Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Chers membres du Comité, je vous remercie de recevoir aujourd'hui le témoignage du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, qui représente 148 homardiers.
Les communautés côtières de la Gaspésie dépendent fortement des pêches commerciales, dont celle du homard, pour leur santé économique. Le secteur de la capture du homard représente un emploi pour près de 600 personnes.
Les usines de transformation des produits de la mer au Québec, qui dépendent de l'industrie de la capture pour fonctionner, représentent 3 500 emplois. En 2019, la pêche commerciale au Québec, qui englobe les pêches exercées par les groupes des Premières Nations, représente une valeur totale de 378 millions de dollars, au débarquement. Le homard pêché en Gaspésie représente 24 % de cette valeur totale.
Pas moins de 80 % de ces débarquements au Québec sont exportés, et 20 % restent au Canada. Cependant, lorsque l'on regarde les structures, comme celles de l'entreprise Clearwater ou de Royal Greenland Québec, le pourcentage des débarquements exportés est nettement supérieur. Par exemple, Royal Greenland, propriétaire de l'usine de transformation de Matane, a notamment fait des offres au quai pour se garantir un maximum de débarquement, comme l'a souligné M. Cormier plus tôt. Elle exporte 95 % de ses débarquements en Europe ou vers les États‑Unis, ce qui ne laisse que 5 % des produits de la mer qui sont pêchés par la capture pour nourrir les populations québécoise et canadienne.
En 2019 et en 2021, Royal Greenland a utilisé les techniques mentionnées par M. Cormier, qui sont très alarmantes pour la santé et la vitalité de nos usines de transformation canadiennes et qui permettent aux pêcheurs de profiter d'une diversité d'acheteurs.
Dans son rapport annuel de 2019, Clearwater souligne être principalement tournée vers l'exportation. En effet, c'est plus de 90 % de ses ventes qui sont destinées à l'étranger. Sa stratégie est de continuer à tirer parti de son large portefeuille d'espèces, de sa portée sur le marché mondial et de sa base de clients pour générer une croissance rentable, tout en élargissant la distribution de ses ventes sur de nouveaux marchés et canaux. On fait allusion, par exemple, à son association avec l'entreprise Premium Brands pour augmenter la productivité et réduire les coûts, nécessairement les intrants, à savoir le prix des captures, afin de générer des marges plus élevées à partir de sa chaîne d'approvisionnement mondiale verticalement intégrée.
Royal Greenland et Clearwater sont deux exemples qui démontrent que les entreprises étrangères qui participent à la transformation et donc, aux pêches, ainsi que les entreprises canadiennes ayant une logique d'intégration verticale vers l'étranger ont une incidence directe sur la sécurité alimentaire du Canada, puisque les pourcentages exportés sont nettement supérieurs à ce qui est normalement exporté par des entreprises entièrement canadiennes et locales.
Concernant Clearwater et Premium Brands, elles ne sont effectivement pas propriétaires de permis de pêche commerciale côtière. Nous avons entendu de la part du ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, que ces entreprises ne pouvaient pas obtenir de permis de pêche côtière. Cependant, Clearwater est maintenant détenue à 50 % par plusieurs groupes des Premières Nations, qui, eux, sont détenteurs de plusieurs dizaines de permis de pêche commerciale côtière. Ce sont des permis de pêche communautaires, auxquels ne s'appliquera donc pas la protection prévue par le nouveau règlement pour les propriétaires exploitants, puisque ce sont des permis communautaires.
Par un effet pervers, les permis de pêche communautaires commerciaux, actuels et futurs, qui permettent la commercialisation des captures détenues par ces groupes des Premières Nations, ne protègent pas les titulaires de permis, ce qui va à l'encontre de l'esprit du règlement et de la protection de notre ressource dans l'intérêt des Canadiens et des pêcheurs.
Dans un contexte où l'accès aux pêches par les Premières Nations augmente pour leur permettre d'atteindre un niveau de vie modéré, nous ne pourrons qu'assister à une augmentation du nombre de permis communautaires, ce qui permettra une prise de contrôle de la commercialisation des captures vulnérables, à moins que le MPO ne s'assure que l'ensemble des permis de pêche autorisant la commercialisation des captures bénéficient de la même protection.
Il nous paraît illusoire de croire que ces entreprises, comme Clearwater, qui s'inscrivent dans une stratégie d'intégration verticale et de contrôle des débouchés des captures de pêche, ne voient pas une opportunité dans un accès non protégé à un nombre croissant de permis de pêche communautaires commerciaux et dans les captures qui résultent de leur exploitation.
Dans le contexte d'une logique de corporisation des pêches, il est évident que, à défaut de garde-fous, nous verrons une érosion de la portée du Règlement sur la protection des pêches côtières, qui assure aussi la protection des propriétaires exploitants. De plus, un nombre croissant de permis de pêche commerciale seront exposés à une prise de contrôle au bénéfice d'un petit nombre d'entreprises.
Une corporatisation des pêches par des intégrations verticales et des investissements privés sert à assurer des dividendes à quelques individus seulement, à quelques familles ou à des gouvernements étrangers, comme dans le cas de Royal Greenland, qui sont actionnaires, plutôt que de donner la priorité au transfert des profits vers les communautés côtières.
Sans que l'on s'en aperçoive...