Madame la Présidente, nous sommes ici aujourd'hui en raison de ce qui est probablement la situation la plus déplorable depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement. Si elle n'est pas la plus déplorable, elle fait partie des plus déplorables.
D'abord, il est triste de penser que des hommes et des femmes, qui font partie de nos forces armées et qui sont là pour nous protéger, sont victimes de harcèlement sexuel ou de toutes sortes d'attitudes qui sont inacceptables dans une société qui se respecte. Il est triste de penser que ces jeunes femmes et ces jeunes hommes sont des victimes.
Non seulement cela est triste, mais il est également inacceptable que ces officiers censés diriger les forces armées se livrent à de tels comportements. Ce n'est pas acceptable, et ce qu'ils font vivre à ces gens est horrible. Nous n'avons pas le droit de tolérer cela.
Finalement, après avoir été triste et inacceptable, la situation est honteuse. Elle l'est, parce qu'on a ici un gouvernement qui ne voit rien, qui ne veut rien voir et qui ne fait rien.
On a le rapport de la juge Deschamps depuis 2015. Cela fait six ans qu'on sait qu'il y a des choses à faire. Or, on ne les a pas faites. On a pris le beau rapport, on l'a mis sur une tablette, et on l'a oublié. La responsabilité ministérielle a un drôle de sens au sein de ce gouvernement.
Je siège à un comité où la Chambre des communes, le 25 mars, a ordonné à des individus de comparaître pour témoigner de choses qu'ils savent, et des ministres de ce gouvernement donnent ordre à leurs employés de ne pas obéir aux ordres de la Chambre, de ne pas se présenter pour témoigner. Des ministres décident que c'est à eux d'y aller et que c'est cela, le principe de la responsabilité ministérielle: devoir répondre à la place des gens qui travaillent pour eux. Or, ce n'est pas cela, la responsabilité ministérielle. On ne peut pas répondre à des questions dont on ne connaît pas les réponses, parce que ce sont les employés qui les connaissent. Cela est manifeste. C'est le gros bon sens. La responsabilité ministérielle, c'est ce dont nous parlons aujourd'hui.
Les conservateurs demandent, et je les comprends, que le premier ministre congédie sa cheffe de cabinet. Cela ne semble pas avoir de bon sens. Toutefois, si l'on suit la logique du premier ministre, c'est là que cela nous mène.
Le premier ministre dit qu'il n'est au courant de rien. On sait maintenant que le ministre des Finances le savait, que le greffier du Conseil privé le savait, et que sa cheffe de cabinet le savait. En fait, on sait que tout le monde le savait, à part lui.
De plus, le premier ministre n'a pas toujours offert la même version. Si l'on suit celle en vertu de laquelle sa cheffe de cabinet ne lui aurait pas dit ce qui s'était passé, alors qu'on sait à quel point c'est grave, la logique voudrait bien sûr qu'il la congédie. Or, il ne l'a pas fait. Je ne pense pas que le premier ministre soit « nono ». Je lui accorde un minimum d'intelligence et de capacité à gérer les affaires de l'État. Comment se fait-il alors qu'il n'ait pas congédié sa cheffe de cabinet, qui lui aurait caché une affaire aussi importante?
La seule explication que je peux trouver est qu'elle ne le lui a pas caché. Il le savait, mais il n'a pas pris ses responsabilités, comme il le fait tout le temps. Lors du scandale UNIS, il a envoyé son ministre des Finances sous les roues de l'autobus. Là, c'est peut-être le ministre de la Défense nationale qui devrait aller rejoindre l'ancien ministre des Finances.
La cheffe de cabinet fait son travail. Je ne trouve pas sympathique qu'elle fût au courant de l'affaire et que rien ne se soit passé. Cependant, je pense que ce n'est pas tant sa faute à elle que celle du premier ministre. Ultimement, de qui est-ce vraiment la faute lorsque l'on regarde l'ensemble des faits connus jusqu'à maintenant?
La situation était inacceptable, je ne reviendrai pas là-dessus. Toutefois, il y a l'ombudsman qui a été saisi de cette situation. Ce n'est pas rien: la personne est allée voir l'ombudsman qui, lui, est allé voir le ministre de la Défense nationale. Ce dernier lui a dit qu'il ne voulait pas voir ni entendre cela, que cette affaire l'achalait, qu'il ne savait pas trop quoi en faire. Nous avons ici l'antithèse de la responsabilité ministérielle.
La personne responsable de ce qui se passe dans l'organisme qu'il chapeaute, c'est le ministre. C'était le travail du ministre de s'interroger sur le fait que le chef d'état-major faisait l'objet d'accusations de comportements inadéquats. Il aurait donc fallu qu'il suspende le chef d'état-major, avec solde s'il le fallait, et qu'il mène enquête, aille au fond des choses et prenne les mesures qui auraient dû être prises.
Se cacher en disant qu'on ne veut rien savoir, qu'on n'est pas la bonne personne à qui en parler et qu'il faudrait plutôt aller voir quelqu'un d'autre — on ne sait trop qui, où, quand ni comment — est surprenant. Il se passe quelque chose de grave au sein du ministère de la Défense et dans les Forces armées canadiennes. Le ministre devrait faire son travail au lieu de faire la sourde oreille et de jouer à cache-cache.
Le premier ministre joue à cache-cache lui aussi. C'est à qui se cachera derrière l'autre. Les versions changent de semaine en semaine. Encore une fois, je comprends la motion des conservateurs. Il est un peu exaspérant de se faire dire des choses comme cela. On croirait des enfants: ce n'est pas moi, c'est l'autre, je ne le savais pas, elle ne me l'avait pas dit. Si elle ne l'a pas dit, il faut la congédier.
C'est le premier ministre et son ministre de la Défense nationale que je veux entendre sur ce qui s'est vraiment passé. J'aimerais qu'ils essaient de concilier les différentes versions qu'ils nous ont données jusqu'à maintenant. Comme peuvent-ils ne pas l'avoir su pour ensuite l'avoir su juste un peu, mais pas tout à fait, ni qui, comment, où et combien? Comment cela se peut-il? Comment peut-on changer d'idée comme on change de chemise?
J'aimerais entendre le premier ministre. J'aimerais savoir comment il se fait qu'il n'ait pas congédié sa cheffe de cabinet si elle lui a vraiment caché une situation comme celle-là. C'est prendre les députés et la population pour des valises, car c'est grave, ce qui se passe dans les Forces armées canadiennes. Il faut réagir et, encore une fois, je comprends la motion des conservateurs.
Malheureusement, le Bloc québécois risque de voter contre cette motion. Ce n'est pas parce que la situation est inintéressante: elle est grave. Il s'agit d'un des plus gros scandales de ce gouvernement qui est au pouvoir depuis six ans. Il y en a d'autres et on pourrait en parler longtemps. Cependant, la personne qui doit rendre des comptes en vertu du principe de la responsabilité ministérielle, c'est le ministre de la Défense nationale. C'est lui qui est à la tête de ce ministère, c'est lui qui gère ses composantes, dont les Forces armées canadiennes, c'est lui qui doit rendre des comptes. Le premier ministre doit lui aussi rendre des comptes. Son ministre et lui doivent cesser de se cacher comme des enfants l'un derrière l'autre et derrière leurs employés.
Selon une des versions que j'ai, le ministre de la Défense nationale est allé jusqu'à dire que les allégations contre le général Vance n'avaient pas vraiment d'importance. Si de telles allégations n'ont pas d'importance pour le ministre de la Défense, je ne sais pas ce qui est important pour lui. Encore une fois, la chose qu'il devait faire quand il a su, quand l'ombudsman est venu le voir, c'était de se lever et de se tenir debout comme un ministre responsable et de dire à l'ombudsman de lui laisser le dossier dans les mains, qu'il s'en occuperait et que cela ne se passerait pas comme cela tant qu'il serait ministre de la Défense nationale. Voilà ce qu'il aurait dû dire. Cependant, ce n'est pas ce qu'il a dit, préférant plutôt ne pas écouter l'ombudsman. Aujourd'hui, il en paie le prix, puisque tout le gouvernement est aux prises avec un scandale déplorable parce que personne n'a voulu prendre ses responsabilités.
Pour toutes ces raisons, j'annonce que nous allons voter contre cette motion même si, encore une fois, la situation est tout ce qu'il y a de plus déplorable et mérite d'être sanctionnée. J'aimerais que le premier ministre et le ministre de la Défense acceptent de venir témoigner et que nous ayons un compte rendu détaillé, exact, clair et cohérent de ce qui s'est passé. Nous ne voulons plus de cachotteries, plus de faux-fuyants, plus d'histoires dignes d'enfants dans une cour d'école, comme ces « je ne l'ai pas vu », « je l'ai vu à peu près », « je ne le savais pas », « l'ombudsman me l'a dit, mais il ne m'a pas tout dit », « il ne m'a pas dit que c'était vraiment grave », « il m'a dit qu'on ne savait pas trop ». Je veux un ministre et un premier ministre responsable.