Madame la présidente, je suis fier de m'adresser à vous en français ce soir, à titre de député de la nation québécoise et député de Portneuf—Jacques-Cartier.
Les questions linguistiques ont toujours été très importantes pour moi. Je siège au sein de la Section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et en plus j'ai une responsabilité à l'international. J'ai le privilège de présider la Commission des affaires parlementaires qui représente plus de 88 parlements qui utilisent la langue française et qui en font la promotion.
Allons droit au but. Il faut admettre qu'il y a un réel déclin de la langue de Molière dans la belle province qu'est le Québec, particulièrement dans la région de Montréal, et cela m'inquiète beaucoup. La situation est similaire à l'extérieur du Québec dans les communautés francophones et nous nous devons comme parlementaires d'en assurer la protection. Les statistiques montrent, hors de tout doute, une perte de vitesse quant à l'utilisation du français parlé autant dans le commerce que dans les chaumières du Québec.
Un article du Devoir paru en 2019 mentionnait que les gens utilisant le français parlé le plus souvent à la maison diminuent de 1 %. Des écarts mineurs, si on regarde uniquement le chiffre. Toutefois, si on perd 1 % par année, nous allons perdre beaucoup et les francophones vont perdre l'écoute de leur communauté.
Ce sont des écarts qui sont en apparence mineurs, mais qui vont se révéler une perte énorme dans les 20 prochaines années. Il faut réagir.
La population québécoise est véritablement inquiète. Selon un sondage de la firme Léger, près de six Québécois sur dix jugent que la situation s'est dégradée au cours de la dernière décennie. La même proportion estime que la place du français continuera de reculer au cours de la prochaine décennie. Soixante-trois pour cent des répondants se disent préoccupés par la situation du français. Je tiens à le réitérer: je suis vraiment inquiet pour nos générations futures.
Cependant, ce qui m'embarrasse le plus, c'est de constater l'inaction du gouvernement libéral. Sincèrement, je me pose souvent la question. Où sont les députés libéraux du Québec, depuis l'élection de ce gouvernement qui a fait des promesses dans le dossier des langues officielles, il y a cinq ans, en 2015?
Je dois avouer qu'au cours de la dernière année et des derniers jours, le caucus libéral du Québec a démontré qu'il n'est pas respectueux et crédible quand on parle de la langue française. Tout d'abord, dans le scandale UNIS, le gouvernement libéral a donné un contrat sans appel d'offres à une organisation n'ayant aucune racine au Québec et n'ayant aucune façon de communiquer avec les francophones du Canada.
Par la suite, le ministre du Patrimoine canadien, un Québécois, a présenté, au cours des dernières semaines, le projet de loi C-10 qui modernisera la Loi sur la radiodiffusion. Il n'y a aucune disposition visant à s'assurer que le français sera protégé.
Comme si ce n'était pas assez, la députée de Saint-Laurent a douté du déclin du français à Montréal et la présidente du Parti libéral du Canada pour le Québec en a rajouté. Elle n'a surtout pas mâché ses mots, afin de dire que la loi 101 est tout simplement opprimante.
Nous aurions pu croire à des écarts de jugement ou à une mauvaise interprétation des propos de la députée de Saint-Laurent. Cependant, quelques minutes après avoir démissionné de son poste au Comité permanent des langues officielles, la députée de Saint-Laurent a récidivé. Elle a attribué la mention « j'aime » à un gazouillis affirmant que la crise entourant le déclin du français était exagérée. Sérieusement, c'est inacceptable. Est-ce que c'est la pensée des députés libéraux du Québec qu'elle a manifestée? Peut-être.
En additionnant tous ses éléments, nous pouvons affirmer que nous connaissons la véritable opinion du gouvernement actuel sur le déclin du français, et ce, malgré toutes les belles paroles de la ministre des Langues officielles et du leader du gouvernement à la Chambre des communes. La ministre des Langues officielles aime souvent dire dans cette enceinte que notre formation politique n'a aucune leçon à donner à son parti. J'aimerais simplement profiter de l'occasion pour lui rappeler que c'est le Parti conservateur du Canada, dirigé par l'honorable Brian Mulroney, qui a abrogé la Loi sur les langues officielles en 1988. Les libéraux peuvent se pavaner hors de la Chambre et affirmer qu'ils sont ceux qui ont instauré cette Loi en 1969, mais, encore une fois, l'histoire montre que c'est le Parti conservateur qui a dû améliorer les politiques instaurées par le Parti libéral.
Cette affirmation ne vient pas sans fondement. Selon Mme Linda Cardinal, politologue de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l'Université d'Ottawa, « la loi de 1969 n'avait pas grande force. Elle conférait surtout des droits politiques là où la loi de 1988 s'inscrit plus dans le registre des droits humains. »
Le Parti conservateur a toujours eu comme priorité la défense des intérêts des citoyens de partout au pays, et la modification de cette loi a certainement contribué à aider le sort de tous les francophones au pays. Cependant, une révision de la loi est maintenant essentielle, parce que nous sommes en 2020 et que cette loi n'a pas été modernisée depuis plus de 30 ans.
En 2017, le Commissariat aux langues officielles invitait les parlementaires à moderniser cette loi. Cependant, ce gouvernement ne fait que parler, comme dans la chanson d'une chanteuse bien connue: « Paroles, paroles, paroles. » Je ne la chante pas aussi bien que la députée de Shefford. Je n'ai pas ce talent.
J'ajouterais que le gouvernement n'a pas que des paroles à offrir aux Canadiens. Lorsqu'il est temps de mettre en œuvre des plans, ce gouvernement en est incapable.
En juin 2018, Mark Power et Darius Bossé, avocats en droit linguistique, écrivaient dans une lettre d'opinion: « La pérennité du français au Canada exige une révision profonde de la Loi sur les langues officielles fédérale. » Je pourrais mentionner encore plusieurs autres spécialistes qui critiquent la situation actuelle publiquement. Malgré tout, on constate qu'il n'y a aucune sensibilité linguistique de la part de ce gouvernement. Encore à ce jour, la députée d'Ahuntsic-Cartierville et ministre des Langues officielles n'est pas en mesure de nous dire quand elle déposera une modernisation de la loi.
En travaillant sur ce discours, j'ai été étonné de constater que l'actuel ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie de ce gouvernement a voté contre la motion conservatrice déposée en 2006 qui reconnaissait la nation québécoise et, par le fait même, l'importance de la langue française au Québec. Pire encore, 15 députés libéraux ont voté contre cette motion. C'est sans compter ceux qui ne se sont pas présentés au Parlement. Ce sont 15 libéraux qui ont voté contre cette motion, et plusieurs autres étaient absents. Nous pouvons donc en conclure que la députée de Saint-Laurent n'est pas la seule à ne pas se préoccuper réellement du déclin du français au sein du caucus du Parti libéral du Canada.
De notre côté de la Chambre, il y a un véritable consensus. Notre chef l'a annoncé publiquement il y a plusieurs mois. Il n'a pas fait preuve d'opportunisme politique comme les députés d'en face. Il est clair sur la question, et notre caucus également. Nous allons toujours respecter les champs de compétence du Québec et travailler de concert avec les élus québécois, et ce, comme de réels partenaires.
Nous sommes en accord avec le gouvernement Legault afin d'appliquer la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale au Québec. Les Québécois méritent d'être représentés par des députés qui vont se tenir debout pour eux, qui vont défendre la langue française et qui sont capables de dire haut et fort, sans aucune ambiguïté, qu'il y a un déclin du français au Québec et à Montréal.
J'aimerais terminer ce discours en utilisant une phrase célèbre d'Albert Camus, car elle représente l'essence même de mon engagement en politique, et elle devrait inspirer la députée de Saint-Laurent et les autres députés du Parti libéral: la démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.
Les députés libéraux du Québec ont manqué à leur devoir et la ministre des Langues officielles ne fait rien pour régler la situation, mais nous, nous allons continuer de protéger et de défendre nos deux langues officielles à Montréal, au Québec et partout au Canada.