Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, membres du Comité, c'est avec beaucoup de fébrilité que je suis ici aujourd'hui. Ce qui se passe est quand même historique: c'est la première fois qu'un tel projet de loi est déposé. Nous sommes maintenant en comité pour en débattre, et j'espère que les débats concluront à l'importance de voter en faveur de ce projet de loi.
Le projet de loi C‑216 est très simple, au fond. Il ajoute dans le mandat du ministre des Affaires étrangères l'obligation de respecter intégralement le système de gestion de l'offre, en retirant au ministre la possibilité de négocier ces principes lors de futures négociations commerciales internationales. Le ministre ne pourra donc pas signer un traité qui aurait pour effet d'augmenter les contingents tarifaires, ce que nous appelons communément les quotas, pour les produits soumis à la gestion de l'offre, ou de diminuer le tarif applicable lorsque les importations dépassent le contingent prévu.
Il est étrange, par ailleurs, que le projet de loi C‑216 soit si controversé, puisqu'il a fait l'objet de plusieurs consentements unanimes depuis le dépôt de la première motion en ce sens à la Chambre des communes, le 22 novembre 2005, par mon ancien collègue André Bellavance.
Puis, à la suite de chacun des accords de libre-échange, le Bloc québécois a voulu confirmer l'appui du Parlement envers la gestion de l'offre au moyen de motions demandant le consentement unanime. Chaque fois, les députés ont appuyé les motions et, chaque fois, le gouvernement a fait volte-face pour agir à l'opposé. C'est ce qui explique l'importance d'inscrire ces dispositions dans une loi, plutôt que dans une motion.
Dans le contexte du début des négociations de l'ALENA, le Bloc québécois a aussi déposé, le 26 septembre 2017, une motion pour que le gouvernement protège les marchés sous gestion de l'offre. Cependant, un peu plus d'un an plus tard, soit le 30 novembre 2018, le gouvernement reniait sa parole et signait l'ACEUM, un accord destiné à remplacer l'ALENA.
Ensuite, dans le contexte des négociations du Partenariat transpacifique, nous avons déposé une motion pour demander la protection du système de gestion de l'offre dans le cadre de cet accord. C'était le 7 février 2018. Un mois plus tard, le 8 mars 2018, le gouvernement reniait sa parole et signait le nouveau traité.
Puis, le jour de la fin du débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, le Bloc québécois a demandé et obtenu le consentement unanime des parlementaires sur le fait que le gouvernement devait indemniser intégralement les producteurs sous gestion de l'offre pour les brèches contenues dans les trois accords. C'était le 5 octobre 2018. Une partie s'est réalisée par la suite.
Enfin, le 10 mars dernier, une majorité de députés, tous partis confondus, ont voté en faveur du principe du projet de loi C‑216, ce qui est encore plus significatif qu'une motion.
Je voudrais simplement rappeler aux membres du Comité ce que signifie, sur le plan procédural, un vote à l'étape de la deuxième lecture. Lorsqu'un député se lève à la Chambre pour appuyer l'adoption d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et son renvoi en comité parlementaire, au fond, il appuie le principe du projet de loi, soit son idée et sa portée générale. En tant que membres du Comité, vous êtes donc liés par ce vote. En effet, selon l'édition 2000 du manuel La procédure et les usages de la Chambre des communes, de Marleau et Montpetit, il est écrit ceci au chapitre 16: « Si le projet de loi a déjà été lu une deuxième fois, le comité est lié par la décision de la Chambre et ne peut apporter au projet de loi des modifications qui en contredisent le principe. »
Nous ne sommes donc pas ici pour débattre le pour et le contre de la gestion de l'offre; le principe a déjà été adopté à la Chambre. Nous sommes ici pour nous demander si le Canada devrait protéger certains pans de son agriculture de la concurrence étrangère, et ce, en fonction des règles des accords de l'Organisation mondiale du commerce, car je rappelle que le système de la gestion de l'offre respecte ces règles.
Nous ne sommes pas ici non plus pour nous demander si nous avons le droit de le faire. Nous le savons déjà. Des dispositions ont été prévues dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, soit le GATT, avant même la création de l'OMC.
Un grand nombre de pays ont d'ailleurs recours à ces dispositions. Il n'y a pas que nous qui protégeons certains produits. Tout le monde le fait, même les États qui nous le reprochent, parce que, comme ils ont toujours été protégés, ils veulent envahir ce qui reste de nos marchés du lait, des œufs et de la volaille.
De quoi voulons-nous protéger notre production, au fond? Nous voulons la protéger de la concurrence déloyale, en premier lieu. En effet, nos principaux partenaires, les États‑Unis, violent plusieurs règles du commerce international, tout en nous demandant de leur donner toujours plus d'accès. Ils subventionnent illégalement leur agriculture à hauteur de plusieurs milliards de dollars par année, ce qui réduit les coûts de production des producteurs et leur permet de revendre leurs produits localement ou ailleurs à un prix plus bas, ce qui est strictement interdit par l'OMC. Ils contestent sans cesse les aspects de nos politiques agricoles et forestières, comme on l'a vu récemment dans le cas du bois d'œuvre et des contingents de lait, malgré des décisions antérieures de l'Organe de règlement des différends de l'OMC. Ils sont un des pays les plus protectionnistes du G20, mais ils sont aussi l'un des plus gourmands sur le plan des demandes d'accès aux marchés.
D'autres accords se discutent présentement, notamment celui avec ce qu'on appelle le Mercosur, composé de pays d'Amérique latine, et encore d'autres accords se discuteront, inévitablement.
Je rappelle au passage que les 16 premiers accords de libre-échange signés par le Canada n'ont touché d'aucune façon la gestion de l'offre. Il est donc possible de discuter sans toucher à la gestion de l'offre.
Le système de la gestion de l'offre a été très affaibli par les dernières concessions faites par les secteurs soumis à ce système, qui doivent maintenant se réorganiser. Nous ne pouvons pas laisser les États‑Unis ou les autres pays nous forcer à abandonner nos politiques et nos pratiques agricoles.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, pour ma part, je trouve complètement aberrant qu'un État laisse un autre État lui dire ce qu'il a le droit d'importer ou d'exporter, et à quel prix il doit le faire. C'est pourtant ce qui se passe dans le cadre du nouvel ALENA.
Le Québec et le Canada sont des nations exportatrices. C'est indéniable: il n'est pas du tout question ici d'augmenter le niveau de protectionnisme. Ce que nous voulons, c'est de pouvoir maintenir un système qui fait ses preuves depuis presque 50 ans et qui permet toujours d'offrir des revenus raisonnables tout au long de la chaîne de production, de garder des familles dans nos régions et d'occuper notre territoire.
Le Canada a, comme il se doit d'en avoir, des politiques et des stratégies diversifiées pour que les producteurs puissent vivre de la terre et nourrir notre monde selon le modèle agricole qu'ils choisissent. Les producteurs sous gestion de l'offre, et même l'ensemble du monde agricole, que ce soit la Fédération canadienne de l'agriculture ou l'Union des producteurs agricoles, nous demandent simplement de préserver leur modèle agricole.
Je vous remercie.
Je suis prêt à répondre aux questions des membres du Comité.