Monsieur le Président, pour reprendre là où j'en étais, le projet de loi C-6 propose un certain nombre d'infractions. Certaines protègent toutes les personnes qui sont touchées par une thérapie de conversion et d'autres se concentrent sur les enfants en particulier. Tout le monde serait protégé par les infractions qui interdiraient de dégager des profits provenant de la prestation de thérapies de conversion ainsi que de faire de la publicité en vue d'offrir de telles thérapies. Ces infractions réduiraient l'accessibilité à la thérapie de conversion et diminueraient la propagation des messages publics discriminatoires qui y sont associés. L'objectif est d'empêcher que les Canadiens soient soumis à cette pratique odieuse.
Point important, le projet de loi C-6 adopte une position ferme en ce qui concerne la protection des enfants contre la thérapie de conversion. Faire suivre une thérapie de conversion à des mineurs et agir en vue de faire passer un enfant résidant habituellement au Canada à l'étranger pour qu'il y subisse une telle thérapie deviendraient des actes criminels.
En bref, les mesures de protection des enfants prévues dans le projet de loi C-6 sont exhaustives. Elles reviennent à une interdiction pénale complète. Cette approche répond directement aux torts durables que la thérapie de conversion cause chez les enfants. Les données montrent que les efforts pour changer l'orientation sexuelle d'un adolescent sont associés à de multiples indicateurs de problèmes de santé et d'adaptation au début de l'âge adulte. Plus précisément, de telles tentatives visant à changer un aspect fondamental de l'identité d'une personne sont associées à une hausse des symptômes de dépression et des comportements suicidaires, ainsi qu'à de faibles niveaux de satisfaction personnelle, de soutien social et de statut socioéconomique pour les jeunes adultes.
Nous savons que la thérapie de conversion est liée à de multiples domaines de fonctionnement qui touche l'autonomie en matière de soins de santé, le bien-être et l'adaptation. Nous savons également que les jeunes sont particulièrement susceptibles d'être contraints de suivre une thérapie de conversion. Dans le cadre de la revue systémique d'articles évalués par des pairs sur la thérapie de conversion qu'elle a effectuée en 2009, l'American Psychological Association a noté que l'intervention coercitive et les centres résidentiels pour les jeunes posent de graves problèmes « en raison des traitements préconisés qui n'ont pas de fondement scientifique et des risques de préjudice causé par la coercition, la stigmatisation, le caractère inapproprié du niveau et du type de traitement et la restriction de la liberté ».
L'association a fait remarquer que de telles interventions:
[...] peuvent poser de sérieux risques de préjudice, être en conflit avec les impératifs éthiques visant à maximiser la prise de décision autonome et l'autodétermination des clients et ne présenter aucun avantage documenté.
Nous savons que les enfants sont souvent soumis aux formes les plus invasives de thérapie de conversion et qu'ils sont les moins susceptibles d'avoir le pouvoir de s'y opposer. Ils sont également les plus vulnérables aux effets néfastes des thérapies de conversion. Selon les recherches, les années formatrices pendant lesquelles les jeunes grandissent et explorent leur identité peuvent déterminer leur futur bien-être. Le message que leur identité ou leur sexualité est inacceptable et la volonté de la déterminer à leur place, en particulier à ce stade précoce de leur vie, peuvent entraîner de graves dommages psychologiques, voire la mort par suicide.
Le projet de loi C-6 est nécessaire à cause de ces données inquiétantes. Il vise à protéger tous les jeunes de moins de 18 ans des préjudices de la thérapie de conversion en proposant la création de nouvelles infractions. Il envoie un message clair en assurant aux enfants un cadre protégé où ils pourront grandir et se développer en sécurité. Il dit la vérité aux Canadiens: imposer une identité sexuelle aux enfants leur fait du tort. On ne doit jamais le faire. Chose importante, le projet de loi C-6 garantit une aide légitime aux jeunes qui expriment un doute quant à leur orientation ou leur identité sexuelles et il veille à ce qu'on n'accuse pas involontairement les gens qui fournissent cette aide d'avoir commis un acte criminel. En effet, les thérapies et les interventions légitimes aident les enfants, et tout le monde d'ailleurs, notamment pour qu'ils se fassent accepter comme ils se définissent eux-mêmes, sans leur dicter une issue en particulier. L'aide légitime est offerte dans un environnement qui accepte les différences.
Dans le rapport de 2009 de l'American Psychological Association, voici ce qu'on recommande pour soutenir l'exploration de l'identité des adolescents:
accepter l'homosexualité et la bisexualité comme des variantes normales et positives de l'orientation sexuelle des personnes;
accepter et soutenir les jeunes lorsqu'ils luttent contre la stigmatisation des minorités sexuelles et lorsqu'ils ont à gérer le sentiment d'isolement que cela peut créer;
adopter des approches axées sur la personne pour aider les jeunes à découvrir leur identité et à vivre d'importants stades du développement, comme l'exploration des valeurs sexuelles, les fréquentations amoureuses et la socialisation ouverte;
réduire les attitudes de rejet de la part de la famille et des pairs, et favoriser le soutien de leur part.
Ce qui est peut-être encore plus utile que la description des thérapies légitimes pour les jeunes et de la différence entre celles-ci et la thérapie de conversion qui est néfaste pour eux, c'est la déclaration de l'American Academy of Child and Adolescent Psychiatry concernant la thérapie de conversion, qui précise que:
Les évaluations exhaustives et les traitements destinés aux jeunes qui visent notamment à explorer tous les aspects de l'identité — y compris l'orientation sexuelle, l'identité de genre et l'expression de genre — ne sont pas des « thérapies de conversion ». Cela est vrai que le jeune éprouve ou non une attirance sexuelle non souhaitée; c'est aussi vrai quand le genre qu'affiche le jeune correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance et qu'on l'explore, sans pression, pour aider le jeune à comprendre son identité de genre dans toute son authenticité. Dans les situations où [...] l'écart entre l'identité de genre et le sexe assigné à la naissance est une cause de détresse pour le jeune, le niveau de soins peut comprendre l'exploration de ce que serait la vie dans un autre genre.
Je suis tout à fait d'accord, et aucune disposition du projet de loi C-6 ne nuirait aux thérapies et aux traitements légitimes que je viens de décrire. Il ne leur nuirait pas parce que la définition de « thérapie de conversion » proposée dans le projet de loi C-6 couvre seulement les pratiques, les traitements et les services conçus pour atteindre un objectif précis, comme celui de changer l'orientation sexuelle d'une personne pour qu'elle devienne hétérosexuelle, ou changer son identité sexuelle pour qu'elle devienne cisgenre. Ces interventions sont donc différentes des thérapies et interventions qui visent, par exemple, à soutenir une personne en respectant sa propre identité, sans chercher à la pousser vers un résultat spécifique.
Je suis convaincu que le projet de loi C-6 favoriserait grandement la création d'un environnement dans lequel tous les enfants qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, et qui explorent ces questions, pourraient se développer sainement.