Madame la Présidente, j'ai le grand plaisir de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre en virtuel pour me prononcer sur le projet de loi C-10.
Comme plusieurs de mes collègues, j'apprécie cette possibilité de m'exprimer sur ce projet de loi. Pour l'Acadien que je suis et pour toute ma communauté acadienne, le projet de loi C-10 aura des répercussions très marquées sur la survie de notre magnifique culture acadienne, qui me tient très à cœur et qui mérite aussi d'être promue et protégée.
Étant donné que le numérique explose plus que jamais, nous sommes placés devant le fait que la Loi sur la radiodiffusion, vieille de 28 ans, doit sans tarder être modernisée pour répondre adéquatement à l'évolution d'Internet et à l'arrivée massive des réseaux sociaux et des services en ligne comme Facebook, Google, Netflix, Crave et Spotify, parmi d'autres.
La modernisation de la Loi ne veut pas obligatoirement dire d'abolir le passé, d'oublier ce qui a forgé notre histoire jusqu'à aujourd'hui ou de l'omettre de notre avenir pour assurer sa continuité et sa préservation, comme la culture acadienne.
Dans son mémoire déposé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes lors du renouvellement des licences de la société CBC/Radio-Canada, la Société nationale de l'Acadie a rappelé qu'elle avait eu à intervenir à plusieurs reprises auprès de Radio-Canada pour l'appuyer, mais malheureusement aussi pour lui rappeler trop souvent les exigences de son mandat.
En tant que fier Acadien et pour l'Acadie tout entière, il est clair que le mandat national de la SRC et son financement public, auxquels les citoyens et les citoyennes de l'Acadie contribuent au même titre que tous les Canadiens et les Canadiennes, sont les seuls garants de ces services et ils doivent être non seulement préservés à tout prix, mais aussi respectés. S'ils ne le sont pas, il est essentiel que des mesures coercitives soient imposées et que ces dernières soient clairement incluses dans le projet de loi C-10, ce qui n'est pas le cas.
La SNA est la représentante officielle de l'ensemble du peuple acadien. Elle assure la promotion des droits et des intérêts des Acadiens et des Acadiennes de l'Atlantique. Je profite de cette occasion pour la féliciter pour son travail et pour ses efforts dans la préservation de la magnifique culture acadienne.
Bien que le projet de loi souhaite modifier la Loi sur la radiodiffusion sur plusieurs points, comme l'ajout de sites Web diffusant ou rediffusant des émissions comme catégorie distincte d'entreprise de radiodiffusion, il souhaite mettre à jour la politique canadienne de radiodiffusion énoncée à l'article 3 pour, par exemple, offrir aux Autochtones une programmation en langues autochtones qui reflète leurs cultures.
Je considère que le projet de loi C-10 doit aller encore plus loin afin d'assurer la présence et la conservation de certains patrimoines comme la culture acadienne. Je suis absolument d'accord qu'il faut moderniser la Loi, au même titre qu'il faut absolument moderniser la Loi sur les langues officielles. De ce côté-ci de la Chambre, nous souhaitons pouvoir voter sur un projet de loi qui sera équitable pour les producteurs et les diffuseurs canadiens.
Cela fait déjà plusieurs années que l'ensemble de la population canadienne déplore l'injustice que représente le fait que Netflix ne paie aucun impôt au Canada. L'objectif est de trouver un équilibre entre les médias conventionnels et numériques, ainsi que dans les contenus.
Je suis tout à fait en accord avec cet objectif. La population francophone de la Nouvelle-Écosse, qui écoute la chaîne de Radio-Canada dont la station est située à Halifax, s'insurge d'être beaucoup plus au courant des bouchons de circulation à Montréal ou sur le pont Samuel-de-Champlain que de pouvoir écouter les artistes de la Nouvelle-Écosse.
Il faut souligner que le cas des provinces de l'Atlantique est particulier. Il n'y a qu'un seul centre de production télévisuelle, appuyé de trois centres de production radiophonique, pour desservir les quatre provinces. Il s'agit d'une spécificité que nous avions souhaitée pour que l'Acadie puisse être reflétée dans son ensemble unique, avec pour but manifeste de promouvoir et de protéger la culture acadienne.
Malheureusement, lorsque la Société Radio-Canada ne respecte pas ses engagements, même si des plaintes sont déposées auprès du CRTC, la SRC s'en sort la plupart du temps sans pénalité puisqu'elle n'est pas assujettie aux mêmes règlements que les autres radiodiffuseurs du Canada.
En 2021, il est inadmissible que cette exemption soit encore accordée et elle doit être retirée par l'entremise du projet de loi C-10. Il est vital que le pourcentage de contenu canadien soit respecté à la lettre et que chaque région du Canada puisse également faire respecter son contenu culturel local.
Les conservateurs souhaitent une réglementation équitable entre les médias numériques et les radiodiffuseurs conventionnels. Mes collègues conservateurs et moi ne serons en mesure d'appuyer la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion que si elle inclut des exigences supplémentaires claires et non négociables en termes de contenu francophone.
Dans le cadre du renouvellement des licences de la Société Radio-Canada, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse a rappelé, dans son mémoire présenté le 13 janvier dernier au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, que les Acadiens de la Nouvelle-Écosse n'ont eu accès à une éducation en français au niveau élémentaire qu'à partir de 1981. Il a fallu une bataille juridique jusqu'à la Cour suprême du Canada pour finalement obtenir en 2003 l'accès à une éducation en français dans les écoles homogènes au niveau secondaire. Privés de cette éducation en français, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse se sont assimilés à une vitesse effrayante. Entre 1981 et 1996, le nombre d'Acadiens de la Nouvelle-Écosse parlant français est ainsi passé de 80 000 à 42 000 personnes.
Au printemps et à l'automne 2019, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse a mené une vaste consultation provinciale sur l'insécurité linguistique. Les participants ont tous dit avoir vécu une insécurité linguistique, un inconfort ou de la réticence à s'exprimer en français, voire le sentiment de ne pas se sentir adéquat en français. Ces chiffres m’attristent beaucoup et le manque de connaissance de la communauté acadienne de Nouvelle-Écosse de la part du public canadien contribue à ce sentiment d'insécurité linguistique.
Il faut créer du contenu local pour se reconnaître dans les médias. La seule et unique mesure pour accroître la place du français consiste à remplacer la mention à l'article 3 qui l'affaiblit davantage. Il s'agit d'un pas en arrière tout à fait inacceptable, qui représente une approche beaucoup plus vague, et surtout beaucoup plus faible, que ce que la Loi prévoit pour le contenu autochtone, à titre d'exemple.
Il s'agit d'un autre exemple des contradictions de ce gouvernement libéral. Ce dernier affaiblit une mesure législative essentielle qui est déjà faible, tout en faisant croire aux communautés francophones de partout au Canada qu'il va présenter un projet de loi modernisant la Loi sur les langues officielles, lequel aurait comme préoccupations premières la promotion et la protection de la langue française pour toutes les communautés francophones en milieu minoritaire. Cela n'a aucun sens.
Compte tenu de tous ces points, il me serait impossible de voter pour le présent projet de loi sans un engagement ferme du gouvernement à revoir en profondeur tous les amendements nécessaires pour bonifier ce projet de loi afin d'assurer au contenu canadien acadien et francophone l'avenir qu'il mérite.