Monsieur le Président, je remercie le député de Calgary-Centre de partager son temps de parole avec moi au sujet du projet de loi S-3.
Le 31 décembre 2020, les travailleurs extracôtiers de l’industrie du pétrole et du gaz ont été privés instantanément de leurs protections en matière de santé et de sécurité. C’est en effet à cette date qu’ont expiré les règlements transitoires, c’est-à-dire les règlements temporaires sur la sécurité des travailleurs qui avaient été mis en œuvre six ans plus tôt, dans la version de 2014 de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.
Depuis cette date, c’est-à-dire depuis presque quatre mois, aucun règlement codifié ne protège les droits des travailleurs extracôtiers en matière de santé et de sécurité, alors qu’ils continuent d’effectuer, chaque jour, des opérations difficiles et parfois risquées. En 2021, aucun travailleur canadien ne devrait avoir à compromettre sa sécurité sans être protégé par des règlements sur la santé et la sécurité.
Le projet de loi S-3 propose de prolonger les mêmes règlements transitoires pour deux ans, jusqu’à la fin de 2022, afin de donner le temps au gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre les règlements permanents qu’on attend depuis longtemps. Au cours de l’étude de ce projet de loi, le comité a entendu un grand nombre de témoins, notamment le ministre et ses collaborateurs, l’industrie, les syndicats et de simples particuliers.
Pour montrer à tous l’importance de ce projet de loi et de l’étude approfondie dont il a fait l’objet, je vais parler de Robert Decker. Son nom a été mentionné à quelques reprises aujourd’hui, car c’est le seul survivant de l’écrasement de l’hélicoptère en 2009. Il n’en parle pas souvent en public, mais il nous a transmis le récit de son expérience. Le fait qu’il ait pris la peine de nous contacter et de nous envoyer ce récit témoigne non seulement de l’importance de la sécurité, ce dont nous sommes tous conscients, mais aussi de la nécessité d’adopter rapidement ce projet de loi.
La santé et la sécurité dans la zone extracôtière méritent notre attention, car elles font ressortir un rôle fondamental du gouvernement, soit la protection de ses citoyens. Malheureusement, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes trop souvent obligés de rappeler au gouvernement ce rôle qui est le sien, et c’est déplorable.
Qu’il s’agisse de la protection de nos collectivités, de la sécurité des femmes violentées par leur conjoint, ou de la protection des femmes dans les forces armées qui sont victimes d’inconduite sexuelle, nous sommes constamment obligés de rappeler vigoureusement au gouvernement les responsabilités qui sont les siennes. Pourquoi est-il si difficile pour le gouvernement d’assumer la responsabilité de protéger les travailleurs canadiens?
Les travailleurs extracôtiers devraient pouvoir se présenter chaque jour sur leur lieu de travail en se disant qu’ils bénéficient de la protection de règlements adéquats et qu’ils pourront donc rentrer chez eux le soir, auprès de leurs familles. Pour beaucoup de gens des provinces de l’Atlantique, y compris de ma belle province de la Nouvelle-Écosse, ce n’est pas seulement une question de loi, c’est une question personnelle, qui a un impact sur leur vie et sur celle des êtres qui leur sont chers.
Au cours des dernières décennies, la province de Terre-Neuve-et-Labrador a connu plusieurs tragédies extracôtières, dont certaines ont été mentionnées aujourd’hui. Il y a eu la catastrophe de l’Ocean Ranger, le jour de la Saint-Valentin, en 1982. L’Ocean Ranger était une plateforme de forage semi-submersible, qu'on pensait indestructible. Permettez-moi de vous rappeler brièvement les circonstances de cette tragédie.
Le 14 février 1982, la tempête qui est survenue au large de la côte de Terre-Neuve a fait basculer la plateforme, ce qui a causé la mort des 84 personnes qui se trouvaient à son bord. Il n’y a eu aucun survivant. C’était notre pire tragédie en mer depuis la Seconde Guerre mondiale. M. Darryl Reid, un très bon ami du sénateur Wells qui appuie ce projet de loi et qui l’a défendu avec ardeur, était l’une des 84 victimes. Gerald Keddy, un ancien député, avait auparavant travaillé sur l’Ocean Ranger. Ce jour-là, il a perdu plusieurs amis.
À Terre-Neuve-et-Labrador, comme en Nouvelle-Écosse, ces tragédies touchent durement la population parce qu’il s’agit de petites collectivités tricotées serré, où les gens se connaissent tous. Je comprends tout à fait ce qu’ils peuvent ressentir. La Nouvelle-Écosse a eu elle aussi sa part de tragédies l’an dernier, qui ont touché tout le monde. Chacun connaît quelqu’un qui a été touché par l’une d’entre elles.
Ensuite, près de 30 années plus tard, le 12 mars 2009, il y a eu la tragédie du vol 491. L’hélicoptère Cougar s’est écrasé dans l’Atlantique Nord à cause de problèmes mécaniques. Il emmenait 18 travailleurs extracôtiers sur des plates-formes pétrolières au large de Terre-Neuve. Malheureusement, 17 d’entre eux ont perdu la vie, le seul survivant étant Robert Decker.
Je comprends et je partage la frustration du sénateur Wells quand je vois que le ministre qui est responsable d’élaborer des règlements permanents et qui ne l’a pas fait vient lui aussi de Terre-Neuve-et-Labrador. Encore une fois, je trouve regrettable de devoir intervenir pour que soit assurée la protection de ces travailleurs courageux, qui sont obligés de prendre beaucoup plus de risques que d’autres personnes.
Les catastrophes, comme celles mentionnées précédemment, ont causé tant de ravages chez les Terre-Neuviens. Elles les ont profondément marqués. Comme la tragédie de Portapique en Nouvelle-Écosse, personne ne l’oublie, même après plusieurs années. Les victimes de toute tragédie ne devraient jamais être oubliées. La législation et la réglementation en matière de santé et de sécurité touchent beaucoup de gens. Renforcer la santé et la sécurité en zone extracôtière, c’est réduire la probabilité que de tels accidents dévastateurs se produisent et que plus de parents, de conjoints et d’enfants passent leur vie dans le deuil.
Au Canada, la priorité accordée à la santé et à la sécurité de nos travailleurs ne devrait jamais faire l’objet d’un débat; elle devrait être une évidence. De nombreuses industries canadiennes investissent du temps et de l’argent dans la création d’une culture de sécurité et travaillent sans relâche pour assurer la sécurité des travailleurs. Les travailleurs extracôtiers méritent de savoir que nous nous soucions de leur sécurité.
Les offices des hydrocarbures extracôtiers, celui de Terre-Neuve-et-Labrador et celui de la Nouvelle-Écosse, jouent un rôle essentiel dans l’atteinte de nos objectifs en matière de santé et de sécurité. Toutefois, ces offices ne peuvent y arriver seuls; ils ont besoin de la coopération du gouvernement pour prioriser ces questions et faire avancer les lois et règlements nécessaires.
La Loi de 2014 sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière était un pas en avant prometteur. Le projet de loi S-3 demande simplement une prolongation de deux ans. Le résumé législatif du gouvernement indique qu’elle est nécessaire en raison de la complexité des règlements et de la nécessité d’obtenir l’accord de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse qui, j’en suis sûr, sont prêtes à agir.
La Loi de 2014 sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière trace la voie vers une réglementation permanente en matière de santé et de sécurité pour nos activités extracôtières de l’Atlantique. Cependant, je comprends que la mise en place de règlements permanents en matière de SST est un acte qui nécessite une étude et une coordination. C’est pourquoi des règlements transitoires ont été mis en place lors de l’adoption de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, accordant au gouvernement une période de cinq ans pour procéder à l’analyse nécessaire et produire des règlements permanents. Ces règlements transitoires s’imposaient à l’époque, mais des éléments cruciaux ont tout de même été retardés en attendant cette période de cinq ans, notamment la création d’un conseil consultatif sur la santé et la sécurité au travail. Ce que peu de gens savent, c’est qu’une prolongation a déjà été accordée dans le deuxième budget de 2018. Il s’agissait d’une prolongation d’un an glissée dans le projet de loi omnibus de 884 pages.
Les travailleurs extracôtiers attendent depuis trop longtemps. Le projet de loi S-3 devrait représenter la dernière prolongation de la date limite pour l’adoption des règlements permanents en matière de santé et de sécurité.
De plus, le ministère des Ressources naturelles doit soumettre à la Chambre un rapport d’étape sur la mise en œuvre avant la fin de la session parlementaire, y compris le calendrier de mise en œuvre jusqu’à l’expiration des règlements transitoires.
Le gouvernement a laissé tomber nos travailleurs. Je répète ma question: qu’est-ce qui est plus important pour le gouvernement que d’assurer la sécurité de certains de nos travailleurs les plus à risque? Au cours des six dernières années, le gouvernement n’a pas su trouver le temps d’élaborer des règlements permanents, des règlements simples et précis fondés sur les règlements provinciaux et fédéraux existants et sur les pratiques de l'office, y compris les dispositions sur les conditions de licence. Pourquoi faut-il tant de temps et pourquoi faisons-nous des pieds et des mains pour obtenir une prolongation quelques semaines après l’expiration des règlements transitoires, quelques jours après l’ajournement du Parlement jusqu'en 2021, en décembre?
La sécurité des citoyens est une responsabilité fondamentale du gouvernement. Bien sûr, nous voulons que la Chambre des communes adopte rapidement ce projet de loi afin que les travailleurs puissent être protégés. Encore une fois, la plus grande question qui continue à me venir à l’esprit est la suivante: pourquoi avons-nous mis six ans pour en arriver là?
Après ces brefs commentaires, j’ai hâte de répondre à quelques questions avant de devoir me rendre à la réunion du comité de la santé, qui est déjà commencée.