Madame la Présidente, il y aura 13 ans la semaine prochaine, la Chambre des communes a connu un moment de grande émotion. Le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses pour la façon dont les survivants des pensionnats autochtones ont été traités dans ces établissements scolaires financés par le fédéral partout au pays. Ces excuses représentaient un jalon dans le processus de guérison et de réconciliation pour les anciens pensionnaires.
Un de ces anciens pensionnaires est Bill Sunday, d'Akwesasne, dans ma circonscription, Stormont—Dundas—South Glengarry. À l'époque, le grand chef du conseil, le chef Tim Thompson, était venu en compagnie de sept survivants de la communauté d'Akwesasne afin d'entendre les excuses du gouvernement du Canada. Je pense à Bill ce soir et à tous les résidents d'Akwesasne qui, au fil des générations, ont vécu des épreuves et de la discrimination.
Les excuses prononcées ont mené à l'idée de créer la Commission de vérité et réconciliation au Canada. Comme d'autres l'ont mentionné, le rapport produit en 2015 par la commission comporte des appels à l'action concrets. Pour mettre les choses en perspective, c'était il y a 6 ans; le gouvernement fédéral a eu 2 100 jours pour répondre à ces appels et mettre en œuvre les changements demandés.
Nous sommes actuellement loin de progresser de façon aussi tangible et rapide que les Canadiens le souhaitent. Un peu plus d'une poignée d'appels à l'action ont été désignés comme mis en œuvre; d'autres sont en cours. Cependant, si nous demandions l'avis des Canadiens autochtones, des dirigeants des Premières Nations ou de n'importe quel autre Canadien, ils nous diraient tous que le rythme auquel les changements se sont faits et auquel le processus de réconciliation a avancé ces six dernières années est insuffisant.
Lundi, notre chef, le chef de l'opposition officielle, a écrit une lettre au premier ministre et, au cours des deux derniers jours, tous les partis ont travaillé ensemble pour faire adopter le projet de loi C-5, qui porte sur la désignation d'une journée pour la vérité et la réconciliation. C'est une bonne initiative. C'était l'un des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Notre chef a également écrit dans sa lettre que le projet de loi dont nous sommes saisis ce soir devait passer à la prochaine étape, ce qui se fera ce soir, et finalement être adopté. Le projet de loi sera adopté avec l'appui de notre caucus et, je crois, de tout le Parlement.
Qu'on me comprenne bien, il s'agit d'une mesure importante. Toutefois, et je dis cela respectueusement, quand on examine toutes les mesures qu'il faut adopter, on constate que la véritable réconciliation est encore loin. Il y a beaucoup de problèmes graves auxquels le Parlement et le pays doivent s'attaquer rapidement en vue de les régler.
Je tiens à souligner les discussions entourant une autre mesure législative, le projet de loi C-15, qui a fait l'objet de nombreuses heures de débat à la Chambre et au comité et qui se trouve maintenant au Sénat. J'ai eu l'honneur et le privilège de prendre la parole au sujet du projet de loi et j'en ai examiné les détails avec mon point de vue de jeune Canadien, de personne qui compte une communauté des Premières Nations, Akwesasne, dans sa circonscription et de membre du caucus conservateur. Je tiens à parler de l'opposition au projet de loi C-15, non pas parce qu'on n'appuie pas la réconciliation, mais pour montrer aux Canadiens que le travail des parlementaires est loin d'être terminé et que nous le savons. Ce que j'ai remarqué aujourd'hui, alors qu'on parlait de la motion, c'est que nous devons faire un meilleur travail à la Chambre.
Prenons l'exemple du projet de loi C-15 et de beaucoup des termes et des descriptions qu'il contient, par exemple celle d'un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ainsi que sa définition, ou plutôt l'absence de celle-ci. La motion de l'opposition proposée par le NPD aujourd'hui est importante, et je suis fier de l'appuyer. Les premiers éléments de la motion font référence à la fin des contestations judiciaires, dans le cadre desquelles le gouvernement, les communautés des Premières Nations et les survivants des pensionnats passent des années et dépensent des millions, ce qui ne fait qu'aviver les émotions. Cette situation est exacerbée par le fait que nous n'avons pas pris le temps de tenir de consultations ni de régler les détails.
J'appuie entièrement l'idée de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les principes qui la sous-tendent. Les détails comptent en l'occurrence. Je pense qu'il est important pour les Canadiens que des changements réels et significatifs s'opèrent au pays; c'est ce que la motion du NPD a précisé aujourd'hui, et c'est ce que le Parlement demandera lors du vote qui aura lieu dans les prochains jours. Nous ne voulons pas d'autres poursuites, d'autres retards, d'autres motions et d'autres millions de dollars dépensés pour des avocats. Nous voulons plutôt des changements de premier plan pour les communautés des Premières Nations et les Canadiens autochtones dans toutes les régions du pays.
Ce soir, je voudrais m'attarder un peu sur le fait que nous accélérons l'adoption du projet de loi, grâce à la collaboration de tous les partis, parce qu'il faut agir de toute urgence pour concrétiser d'autres appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, et c'est ce que disent aussi les Canadiens.
Quand je pense à la nouvelle que chaque Canadien a dû absorber au cours de la dernière semaine, à la découverte de 215 enfants dans des tombes anonymes à l'ancien pensionnat autochtone de Kamloops, je contemple le chemin que j'ai parcouru, je pense à ce que j'ai vécu. J'ai 33 ans. J'ai grandi dans une famille extraordinaire, aimante. Je suis tellement reconnaissant envers tous ceux qui ont participé à mon éducation: les enseignants, le personnel et les élèves de l'école publique Inkerman, de l'école publique Nationview et de l'école secondaire du district North Dundas. Ma famille et mon expérience dans le réseau public de l'éducation ont contribué à façonner la personne que je suis aujourd'hui.
Je ne pourrais pas imaginer être un enfant arraché à ses parents pour ne plus jamais les revoir, puis me retrouver dans une école à des centaines de kilomètres de chez moi pour y être terriblement maltraité. On a exposé un exemple du genre la semaine dernière. Des enfants ont été enterrés dans des tombes anonymes, tombes qui viennent seulement d'être découvertes. Ces enfants n'ont pas eu les possibilités que beaucoup d'entre nous avons eu la chance d'avoir, en étant entourés de parents aimants dans un système d'éducation sans égal offrant une expérience scolaire exemplaire. Il est tout simplement inacceptable que ces enfants aient été privés de cela, qu'ils aient fini leurs jours ainsi.
Dans la lettre que j'ai mentionnée, nous parlons du travail que doit accomplir le Parlement. Nous devons confronter ce volet particulier et sombre de notre histoire. Quelqu'un m'a corrigé, à juste titre, quand j'ai publié un texte dans les médias sociaux alors que je cherchais une façon adéquate de réagir à cette nouvelle. Quelqu'un m'a rappelé que ce n'est pas de l'histoire ancienne, qu'il y a encore des survivants des pensionnats autochtones qui revivent cette expérience chaque jour. Ces faits n'ont rien d'historique pour eux. Il s'agit d'une expérience personnelle avec laquelle ils doivent se débattre et composer chaque jour.
Je crois que les parlementaires de tous les partis et de toutes les régions du pays entendront que oui, nous devons appuyer le projet de loi C-5. Il faut aussi appuyer le projet de loi C-8. Il faut financer les recherches dans tous les anciens pensionnats autochtones où pourraient se trouver des tombes anonymes, y compris à l'endroit où 215 enfants ont déjà été découverts à Kamloops. Il faut allouer des ressources suffisantes pour que les personnes découvertes dans ces sites soient inhumées de nouveau et commémorées comme le souhaitent leur famille. Nous devons aussi élaborer sans tarder une approche détaillée et constructive afin de sensibiliser les Canadiens à la réalité et à l'expérience de ces personnes.
Je vais terminer mes observations de la soirée en revenant à ma communauté de l'Est de l'Ontario. Comme mot de la fin, je pense à Leona Cook, une aînée d'Akwesasne. Elle vit aujourd'hui du côté américain d'Akwesasne, mais son histoire a une large portée. Elle a été forcée de quitter Massena pour aller dans un pensionnat autochtone situé dans l'Ouest de l'État de New York, dans la région de Buffalo-Niagara Falls. Cette tragédie transcende les frontières. Ses souliers lui ont été arrachés quand elle est arrivée à l'école. Ses frères ont aussi été placés dans ce pensionnat, mais dans une section différente du campus. Elle ne les voyait que très rarement, voire pas du tout.
Pendant que je préparais mes observations, j'ai regardé une vidéo de Leona où elle déclarait ce qui suit: « Je ne veux pas de leurs excuses. Je ne veux rien d'eux. J'espère seulement qu'ils ont appris à traiter les gens avec plus de respect que la façon dont ils nous ont traités. Vous ne pouvez pas forcer une personne à être ce qu'elle ne veut pas être. »
Nous pouvons tirer des leçons des paroles de Leona Cook, les intégrer dans notre travail et aller de l'avant pour mettre en œuvre de grandes portions du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation qui sont importantes pour les Canadiens.
J'ai hâte d'entendre les questions et observations et les appuis au projet de loi sur lequel nous nous penchons.