Madame la Présidente, je suis ravie d'être de retour dans l'enceinte de la Chambre des communes. Comme beaucoup de parlementaires, j'ai participé aux débats à distance pendant plusieurs mois. C'est donc un grand plaisir d'être ici aujourd'hui avec vous et tous ceux qui sont à la Chambre.
Je ferai quelques observations à propos du projet de loi C‑273, Loi concernant l'établissement d'une stratégie nationale sur le revenu de base garanti.
Qu'est-ce qu'un revenu de base garanti? Ce revenu peut prendre différentes formes, car différents scénarios de politique sont possibles. Il s'agirait essentiellement de chèques envoyés chaque mois à tous les Canadiens. Selon certains scénarios de politique, les paiements seraient aussi envoyés aux enfants. La somme versée varie selon les paramètres choisis: certains régimes prévoient quelques centaines de dollars par mois tandis que d'autres visent à couvrir tous les besoins de base, comme la Prestation canadienne d'urgence, qui était de 2 000 $ par mois, comme on le sait. Pour expliquer les choses simplement, on peut dire que le revenu de base garanti est semblable à la Prestation canadienne d'urgence, mais qu'il est versé à tout le monde et pour toujours.
Le directeur parlementaire du budget a estimé qu’un revenu de base garanti national pourrait coûter 85 milliards de dollars par an, pour atteindre 93 milliards de dollars en 2025-2026. Pour financer cette mesure au niveau fédéral, les Canadiens pourraient s’attendre à un triplement de la TPS, qui est actuellement de 5 %, ou à une augmentation de l’impôt sur le revenu des particuliers à 50 %. L’introduction d’un revenu de base après l’année la plus coûteuse de l’histoire du Canada, au cours de laquelle les dépenses du gouvernement fédéral ont atteint 650 milliards de dollars en 2020 et devraient atteindre 510 milliards de dollars en 2021, est d'autant plus inquiétante que nous n’avons reçu aucune stratégie viable et tangible sur la manière dont les libéraux vont percevoir suffisamment de revenus auprès des contribuables pour rembourser de manière responsable les 354 milliards de dollars de déficits de 2020 ou les 154 milliards de dollars de déficits prévus pour 2021. Il y a à peine six ans, le budget fédéral était de seulement 298 milliards de dollars. Depuis qu'ils sont au pouvoir, les libéraux ont doublé les dépenses nationales du Canada et parlent maintenant d’ajouter un autre programme de dépenses permanentes de 93 milliards de dollars au bilan. Les Canadiens ont le droit d'être inquiets à ce sujet.
La proposition de revenu de base ne concerne pas seulement les dépenses, bien sûr. L’un des principaux arguments est de s’attaquer à la pauvreté, et les partisans de la politique soutiennent que les avantages pour le tissu social du pays seront plus importants que les coûts. En 2019, Statistique Canada a estimé que 3,7 millions de Canadiens, soit un sur dix, vivent sous le seuil de pauvreté. Un rapport de 529 pages, assez long, rédigé par des chercheurs et des économistes de trois grandes universités canadiennes a conclu, après une enquête de trois ans, qu’un revenu de base ne serait pas le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté. Le rapport a plutôt conclu que le gouvernement devrait se concentrer sur l’amélioration des programmes existants qui ciblent déjà ceux qui en ont vraiment besoin, par exemple l’aide au loyer, les jeunes qui sortent du système de protection de l’enfance ou peut-être les Canadiens vivant avec un handicap. Les partisans du revenu de base soutiennent qu’il aidera ceux qui vivent dans les inégalités extrêmes au Canada, les sans-abri, par exemple. Nous savons que, souvent, ceux qui sont aux prises avec l’itinérance souffrent également de graves dépendances, les deux s’alimentant souvent l’une l’autre.
Je suis très préoccupée par l’incidence d’un revenu de base sur les Canadiens souffrant de dépendances. Nous savons que la COVID-19 a eu des conséquences graves, extrêmes et mortelles au Canada depuis le début de la pandémie. En fait, les surdoses ont tué plus de jeunes, et de loin, que la COVID-19. À Toronto, les appels aux ambulanciers pour une surdose d’opioïdes mortelle présumée ont augmenté de 90 % en 2020. Au Manitoba, 372 décès par surdose ont été enregistrés l’an dernier, ce qui représente un bond de 87 % par rapport à l’année précédente. En Colombie-Britannique, les dernières données indiquent que cinq personnes en moyenne meurent chaque jour d’une surdose de drogues illicites, 500 personnes étant décédées au cours des trois premiers mois de 2021 seulement. En fait, à l’échelle du Canada, dans les six mois qui ont suivi la mise en œuvre des mesures de confinement et de restriction liées à la COVID-19, on a enregistré 3 351 décès qui seraient liés à une surdose d'opioïdes, soit une augmentation de 74 % par rapport aux six mois précédents, une statistique vraiment dévastatrice.
Que se passe-t-il si nous envoyons un chèque mensuel de plusieurs milliers de dollars à ceux qui ont une grave dépendance à la drogue? Quand la PCU a été introduite, une de mes électrices, une mère, m’a appelée désespérée et terrifiée à l’idée que son fils adulte, qui était sans emploi et n’était pas admissible à la PCU, en fasse la demande, l’obtienne et fasse une rechute grave, voire mortelle. Des travailleurs de première ligne ont confirmé cette crainte, comme ceux du projet Main Street de Winnipeg, qui estiment que la PCU a fait grimper la consommation de drogues et a contribué à l’abus d’opioïdes et à la dépendance. Le revenu de base m'inquiète énormément et je n’ai pas vraiment entendu de solution cohérente pour régler le problème qu'il entraîne.
Il est difficile de sortir du cycle de la pauvreté. Nous le savons. Les données nous indiquent qu’une fois qu’une personne a été au chômage pendant plus d’un an, il peut être extrêmement difficile pour elle de réintégrer le marché du travail. Cela peut créer une dépendance aux programmes sociaux et décourager les gens de travailler. En ce sens, un revenu de base pourrait créer une sous-classe permanente au Canada.
Il est important de noter qu’il y a une dignité inhérente au travail. Les députés entendent les petites et moyennes entreprises de nos collectivités partout au Canada, particulièrement dans l’industrie des services et dans le domaine de la construction, dire qu’il est plus difficile que jamais d’embaucher des travailleurs et que les employés éventuels choisissent de profiter des programmes gouvernementaux de soutien d’urgence et de rester à la maison plutôt que d’aller travailler.
Bien sûr, des millions de Canadiens travaillent et acceptent le travail qu’ils peuvent trouver, mais pas tous. Nous savons que travailler et gagner un revenu procure des avantages économiques et sociaux. C’est nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, et cela renforce également la confiance en soi grâce à la satisfaction que procure un chèque de paie. Cela donne un but et développe la responsabilité personnelle, la croissance personnelle et la persévérance. Cela donne une structure quotidienne et une raison de se lever le matin. Nous savons que cela contribue à notre identité personnelle. Beaucoup de gens disent: « Je suis infirmière », « Je suis chauffeur routier », « Je suis scientifique » ou « Je suis propriétaire d’une petite entreprise ». Cela fait partie de notre identité.
Comme le disait Sean Speer dans le Financial Post il y a quelques années, « Le travail est l’une de ces activités et institutions cruciales qui forment la base d’une bonne vie. »
Mon grand-père est décédé récemment. Il avait 91 ans et il était né dans les Prairies, dans la dernière génération de pionniers au Canada. Il y avait très peu de programmes de soutien gouvernementaux à ses débuts. La PCU et les soins de santé publics étaient inconnus à l’époque. Les gens devaient simplement travailler très fort chaque jour, sinon ils ne mangeaient pas.
Aujourd’hui, nous avons mis en place une société plus douce et plus compatissante qui prend soin des gens lorsqu’ils traversent des moments difficiles, et c’est très bien ainsi. La génération de mes grands-parents a construit le pays fort et prospère qui permet ce type de générosité publique au Canada. Cependant, vers la fin de sa vie, mon grand-père a fait remarquer qu’il lui semblait parfois que les jeunes avaient le sentiment d’avoir droit à une vie facile et confortable, sans avoir à se battre. En tant que jeune, j’ai aussi cette impression.
L’année dernière, quand la PCU a été présentée pour la première fois et que les libéraux ont créé une version étudiante de ce programme, il se trouve que c’était au moment où les ressources alimentaires de notre pays étaient menacées. Chaque année, le Canada fait venir environ 40 000 travailleurs étrangers temporaires, généralement d’Amérique centrale, pour travailler dans notre secteur agricole et produire les aliments qui nourrissent les Canadiens et, en fait, le monde entier.
Cependant, avec la fermeture des frontières, il était très difficile de faire entrer ces travailleurs et nos chaînes d’approvisionnement alimentaire étaient en danger. Maintenant, avec la disparition de dizaines de milliers d’emplois dans le secteur du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration et des bars, de nombreux étudiants qui dépendaient de ce travail pour leur emploi d’été — comme moi à une certaine époque — n’ont évidemment pas eu les mêmes possibilités.
À l’époque, il y a un peu plus d’un an, les conservateurs ont proposé, à titre de mesure temporaire, de faire travailler des jeunes robustes et pleins d’énergie dans notre secteur agricole. Ils pourraient cueillir des fruits, travailler dans les champs, vivre dans des fermes pendant l’été, contribuer à la lutte contre la COVID et protéger réellement nos chaînes d’approvisionnement alimentaire.
Cette proposition a été accueillie avec beaucoup d’appréhension, c’est le moins que l’on puisse dire. En fait, quand j’ai consulté des leaders étudiants sur cette idée pendant les travaux du comité, une étudiante, et je ne l’oublierai jamais, a dit que les étudiants vont à l’université pour ne pas avoir à faire ces travaux. C’est ce qu’elle a dit. Cela venait d’une étudiante qui, lors d’une réunion du comité, demandait que le gouvernement accorde des subventions aux étudiants.
La prestation pour étudiants était importante, et je suis heureuse qu’elle ait été offerte. Cependant, j’ai trouvé ces commentaires très décourageants, non seulement pour la jeune génération, mais aussi pour ce qui était sous-entendu, à savoir qu’un emploi de manœuvre ou un emploi de premier échelon exigeant peu de compétences ou d’études complexes n’était en quelque sorte pas respectable, ou que ces emplois étaient indignes de certains Canadiens, notamment, semble-t-il, de certaines élites universitaires qui méprisent peut-être une journée de travail honnête au soleil.
Quel message cela envoie-t-il à ceux qui aspirent à percer sur le marché du travail au bas de l’échelle, ou aux millions de Canadiens qui doivent travailler au salaire minimum? J’étais l’une d’entre eux. J’ai occupé des dizaines d’emplois de ce type, dans la restauration, la vente au détail et le travail manuel. Je les ai tous faits, et cela a fait de moi une meilleure personne. Cela m’a appris la valeur du travail acharné. Cela a façonné mon éthique de travail et mon caractère. J’ai acquis beaucoup de compétences précieuses qui me sont très utiles aujourd’hui. Je pourrais continuer à parler de la valeur que le travail à temps partiel a ajoutée à ma vie depuis l’âge de 14 ans.
Nous savons qu’il n’y a pas de meilleur moyen de sortir de la pauvreté que de trouver un emploi, même au bas de l'échelle. En fin de compte, rien ne vaut l’expérience, les compétences et la socialisation.
En conclusion, ce sont les raisons pour les conservateurs et le chef de l’opposition, le député de Durham, se concentrent sur un plan de relance de l’emploi après la destruction économique de la pandémie de COVID-19. La priorité numéro un d’un gouvernement conservateur fédéral serait de récupérer et de créer un million d’emplois, de faire en sorte que toutes les industries du Canada fonctionnent à plein régime et de ne laisser aucune région ou population du pays de côté.
Pendant ce temps, les libéraux sont ici pour parler du revenu de base, qui consiste à donner plus d’argent à tout le monde pour toujours. Nous savons que ce n’est pas un plan pour l’emploi. Ce n’est certainement pas un plan de relance économique. Les conservateurs veulent créer une reprise économique inclusive qui construira un Canada plus fort avec plus de possibilités pour tous, afin qu’ils puissent réussir sur le marché du travail et ne pas avoir besoin de recevoir des chèques du gouvernement tous les mois. C’est notre objectif et ce sera notre priorité numéro un si nous formons le gouvernement après les prochaines élections.