Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends part au débat d'aujourd'hui à propos du projet de loi C-3. J'imagine que les nombreux téléspectateurs qui suivent ce débat sur la chaîne CPAC, bien installés devant leur télé, sont surpris de voir des députés de tous les partis prendre la parole en faveur du projet de loi. Je suis moi-même heureux de l'appuyer, de façon générale. Les 18 personnes qui regardent CPAC de chez elles sont probablement plus nombreuses que celles qui regardent la chaîne CBC à ce moment-ci.
Avant d'entrer dans le cœur de mon discours, je tiens à faire quelques observations au sujet du comité d'examen et de son autonomie par rapport au ministre.
Il y a quelques jours, nous avons débattu d'une motion de l'opposition qui proposait d'examiner la Commission des libérations conditionnelles et le processus de nomination de ses commissaires, parce qu'une personne incarcérée pour meurtre avait été libérée sous condition et avait tué de nouveau.
Je reviens sur cette discussion parce que, pendant le débat, des députés ministériels ont proposé un amendement qui visait à jeter le blâme non pas sur la Commission des libérations conditionnelles, qui savait que l'homme allait voir une prostituée, mais sur l'agente de libération conditionnelle. Ils proposaient donc de prendre l'agente comme bouc émissaire au lieu de blâmer la Commission des libérations conditionnelles dans son ensemble.
Ce qui me préoccupe, c'est le risque que la nouvelle commission d'examen s'en prenne à certains agents de l'ASFC au lieu de se concentrer sur le manque de formation et de ressources. J'ai donc hâte que le projet de loi soit renvoyé à un comité pour que l'on puisse examiner cette question et clairement délimiter les responsabilités du gouvernement et de la commission. J'espère que les nominations à la commission d'examen feront l'objet d'un processus transparent, et qu'on ne verra pas de personnes sous-qualifiées qui sont nommées de façon partisane, comme les membres de la Commission des libérations conditionnelles qui ont libéré un meurtrier.
Il y a un aspect dont je veux parler, et je suis très heureux que nombre de personnes aient déjà soulevé la question. J'aimerais d'ailleurs remercier les agents de l'ASFC qui protègent et qui servent les Canadiens.
L'ASFC est l'un des meilleurs organismes gouvernementaux au chapitre de l'embauche des anciens combattants. Selon une règle mise en place par les conservateurs, les militaires libérés pour des raisons médicales sont placés en tête des listes d'embauche à la fonction publique. Par la suite, on considérera en priorité la candidature des personnes qui quittent les forces armées après trois années de service.
Nous avons aussi présenté une mesure législative reconnaissant leur ancienneté. Prenons l'exemple d'une personne ayant servi le Canada pendant 15 ans, à l'étranger peut-être, ou ayant servi 5 ans en Afghanistan. Aux termes de cette mesure législative, ses années de service sont reconnues lors de son entrée dans la fonction publique. Son ancienneté est prise en compte dans le calcul de ses congés et l'établissement de son horaire de travail.
Nous avons bien du mal à convaincre les organismes gouvernementaux d'embaucher des anciens combattants, mais l'Agence des services frontaliers du Canada est probablement l'un des meilleurs organismes à ce chapitre. Elle fait un excellent travail. Cependant, nous avons appris que le gouvernement libéral a bradé les droits d'ancienneté des anciens combattants ayant été libérés pour des raisons médicales et ayant rejoint les rangs de la fonction publique.
Il est agréable d'entendre les députés de tous les partis à la Chambre faire l'éloge aujourd'hui de l'Agence des services frontaliers du Canada et de tous ses employés. Toutefois, j'espère qu'ils ne vont pas se contenter de parler et qu'ils vont soutenir les anciens combattants à l'ASFC qui ont servi notre pays à l'étranger, ceux qui ont peut-être été libérés pour des raisons médicales ou qui, après avoir porté l'uniforme, ont trouvé un emploi à l'ASFC. J'espère aussi que les députés parleront d'une seule voix pour exiger que le gouvernement libéral rétablisse les droits d'ancienneté des anciens combattants travaillant maintenant pour cette agence.
Cela dit, je veux parler du projet de loi C-3 en tant que tel.
Le document d'information sur le projet de loi indique que l'Agence des services frontaliers du Canada veille à la sécurité et à la prospérité du pays par la facilitation et la surveillance des déplacements internationaux et du commerce à la frontière canadienne, et que ses agents interagissent tous les jours avec des milliers de Canadiens et de visiteurs au Canada aux aéroports, aux postes frontaliers terrestres, aux ports et à d’autres endroits afin d’assurer le passage de voyageurs et de marchandises à notre frontière.
Le document d'information précise également la chose suivante: « Le gouvernement reconnaît que la mise en place de mécanismes de responsabilisation robustes peut contribuer à garantir la confiance du public à l’égard des institutions de sécurité publique du Canada. »
Je veux m'assurer que nous puissions mettre en place de solides mécanismes de surveillance. C'est un peu la question posée par la série de bandes dessinées Watchmen: « Qui surveille les Gardiens? » Je veux m'assurer qu'on ne mette pas simplement en place des agents à la solde du gouvernement. C'est ce qui a été suggéré durant le débat sur la motion de l'opposition; certains députés se sont en effet servis des agents de liberté conditionnelle comme boucs émissaires au lieu de s'attaquer aux grands enjeux.
Le projet de loi C-3 vise également à instaurer un cadre pour le traitement des incidents graves concernant le personnel de l'ASFC. Il s'agit entre autres de confier à la commission d'examen et de traitement des plaintes du public la responsabilité de suivre les incidents graves, et de les signaler. C'est très bien, mais je souhaite revenir aux agents de l'ASFC.
Comme je l'ai mentionné dans une intervention antérieure, la structure culturelle de l'ASFC nous préoccupe beaucoup. J'ai mentionné que le gouvernement a retiré leurs prestations aux anciens combattants qui travaillent pour l'ASFC. L'enquête la plus récente réalisée auprès des employés de l'ASFC révèle que 63 % d'entre eux n'ont pas le sentiment de pouvoir exprimer leurs préoccupations sans crainte de représailles.
Rappelons-nous que, à la dernière législature, les trois partis ont présenté au gouvernement un rapport faisant l'unanimité en vue de renforcer la protection des dénonciateurs au sein de la fonction publique. Or, Scott Brison l'a jeté à la poubelle.
À une réunion télédiffusée du comité des opérations gouvernementales, Scott Brison a promis de revenir pour expliquer ce que faisait le gouvernement. Il n'est pas revenu. Il a refusé de revenir pendant les cinq mois qui ont précédé sa démission. J'espère que le nouveau président du Conseil du Trésor comparaîtra devant le comité pour expliquer ce que fait le gouvernement pour protéger les fonctionnaires.
Pensons-y. Près des deux tiers, c'est-à-dire 63 % des employés de l'ASFC craignent de subir des représailles s'ils dénoncent des actes répréhensibles. Ces représailles ont été décrites au comité des opérations gouvernementales. Des vies détruites, des congédiements, des gens ostracisés. Un témoin a raconté un cas où le gouvernement a poursuivi en justice une personne qui avait signalé un problème.
Pensons au dénonciateur qui a révélé que le gouvernement libéral avait versé une somme à Omar Khadr. Les libéraux ne se souciaient pas vraiment d'avoir donné 10,5 millions de dollars à un meurtrier avoué. Ils ont plutôt dépensé des dizaines de milliers de dollars pour enquêter sur le dénonciateur et s'en prendre à lui.
Tous les partis s'entendent pour dire que les employés de l'ASFC sont des travailleurs appréciés. Les travailleurs, eux, disent qu'ils n'ont pas confiance dans la haute direction ou le gouvernement. C'est un grave problème. J'espère que nous nous y attaquerons dans la mesure législative.
Un autre problème qui a été soulevé est que 57 % des employés n'ont pas confiance dans la haute direction. Ce sont les mêmes personnes qui seraient appelées à être dénoncées et jugées, d'une certaine façon, par ce nouveau processus de surveillance. Le projet de loi ne parle pas de surveillance de la direction ni du fait qu'il règne peut-être une culture de peur au sein du ministère. Encore une fois, j'espère que ces questions seront examinées en détail par le comité afin d'établir un processus adéquat.
Par ailleurs, 51 % des répondants ne pensent pas que la haute direction agit de manière éthique. Pensons-y un instant. On parle des gens qui sont censés prévenir la contrebande, nous protéger des gens mal intentionnés qui traversent la frontière et gérer des centaines de milliards de dollars d'échanges commerciaux tout au long de l'année. Cependant, 51 % des répondants ne pensent pas que leurs gestionnaires agissent de manière éthique. Ils sont aussi 63 % à croire qu'ils ne peuvent pas soulever ce type de problème au gouvernement sans subir des représailles. J'espère vraiment que ces questions seront étudiées.
Nous avons beaucoup de problèmes à l'Agence des services frontaliers et ceux-ci découlent du plan ministériel que le gouvernement a déposé dans le cadre du processus budgétaire. Ralph Goodale l'a déposé l'an dernier, mais il contient certains des objectifs que les libéraux se sont fixés pour l'année à venir.
Le pourcentage de marchandises commerciales à haut risque ciblées par l'Agence et contrôlées à la frontière était de 94 %, contre 96 % sous les conservateurs. Nous ne connaissons pas l'objectif des libéraux pour cette année. Le rapport indique « à déterminer ». L'objectif que le gouvernement s'est fixé l'an dernier pour cette année est « à déterminer ».
Pour le pourcentage de menaces identifiées qui aboutissent à une mesure d'application de la loi ou à une recommandation de non-admissibilité, l'objectif était de 18 %. Selon eux, seulement 18 % des menaces identifiées feraient effectivement l'objet d'une mesure d'application de la loi, ce qui veut dire que 80 % des menaces identifiées ne feront pas l'objet de sanctions. C'est un problème.
Le pourcentage de ressortissants étrangers hautement prioritaires renvoyés pour des raisons telles que des crimes de guerre est de 80 %. Ils ont abaissé le seuil des années précédentes, de sorte que leur objectif est de ne renvoyer du Canada que 80 % des criminels de guerre.
Si je signale le problème, c'est parce qu'il est grave. Si nous examinons le même plan ministériel déposé par le gouvernement, nous constatons que, selon leurs plans, les libéraux vont réduire le budget de 410 millions de dollars au cours des deux prochaines années. Ce montant s'ajoute aux 150 millions qui ont été supprimés l'an dernier.
Le gouvernement veut faire telle ou telle chose, mais il fait exactement le contraire. J'espère que le gouvernement corrigera le tir et appuiera l'Agence des services frontaliers du Canada. S'il le fait, nous corrigerons le tir également et nous appuierons ce projet de loi.