rédigée par un premier ministre et publiée dans le National Post indiquait trois raisons. La première est l'incohérence constatée dans les négociations et les prises de position fermes, sans penser que le président des États-Unis pouvait annuler l'ALENA, ce qui était une possibilité très réelle pour l'opposition, ainsi que pour tous les Canadiens.
D'emblée, le gouvernement a décidé de se montrer obséquieux envers le Mexique. J'ai dit en plaisantant: « desearía estar Obrador ». « J'adorerais être Obrador » quand je vois le Canada faire preuve d'autant de sollicitude envers le Mexique. En fait, la déclaration exacte était la suivante: « Les États-Unis sont à la fois irrités et mystifiés par la dévotion indéfectible que les libéraux portent au Mexique », plutôt qu'au Canada et aux Canadiens. C'est la deuxième raison.
La troisième raison, bien entendu, c'est qu'on reproche aux libéraux d'avoir mis de l'avant leurs politiques commerciales progressistes dans le cadre de ces pourparlers. Pensaient-ils vraiment qu'ils pourraient en quelque sorte forcer l'administration Trump à endosser toutes leurs idées sur les syndicats, les changements climatiques, les revendications autochtones et les questions liées à l'égalité des sexes? Pendant que le gouvernement canadien se concentrait là-dessus, les Américains, eux, s'affairaient à établir leurs véritables exigences. Résultat: nous avons été déjoués lors des négociations, comme mon collègue l'a mentionné.
Examinons ce que nous avons perdu. Mon collègue en a également parlé, mais je rappelle aux députés que le secteur de l'aluminium ne profite pas des mêmes dispositions que celles applicables au secteur de l'acier. Pour ce qui est de l'industrie laitière, 3,6 % du marché canadien est ouvert aux importations. L'accord impose maintenant des seuils précis aux exportations canadiennes de concentrés de protéines de lait, de lait écrémé en poudre et de préparations pour nourrissons. Si les exportations dépassent ces seuils, le Canada doit ajouter des droits de douane aux produits exportés en surplus, qui coûteront encore plus cher. De plus, toujours en ce qui concerne l'industrie laitière, les classes de lait 6 et 7 ont été éliminées.
Par ailleurs, l'admission temporaire des gens d'affaires n'a pas été mise à jour pour tenir compte de la nouvelle économie. Ayant moi-même fait des études aux États-Unis, je suis certes consciente de l'importance du visa J-1. À cela s'ajoute, bien entendu, le visa H-1B. Comme mon collègue l'a fait remarquer, la question de la politique d'achat aux États-Unis n'a absolument pas été réglée. Voilà une autre manière dont nous avons été déjoués.
Enfin, les règles d'origine du secteur de l'automobile ont été ignorées, et j'ajouterais qu'il en va de même pour le secteur forestier, dont le député a longuement parlé. Le conflit sur le bois d'œuvre n'a même pas été abordé lors des négociations. La citation suivante résume très bien la situation: « Les États-Unis jugent cet accord selon ce qu'ils en ont tiré. [La vice-première ministre] le mesure par ce qu'[elle] a réussi à sauver. » Cela ne suffit pas du tout.
Les conservateurs estiment qu'en tant que représentants des Canadiens, nous avons l'obligation de soutenir ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Les Canadiens se porteraient certainement mieux si la mesure législative était adoptée, mais même les commentaires à son sujet sont très mitigés. Voici ce qu'a déclaré la Chambre de commerce du Canada: « L'Accord Canada—États-Unis—Mexique [...] était imparfait, mais nécessaire afin que les relations du Canada avec son principal partenaire commercial soient plus prévisibles. » C'est loin d'être une déclaration enthousiaste.
De plus, mon collègue et ami Goldy Hyder, du Conseil canadien des affaires, a déclaré que le Canada pouvait « se contenter » du nouvel ALENA, comme ma mère disait en parlant des tulipes, et qu'il devrait permettre de « survivre jusqu'à la fin du mandat du gouvernement actuel ».
Je vais maintenant parler de la lettre de la vice-première ministre aux Canadiens. On y lit: « Nous avons été confrontés à une série de mesures commerciales sans précédent de la part des États-Unis. Le Canada ne s’était jamais heurté à une vague protectionniste de cette ampleur auparavant. » Je me demande bien pourquoi. « Ce consensus national est remarquable. » Disons qu'il est correct. « Cela dit, ce n’est pas par hasard que plus de 75 % des Canadiens appuient la ratification de cet accord. » Je dirais que c'est parce qu'ils ont peur et qu'ils se sont résignés.
Qui sont les gagnants? Comme l'a mentionné mon collègue, le président Trump. C'est sans conteste une victoire pour le président.
Il a réussi à conclure un accord complet légitime avec deux pays étrangers et les démocrates, qui tentent actuellement de le destituer. Il peut aussi dire qu'il a tenu l'une de ses principales promesses électorales: celle de renégocier l'ALENA ou d'y mettre fin. L'Accord devrait être bon pour l'économie américaine et donner un coup de pouce à une économie qui connaît déjà une embellie pour 2020. Il donne aussi au président de la confiance et un élan dans sa bataille commerciale avec la Chine.
C'est, bien évidemment, pour cela que nous avons un comité spécial.
La Présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a bien joué le jeu. Elle a pris la décision de se concentrer sur la question des droits des travailleurs plutôt que de demander qu'on accède à un nombre accablant de requêtes. ll ne fait aucun doute que nous avons été battus sur ce terrain.
Cet article du Washington Post dit que l'ACEUM créera 176 000 emplois aux États-Unis. Félicitations aux États-Unis. Je souhaiterais que nous puissions en dire autant.
Que dit l'article à propos du Canada? Que les Canadiens ont réussi à ne pas céder trop de choses à Trump. C'est assez triste. On peut difficilement s'en contenter. L'article explique ensuite toutes les choses que nous avons perdues et c'est dommage parce qu'il y en a beaucoup.
Pourquoi sommes-nous acculés dans un coin quand des accords comme celui-ci sont conclus? Parce que le gouvernement libéral démontre constamment qu'il n'a pas de stratégie précise en matière de politique étrangère fondée sur des valeurs comme celles du gouvernement conservateur précédent.
En 2017, le premier ministre a promis de propulser le Canada dans une nouvelle ère d'engagement international. Il a dit que ses politiques étrangères seraient axées sur le renforcement de notre engagement envers le multilatéralisme, les droits de la personne, la primauté du droit et une diplomatie efficace. Or, lorsqu'il s'agit de politique étrangère, le gouvernement libéral accumule les maladresses depuis le début. Dans la gestion de ses affaires étrangères, y compris dans le cadre de la négociation de cet accord, il a privilégié la forme plutôt que le fond.
Les exemples abondent: le voyage désastreux du premier ministre en Inde, les concessions qu'il a faites ou encore l'incapacité de son gouvernement à rapatrier deux Canadiens détenus arbitrairement en Chine. Tout cela a contribué grandement à entacher notre réputation à l'international et a nui à nos relations avec nos partenaires commerciaux.
Plutôt que d'adopter des approches diplomatiques éprouvées, le premier ministre a décidé de s'en remettre aux médias sociaux, et c'est très mauvais pour le Canada.
La vice-première ministre a fait la même chose. Elle s'est permis de faire des commentaires irresponsables sur Twitter à propos de la société civile et de l'emprisonnement de militantes des droits de la femme, en Arabie saoudite. L'Arabie saoudite a réagi en gelant tous ses investissements au Canada et en expulsant notre ambassadeur. Le Canada s'est retrouvé sans aucun moyen d'influer sur la politique du royaume en matière de droits de la personne.
Le premier ministre n'a pas réussi à concrétiser la nouvelle ère d'engagement international du Canada qu'il avait promise. L'inaction et l'absence de vision du Canada en ce qui concerne les principaux acteurs du moment ont permis aux autres pays d'étendre leurs sphères d'influence dans le monde entier. Qu'on ne s'y trompe pas, d'autres observent ce qui se passe, Donald Trump notamment. Pour être un bon allié et un joueur important sur la scène mondiale, il faut plus que de simples paroles. Il faut pouvoir faire étalage de sa puissance et montrer sa confiance: elles suscitent le respect.
Il est temps de rétablir la réputation du Canada dans le monde, de promouvoir les valeurs que nous défendons et de revendiquer notre souveraineté en tant que nation une fois de plus, ce que nous avons omis de faire lors de la négociation de cet accord.
Les Canadiens méritent mieux qu'un accord dont ils peuvent « se contenter ». Est-ce qu'on se contenterait de n'importe quel médecin ou pilote? Les Canadiens méritent une politique étrangère basée sur des principes et bien pensée, et ce n'est pas la politique étrangère des libéraux. Nous nous préoccupons des Canadiens, des travailleurs du secteur laitier, du secteur de l'automobile, du secteur pétrolier et de leurs familles. C'est pour cela que nous appuyons ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et que nous souhaitons qu'il soit renvoyé au comité. Les Canadiens ne devraient pas avoir à se contenter de quoi que ce soit.