Madame la Présidente, je prends la parole aujourd'hui non pas pour débattre de la thérapie de conversion coercitive, mais plutôt pour parler de la façon avec laquelle nous interdisons cette pratique néfaste et dommageable. Je veux d'abord qu'une chose soit bien claire: je m'oppose aux tentatives de changer l'orientation sexuelle d'une personne de force. Je condamne cette pratique le plus vigoureusement possible. Elle n'a tout simplement pas sa place au Canada.
Ce qui a toutefois sa place au Canada, c'est la compassion. Au comité de la justice, dont je fais partie, nous avons entendu le témoignage de divers intervenants sur ce projet de loi, dont des survivants de la thérapie de conversion coercitive, des membres de la communauté 2SLGBTQ+, des dirigeants autochtones, des universitaires, des médecins, des avocats et des dirigeants religieux. Je remercie tous les témoins de leur contribution, surtout ceux qui ont eu la force et le courage de raconter leur expérience très personnelle. Il n'a sûrement pas été facile de le faire.
Il est évident pour moi, après avoir entendu ces témoins, lu d'innombrables mémoires et parlé à des dizaines d'habitants de ma circonscription, que l'adhésion à l'interdiction des pratiques coercitives de thérapie de conversion est très forte, et il doit en être ainsi. Cependant, comme c'est le cas pour toutes les mesures législatives, le libellé doit être clair. Il faut que les juges puissent interpréter et appliquer la loi telle qu'elle est écrite et que les Canadiens sachent ce qu'elle interdit et n'interdit pas, à savoir qui elle protège et qui elle ne protège pas. À ce sujet, j'ai entendu dire à maintes reprises que la définition de la thérapie de conversion contenue dans le projet de loi n'est pas claire et a une portée excessive, comme mon collègue vient de le dire, et que cela pourrait avoir des conséquences imprévues.
Les orateurs libéraux précédents disent que ceux qui ont un quelconque doute sont contre les communautés que nous essayons d'aider et que c'est la peur qui les fait parler, et c'est mal et préjudiciable. Le ministre de la Justice a déclaré que le projet de loi n'affecterait pas les conversations de bonne foi, c'est-à-dire des discussions bienveillantes et non coercitives, selon ce que je crois comprendre, avec des médecins, des parents, des conseillers, des chefs religieux ou d'autres personnes vers lesquels les Canadiens, jeunes et vieux, voudraient se tourner pour obtenir du soutien. Cependant, ce n'est pas ce que le projet de loi, tel qu'il est rédigé, prévoit. Pourquoi? Nous le savons tous, ce qui importe, en fait, ce n'est pas ce que le ministre dit que le projet de loi fera, mais plutôt ce que le projet de loi lui-même dit. C'est la loi. C'est ce que les juges appliqueront, de Victoria à St. John's.
Plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité ont réclamé l'amendement du projet de loi pour clarifier sa définition et préciser qu'il ne criminalise pas ces conversations tenues de bonne foi. Il faut interdire les thérapies de conversion coercitives, mais nous devrions nous abstenir de politiser la question et ne pas oublier que nous avons affaire à de vraies personnes ayant de véritables vulnérabilités qui tentent de trouver leur voie et qui ont besoin d'aide à un moment où elles sont particulièrement vulnérables. Nous devons apporter cette clarification, puis aller de l'avant. Le gouvernement devrait jouir de l'appui le plus généralisé possible au sein de la population canadienne pour ce projet de loi: ni plus ni moins.
D'ailleurs, la première fois qu'il s'est adressé au comité au sujet de ce projet de loi, le ministre de la Justice l'a admis, disant: « Je vais m’attarder sur la définition que le projet de loi donne de la thérapie de conversion, car une certaine confusion semble persister quant à sa portée. » Je suis d'accord avec le ministre. Une confusion persiste, une confusion quant à sa portée, une confusion à laquelle nous, parlementaires, avons le devoir de remédier.
André Schutten, conseiller juridique et directeur du droit et des politiques de l'Association for Reformed Political Action Canada, a dit au comité que la définition est ambiguë, trop étendue et trop vague, et qu'elle « inclut des services de counseling et de soutien psychologique utiles pour les enfants, les adolescents et les adultes ».
Colette Aikema a expliqué au comité que le counseling qu'elle a reçu pour l'aider à composer avec les traumatismes qu'elle a vécus, dont de mauvais traitements et le viol, serait criminalisé par cette définition de la thérapie de conversion. Mme Aikema a dit au comité que sa participation volontaire à une thérapie offerte par un conseiller de l'Université de Lethbridge et un groupe confessionnel d'aide aux sexomanes a contribué à sauver son mariage et sa vie. C'était un témoignage percutant dont il faut tenir compte.
Nous avons également entendu Timothy Keslick, un membre de la communauté LGBTQ2S+, qui craint que si l'on ne précise pas davantage la portée du projet de loi, la thérapie sur laquelle il compte pour l'aider à gérer ses relations homosexuelles soit interdite par le projet de loi, puisqu'il s'appliquerait aux traitements qui visent « à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels ».
D'autres ont également exprimé la nécessité de clarifier la définition que le projet de loi donne de la thérapie de conversion...