Monsieur le Président, comme vont le voir mes collègues, mon discours a plusieurs traits communs avec celui de mon collègue de Central Okanagan—Similkameen—Nicola.
Je pense que, pendant l'étude, les verts, les conservateurs et le Bloc québécois ont vécu les mêmes frustrations au sein de ce comité. Malgré cela, le Bloc québécois votera en faveur du projet de loi C‑12, en dépit de ses écueils, parce que nous sommes d'accord sur l'objectif de carboneutralité d'ici 2050, établi dans l'Accord de Paris.
Cependant, je rappelle que le gouvernement a fait le choix de retarder l'inscription du projet de loi C‑12 aux affaires de la Chambre pendant plus de quatre mois. Il aura fallu que les groupes environnementaux fassent pression sur le gouvernement pour qu'il le dépose finalement à la Chambre.
Sa présentation a eu lieu en novembre dernier, et le ministre de l'Environnement annonçait en décembre, avant même que nous en ayons discuté au comité, la constitution de son comité consultatif. En avril, le premier ministre a déclaré toute son ambition climatique devant le président Biden en indiquant les cibles de réduction de 40 à 45 % d'ici 2030. C'est finalement à la mi‑mai seulement que le projet de loi C‑12 se retrouve devant le Comité, à quelques semaines de la fin de la session parlementaire. À notre avis, le calcul du gouvernement est clair: peu de temps pour recevoir les témoins, peu de temps pour lire les correspondances ou les nombreux mémoires adressés aux membres du Comité et, enfin, un processus article par article expéditif, tronqué et, comme l'ont dit certains membres du Comité, aux conclusions déjà établies.
Le gouvernement a bafoué des éléments importants du processus législatif en imposant ce programme et les délais qui ont suivi. Je ne suis pas la seule à tirer ces conclusions. Comme il y a urgence d'agir, on se penche maintenant sur l'affaire émanant du gouvernement no 9. La véritable urgence, c'est l'urgence climatique. Nous avions espoir que les partis qui s'évertuent à clamer leurs préoccupations en faveur d'une loi-climat robuste et rigoureuse, qui s'inscrit dans la transparence et la reddition de comptes et qui est guidée par la science, allaient tenir parole. Je peux le dire immédiatement: les déceptions sont au rendez-vous.
De son côté, le gouvernement, par l'entremise du ministre de l'Environnement et du ministre du Patrimoine canadien, a été explicite: des cibles allaient être inscrites dans le projet de loi. Il la fait deux fois plutôt qu'une; il l'a fait une fois à la Chambre et une autre fois au comité. Lors de la réunion du 17 mai, à 14 h 51, le ministre confirmait ce qui suit à ma collègue d'Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia: « Oui, la nouvelle fourchette cible de 40 à 45 % que nous avons annoncée comme objectif pour 2030 sera une exigence de la Loi. »
Les deux ministres, soit le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l'Environnement, ont menti: aucune cible chiffrée n'y a finalement été inscrite. Nous avons travaillé rapidement, et nous avons dû accélérer la cadence à cause de l'échéancier dont j'ai parlé plus tôt. Cependant, nous avons quand même écouté les propos et les conseils de différents experts sur les éléments clés requis pour l'élaboration d'un projet de loi climatique ambitieux.
Plus important encore, compte tenu des bilans des émissions de gaz à effet de serre du Canada et de ses échecs passés lamentables, il nous importait d'établir quelle serait la feuille de route pour ériger un projet de loi qui permettrait au Canada d'honorer ses engagements internationaux en vertu de l'Accord de Paris, c'est‑à‑dire une législation qui assurerait aux Québécois et aux Québécoises ainsi qu'aux Canadiennes et aux Canadiens une démarche sérieuse vers la carboneutralité, une transition verte et juste et un avenir pour les générations futures. C'est de cela qu'il s'agit. Il s'agit de la vie de nos collectivités telles qu'on peut les concevoir pour les générations futures.
D'excellents conseils nous ont été transmis, mais le gouvernement, avec l'appui calculé et négocié du NPD, n'a pas produit l'essentiel de ce qui était requis, et ce, malgré la science et ce qu'elle nous indique, malgré ce qu'ont clairement exprimé, au fil des ans, les experts provenant d'à peu près tous les secteurs de l'économie, dont des experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et de l'Agence internationale de l'énergie et d'autres, malgré que le temps presse et que les pas ne remplaceront pas les sauts et les bonds qui sont requis, et malgré les amendements rigoureux qui ont été présentés par le Bloc québécois et qui ont été systématiquement refusés, à l'exception d'un seul amendement sur 33.
Pendant le temps qui m'est réservé, je ne vais pas parler de tout ce qui s'est passé en comité, mon collègue l'a fait abondamment, mais je vais vous parler de l'autre comité, celui que le ministre de l'Environnement et du Changement climatique a nommé en décembre, le même qui a porté, depuis décembre, les titres suivants de la part du gouvernement. Selon les circonstances, mes collègues verront que c'est un véritable pêle-mêle.
Ce comité a commencé par s'appeler le « groupe d'experts consultatifs », ce n’était pas mal, on commençait bien, mais cela s'est gâté. Ensuite, il s'est appelé le « comité indépendant consultatif », « le comité ministériel sur la carboneutralité », le « comité consultatif sur la carboneutralité ». Mes collègues qui trouvent que c'est un méli-mélo ont tout à fait raison.
Maintenant, tout ce qui concerne l'organisation de ce que le projet de loi C‑12 nomme désormais le « groupe consultatif pour la carboneutralité » est déterminant pour que le Canada puisse dire qu'il a une loi-climat digne de ce nom, pas seulement pour que le parti du gouvernement déclenche une élection en disant qu'il a une belle loi-climat et qu'il faut voter pour lui.
Le groupe consultatif, sa composition, son mandat, ses responsabilités et attributions, son fonctionnement et ses ressources sont tous des éléments que le Bloc québécois a tenté de préciser dans le seul but de retrouver dans ce projet de loi ce qu'il était censé promouvoir: la transparence et la responsabilisation de l'État devant l'urgence climatique. Ces éléments que je viens de mentionner n'étaient à peu près pas abordés dans la version initiale du projet de loi C‑12.
Dans sa version amendée, le NPD aura déçu en ajoutant le mot « indépendant » au dit comité après le mot « conseils ». Pourtant, fournir des conseils indépendants et avoir un comité indépendant, cela ne signifie pas du tout la même chose. En refusant les amendements que nous proposions, le maigre qualificatif du NPD n'est malheureusement qu'esthétique et sans réelle portée juridique. L'expert du ministère présent à nos travaux l'aura confirmé sans ambiguïté.
La climatologue Corinne Le Quéré est venue témoigner. Elle est présidente du Haut Conseil pour le climat, en France, et membre du Climate Change Commitee, au Royaume‑Uni. Elle a participé à plusieurs études du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, elle a donc de vastes connaissances et de vastes compétences. Elle dit ce qui suit:
[...] le design actuel de la loi fait que le groupe consultatif est trop près du ministre, et l'indépendance n'est pas tout à fait assez visible. Cela doit être sans lien de dépendance. Or la distance n'est pas très visible.
Parlons maintenant des consultations. Nous voulons que des consultations rigoureuses aient lieu auprès des différents secteurs de l'économie, des acteurs gouvernementaux, dans le respect du Québec, des provinces, des peuples autochtones et de la société civile, cela va de soi. Toutefois, les consultations doivent être guidées par ceux-là mêmes qui détiennent l'expertise et les savoirs scientifiques en matière de changements climatiques, et non l'inverse.
Quand j'écoute la science, je ne suis pas en train d'écouter une multitude de positions et de propositions venant de tous les horizons, des intérêts parfois conciliables et des intérêts parfois divergents. Les personnes les mieux placées pour nous dresser un parcours lorsqu'elles sont indépendantes, en tant qu'individus ou en tant que comité, consultent autrui, accueillent les positions et les propositions et les analysent à la lumière des exigences de la crise climatique et des solutions que l'expertise scientifique peut nous offrir.
Je vais me permettre de faire mention d'un amendement avec lequel le NPD va essayer de faire beaucoup de millage, j'en suis certaine. Il s'agit de celui qui exige que le premier plan du ministre comporte un objectif pour 2026. Que mes collègues ne s'y méprennent pas: l'expert présent à l'étude a affirmé qu'un objectif, ce n'est pas la même chose qu'une cible. Le député de Skeena—Bulkley Valley nous révélera que son amendement négocié, c'est essentiellement le fruit de l'abandon, je vais le citer:
J'aurais moi aussi préféré un autre libellé, mais l'exercice vise à obtenir un appui suffisant pour que ces changements soient adoptés par le comité. C'est le libellé qui, selon nous, obtiendra l'accord de la majorité des membres du comité. Je pense que le mot « objectif » est suffisamment clair pour que la plupart des gens comprennent [...] C'est en tout cas ce que j'en comprends. J'espère que le gouvernement en déduira la même chose.
Je lui souhaite bonne chance avec cela, parce que, l'espoir, ce n'est pas un outil de gestion pour affronter une crise climatique; je pense qu'il est bon de le rappeler aux collègues néo-démocrates.
La fin de semaine qui a succédé aux premières rencontres de l'étude article par article, la boîte vocale de mon bureau a été prise d'assaut par des citoyens inquiets de Kingston, de Victoria, de Sudbury, entre autres, à l'écoute des travaux du comité qui exprimaient leur grande déception en tant que membres du NPD, deux citoyens allant même jusqu'à dire, en parlant du dossier environnemental: « The Bloc québécois is the only real opposition left in Ottawa. » Cela ne s'invente pas.
Le Canada imposera-t-il l'impossible aux prochaines générations en n'accordant qu'une importance de façade à cette responsabilité, qui est la sienne maintenant, et pas dans six mois ou un an?
Le Bloc québécois est un parti intègre qui est allé jusqu'au bout de ses convictions. Nous avons tenu parole dans le dossier de la responsabilité climatique pour le bien commun, pour plus de transparence, pour plus de démocratie, pour plus de rigueur et pour plus de résultats.
Nous avions proposé une cible de 37,5 % du niveau de 1990, année également retenue par Québec et les 27 pays de l'Union européenne. Le Canada, lui, a choisi comme référence l'année 2005, mettant ainsi une croix sur 15 ans de pollution.
Nous avons devant nous une course à laquelle nous ne pouvons nous soustraire, mais nous n'avons que des espadrilles sans lacets. J'en suis inquiète. L'ensemble de la population du Québec et du Canada devrait l'être aussi. Nous n'avons pas pu aller au bout du processus à cause de la façon dont le gouvernement, allié aux néo-démocrates, a mené cet important débat.
On pourrait attendre à l'automne avant de soumettre le projet de loi C‑ 12 à un vote. Après tout, le gouvernement a attendu six mois avant de le déposer à la Chambre puis de le renvoyer au comité. Au lieu de déclencher des élections cet été, pourquoi ne pas continuer nos travaux et attendre à l'automne avant de discuter et de compléter de façon exemplaire ce projet de loi? Ce ne sera pourtant pas le cas, car le gouvernement veut davantage se présenter à l'électorat en lui montrant à quel point il est bien bon.