Voilà à peine un an que j'utilise Zoom, et j'oublie toujours d'activer mon micro.
Je tiens d'abord à vous dire, madame la présidente et membres du Comité, à quel point je suis heureuse d'être avec vous.
Madame la présidente, nous nous sommes déjà rencontrées. Je vous félicite d'avoir été nommée à la présidence du Comité. C'est un grand honneur. Je suis sûre que les défis ne manqueront pas. C'est l'un des comités les plus intéressants dans lequel siéger, comme vous en conviendrez tous certainement.
Sans trop entrer dans les détails, je serai heureuse de répondre à vos questions. Si vous me le permettez, je vais brosser un tableau général du processus.
Il y a quelques années, dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire du Canada, j'ai participé à une tribune à la Cour suprême du Canada sur la relation entre le gouvernement et les tribunaux. Mon collègue à cette tribune était l'honorable Bob Rae. Bob Rae et moi-même avons eu bien des désaccords au fil des ans. Il était premier ministre de l'Ontario lorsque j'étais première ministre du Canada, et je crois avoir déjà qualifié son attitude, quand nous nous rencontrions, comme hargneuse, mais nous nous sommes beaucoup radoucis depuis.
À cette tribune de la Cour suprême, il a dit, entre autres, qu'il préférait la vieille approche de la « tape sur l'épaule » pour nommer les juges à la Cour suprême du Canada. C'est un peu le mythe de celui qui, devenu éminent juriste dans sa province, membre distingué du Barreau, reçoit un jour, du ministre de la Justice ou d'un juge, une petite tape sur l'épaule l'invitant à devenir juge à la Cour suprême du Canada.
Cependant, comme beaucoup d'entre vous le savent, ce ne sont pas toutes les épaules qui attirent les petites tapes, et beaucoup de gens qui pourraient apporter une contribution extraordinaire à l'élaboration du droit dans notre pays ne sont pas nécessairement sur l'écran radar de ceux qui, traditionnellement, distribuent les tapes sur l'épaule.
C'était un autre point de désaccord avec l'honorable Bob Rae, puisque je crois que, pour qu'un processus fonctionne bien, il doit bien fonctionner sur toute la ligne. Le premier mandat qu'a reçu le Comité consultatif indépendant était de tâcher d'accroitre le nombre de candidats, et c'est un peu plus difficile qu'il n'y paraît parce que, très souvent, les gens qui se sont distingués au Barreau, les juristes, ont très souvent le réflexe, très canadien, d'hésiter à se mettre de l'avant.
Dès le tout premier processus — il y en a eu quatre —, nous avons travaillé très fort pour amener les gens, connaissant la valeur exceptionnelle d'un collègue, à l'inciter à poser sa candidature. Selon le système que j'ai mis au point, lorsque nous recevons une recommandation... Nous en recevons souvent de la part de juges ou de membres du Barreau. Une recommandation a été faite par un étudiant en droit à McGill. Quiconque s'intéresse à la Cour peut communiquer avec nous. Ce que nous faisons alors, c'est d'écrire à la personne pressentie pour lui dire: « Votre nom nous a été communiqué comme candidat exceptionnel pour le siège vacant à la Cour suprême du Canada. Veuillez examiner les documents ci‑joints et, si cela vous intéresse, nous vous encourageons vivement à présenter votre candidature. » Cela signifie, c'est que bien des gens qui, autrement, ne voudraient pas donner l'impression de se mettre de l'avant peuvent se dire: « Eh bien, puisqu'on m'invite à présenter ma candidature… », ce qui est effectivement le cas.
C'est l'un des défis, mais nous avons aussi une très longue liste d'organismes d'avocats et de juristes partout au pays avec lesquels nous communiquons chaque fois qu'il y a une vacance. Nous leur demandons de la faire connaître à leurs membres et d'identifier ceux de leurs membres qui seraient de bons candidats à la Cour suprême du Canada parce que, encore une fois, il y a très souvent des groupes de personnes qui ne voient pas forcément quelle serait leur place dans la distribution actuelle des rôles et qui ne... [Difficultés techniques]. Dans l'optique du premier ministre, plus la composition de la Cour est diversifiée, mieux c'est pour le Canada. Les personnes appartenant à des groupes sous-représentés sont certainement encouragées à envisager de poser leur candidature.
Notre but est d'accroître autant que possible le nombre de candidatures. Toutefois, pour beaucoup de gens — c'est peut-être moins le cas en Ontario —, siéger à la Cour suprême du Canada est une lourde décision du fait que cela suppose, comme vous le savez, un déménagement dans la région de la capitale nationale. Cela entraîne un rétrécissement du cercle social de vie du fait qu'il faut préserver son indépendance. Il est donc très important que les juges puissent créer une communauté pour offrir du soutien. Ce ne sont pas tous les juges qui, à leur arrivée, se plaisent dans leur nouvelle situation. Pour beaucoup, ce serait un grand sacrifice personnel que de se déraciner, et ils ont donc des réserves à ce sujet.
Je crois avoir mentionné la dernière fois que je vous ai parlé qu'il y a un nombre considérable de juges, dont un ancien juge en chef, de la Cour suprême du Canada, qui sont maintenant à la retraite. Il serait très utile qu'ils tiennent des tables rondes partout au pays avec des membres du Barreau et de la magistrature pour parler de la vie à la Cour, à la fois pour encourager les gens à poser leur candidature et pour créer des attentes réalistes, puisqu'il s'agit d'une nomination judiciaire d'un genre unique.
Pour ceux qui viennent de l'Ontario et qui ne sont pas loin d'Ottawa ou de la région de la capitale nationale, ou même de Montréal, c'est peut-être moins difficile. Lorsque nous avions à faire une nomination à un siège traditionnellement dévolu aux provinces de l'Ouest, il y avait certainement des candidats de la Colombie-Britannique, par exemple, qui étaient exceptionnels, bilingues, tout ce qu'il fallait. Nous avions l'impression qu'ils espéraient ne pas être nommés à cause des difficultés que cela entraînerait pour eux.
Bien sûr, de nos jours, les professionnels ont tendance à avoir des conjoints qui sont également des professionnels, qu'il s'agisse d'une épouse et de son mari ou d'un mari et de son épouse. Je pense qu'il faut être conscient de l'ampleur de l'engagement que représente une nomination à la Cour suprême du Canada.
L'une des premières choses que fait le Comité, c'est de rencontrer le — auparavant, la — juge en chef pour discuter de toutes ces choses. Nous bénéficiions de ses réflexions sur les besoins de la Cour, mais aussi sur certains aspects du travail d'un juge de la Cour suprême du Canada qui pourraient nous aider à identifier les candidats susceptibles d'y contribuer le plus valablement.
L'autre chose que je dirais — certains d'entre vous m'ont déjà entendu le dire —, c'est que je suis très flattée d'avoir été désignée à la présidence du Comité, mais qu'il ne faut pas oublier c'est vraiment un comité de sept personnes. Mon rôle, en tant que présidente, est de m'assurer que chaque membre du Comité puisse y aller de sa contribution. Comme vous le savez, nous avons quatre représentants d'organismes juridiques, mais il y a toujours, comme le ministre l'a mentionné, deux membres qui ne sont pas avocats.
Je ne saurais trop insister sur l'excellence de leur contribution. Dans les quatre processus auxquels j'ai participé, les non-juristes se sont montrés incroyablement perspicaces, très réfléchis, et ils soulevaient souvent des points de vue très intéressants qui enrichissaient nos discussions. Je pense qu'il y aurait unanimité sur cette formule qui garantit que les discussions ne se tiennent pas exclusivement entre avocats, mais qu'elles incluent des gens étrangers à la profession juridique, qui ont un solide engagement civique, qui comprennent très bien ce qui est en jeu et à quel point c'est important.
Fonctionnant en comité, nous commençons nos travaux lorsque toutes les demandes ont été reçues et que les documents ont été distribués. Cette année, nous avons dû travailler en mode virtuel, et les documents ont été transmis sur nos tablettes sécurisées. Nous n'avions pas de documents imprimés comme auparavant.
Ce qui m'a manqué, je dois dire, ce sont les contacts personnels que nous avions lorsque nous travaillions à Ottawa, c'est‑à‑dire la possibilité de prendre des repas ensemble, de nous gaver de petits fours et de bavarder. Cela nous a manqué, mais les membres ont tous été incroyablement coopératifs et portés à faire des efforts pour créer un esprit d'équipe.
L'une des choses qui m'a toujours parue importante, c'est d'éviter toute apparence de pensée ou de pression collective ou, à l'opposé, l'influence dominante d'une personne sur les autres. Heureusement, ce sont tous des gens assez indépendants, et il n'y a pas eu de difficultés de ce côté. J'essaie de m'assurer que chacun examine indépendamment les documents. Par la suite, nous nous réunissons pour un premier tour de table, où les candidatures suscitent des « oui », des « non » ou des « peut-être » qui permettent de voir si un consensus se dégage ou non.
Tout le processus est structuré en vue d'amener sept personnes à travaillent ensemble pour en arriver au consensus nécessaire à l'établissement d'une liste restreinte de candidats, mais aussi de façon à ce que chacun se sente libre d'exprimer sans réserve ses opinions et ses attitudes.
Je vais terminer, puisque je vois que mon temps de parole achève — mais je serai disponible pour répondre à vos questions —, en disant qu'il s'agit de candidats de grande valeur. Non seulement le travail à la Cour suprême du Canada est exigeant, mais il faut aussi mettre un effort pour préparer son acte de candidature, puisqu'il y a un questionnaire long et difficile à remplir, des discussions sur toutes sortes de questions et des références à fournir.
Les quatre fois où j'ai participé au processus, j'ai toujours été encouragée de constater la valeur des candidats. Certains d'entre eux étaient peut-être à des postes quelque peu subalternes, mais ils étaient pleins de promesses. Il n'y a pas eu une seule demande qui nous a paru fantaisiste. Au contraire, ce que nous tâchons de faire, c'est d'établir des comparaisons avec un groupe de pairs et les juges éminents qui siègent actuellement à la Cour.
Nous disposons d'un grand bassin de talents, de talents diversifiés et, fait intéressant, de talents bilingues parmi les membres de la profession juridique au pays.
Je vais m'arrêter ici, car je pense que vous voudrez peut-être poser des questions.
Je veux simplement dire que, à mes yeux — c'est la quatrième fois que je vous en parle —, le processus s'est bien déroulé. Je l'ai trouvé inspirant, mais difficile aussi pour les membres du Comité, qui ont eu à travailler très fort pour atteindre notre objectif d'établir une courte liste de trois à cinq candidats qui ferait perdre du sommeil au premier ministre quand viendrait le temps de choisir, parmi ces candidats exceptionnels, celui à nommer à la Cour suprême. Cette année, je pense que nous y sommes parvenus.
Je m'arrête. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.