Madame la Présidente, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-231. À première vue, on pourrait y voir une noble tentative de veiller à ce que nos fonds de pension soient gérés exclusivement dans l'intérêt général, mais le vieil adage veut que le comment soit encore plus important que le quoi. Autrement dit, le diable est dans les détails, et comme le député de Cowichan—Malahat—Langford a peur du diable, il a évité d'inclure certains détails au sein du projet de loi qu'il parraine.
Le député propose de modifier la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada pour créer une nouvelle exigence, qui stipule ce qui suit:
Les principes, normes et procédures en matière de placement doivent prévoir, eu égard aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, qu’aucun placement ne peut être effectué ou détenu dans une entité s’il y a des raisons de croire que l’entité a accompli des actes ou effectué des travaux allant à l’encontre des pratiques commerciales éthiques, notamment si l’entité a...
[...] commis des violations des droits de la personne, des droits des travailleurs ou des droits relatifs à l’environnement...
Que signifie toute cette terminologie que le député emploie sans toutefois la définir? Difficile de comprendre ce qu'affirme le député, car il n'a pas parlé de l'arbitre qui aurait éventuellement un rôle à jouer quelque part dans le système canadien et qui pourrait déterminer si des pratiques commerciales sont contraires à l'éthique ou si des droits de la personne, des droits des travailleurs ou des droits relatifs à l'environnement ont été violés d'une manière ou d'une autre. Il nous laisse imaginer ce qu'il entend par les termes qu'il utilise.
En ce qui a trait aux pratiques commerciales éthiques, nous savons que certains députés néo-démocrates jugent que c'est contraire à l'éthique pour les entreprises de réaliser le moindre profit. Si l'on exclut les entreprises rentables du portfolio du Régime de pensions du Canada, on risque assurément d'appauvrir les Canadiens qui comptent sur le rendement de ce portfolio pour vivre une retraite dans la dignité.
Passons aux autres critères qui, selon le député, devraient exclure une entreprise et empêcher le Régime de pensions du Canada d'y investir. Il parle des violations des droits relatifs à l'environnement. Il écrit que ce serait une violation de ces droits d'investir dans les entreprises pétrolières et gazières. Il déplore que, et je cite, « l'Office d'investissement du RPC investit des milliards de dollars dans le secteur pétrolier et gazier », pratique que, présumément, le député interdirait si le projet de loi était adopté. L'office responsable de notre fonds de pension n'aurait pas le droit d'investir dans la plus grande industrie exportatrice du Canada, l'industrie pétrolière et gazière, qui crée plus d'emplois pour les Canadiens autochtones que n'importe quelle autre industrie du secteur privé. Notre secteur des ressources n'aura pas le droit de recevoir des investissements de notre régime de pension, à un moment où les Albertains songent à se retirer carrément du Régime de pensions du Canada parce que la population de cette province est beaucoup plus jeune et y contribue beaucoup plus par habitant que les huit autres provinces qui y participent. Le député voudrait que nous regardions les Albertains dans les yeux et que nous leur disions qu'ils ne devraient pas abandonner le Régime de pensions du Canada, même si son office d'investissement interdit explicitement aux gestionnaires de régime d'investir dans la plus grande industrie de l'Alberta. Quelle insulte pour les hommes et les femmes qui ont travaillé tant d'années dans cette industrie et qui ont fait tant de bien à notre fédération!
En ce qui concerne la définition étendue que le projet de loi donne aux pratiques commerciales non éthiques, j'ai demandé à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada quels types d'entreprises d'ici n'auraient plus droit aux investissements canadiens. On m'a répondu que l'Office ne serait tout simplement plus autorisé à investir dans les 10 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Toronto, c'est-à-dire les 10 plus importantes capitalisations boursières. Ce sont des entreprises comme Shopify, Enbridge et la Banque Royale. Ces 10 entreprises, qui emploient littéralement des millions de Canadiens, ne seraient plus autorisées à recevoir des investissements du fonds de pension auquel elles participent.
Je ne sais pas si telle était l'intention du député. En fait, j'en doute fort, mais là n'est pas la question. La rédaction des lois ressemble à la programmation informatique: la machine suit les instructions contenues dans le programme. S'il est établi que l'Office doit cesser d'investir dans toutes ces entités, les gestionnaires seront obligés de le faire. En fait, si les principes de ce projet de loi devaient s'appliquer, on peut se demander si l'Office pourrait acheter des obligations du gouvernement du Canada. L'Office pense qu'il serait autorisé à acheter seulement des obligations du gouvernement du Canada si le projet de loi était adopté. Je pense qu'il ne pourrait même pas le faire.
Pensons-y un instant. Le gouvernement libéral ne peut pas fournir de l'eau potable aux Premières Nations, ce qui viole les droits de la personne. En raison de l'incompétence des ministres fédéraux qui n'arrivent pas à tenir leur promesse d'assurer un approvisionnement en eau potable, le gouvernement lui-même pourrait être exclu des investissements de l'Office. Le gouvernement a rompu ses promesses en matière d'environnement. Pas un seul arbre n'a été planté. On pourrait considérer qu'il s'agit d'une violation des droits relatifs à l'environnement. Le gouvernement a autorisé la Ville de Montréal à déverser des millions de litres d'eaux usées non traitées dans nos cours d'eau, ce qui représente une autre violation des droits relatifs à l'environnement. Pourrions-nous acheter des obligations à la Ville de Montréal ou au gouvernement du Canada à la suite de telles violations? Bien sûr que non.
Comme ce projet de loi est mal conçu, il serait déraisonnable de le mettre en œuvre, même si l'intention qui le sous-tend est louable. Cependant, il nous donne l'occasion de discuter d'un nouveau risque qui prend de l'ampleur et dont je m'inquiète sans trop en parler depuis longtemps. L'Office d'investissement du RPC a été dépolitisé dans les années 1990. C'était alors une coquille vide au bord de la faillite qui était très politisée et qui confiait l'administration des fonds à des politiciens. Le gouvernement libéral de l'époque a donc décidé, à juste titre, de ne plus confier la gestion du fonds de pension des Canadiens à des politiciens cupides et incompétents, et de le faire administrer plutôt par un groupe de professionnels du secteur privé qui allaient investir l'argent et obtenir un rendement.
Depuis ce temps, ce régime insolvable a constitué un fonds de 456 milliards de dollars, soit près d'un demi-billion de dollars. J'ai hésité avant d'en parler dans cette enceinte, car de nombreux politiciens vont écarquiller les yeux en se disant: « Oh, mon Dieu, ce que pourrions en faire, des choses, avec une pareille somme! » Ils penseront à tous les stratagèmes qu'ils pourraient élaborer pour distribuer un demi-billion de dollars. Ils s'en frottent déjà les mains; si seulement les gens qui nous regardent à la maison pouvaient les voir. Il y a des politiciens qui se font exactement cette réflexion en se frottant les mains.
Je me permets de donner un exemple pour montrer que le gouvernement tire déjà parti de la situation. Le premier ministre répète constamment que le Canada affiche le meilleur rapport-dette PIB des pays du G7. C'est vrai, mais il n'y est pour rien, car son gouvernement a hérité d'une situation favorable. En fait, la seule raison qui explique ce meilleur ratio tient au fait que ces 456 milliards de dollars sont déduits de la dette brute, ce qui abaisse considérablement la dette nationale nette et donne l'impression qu'elle est peu élevée.
Le gouvernement envisage déjà de justifier ses dépenses irresponsables en utilisant cet argent, qui représente 20 % du PIB. Si le gouvernement continue à dépenser au rythme actuel, combien de temps faudra-t-il avant qu'il ne commence à dire qu'il n'a plus d'argent, que les ressources financières de l'État sont épuisées et qu'il faut maintenant songer à puiser dans cette formidable réserve que les Canadiens ont mis de côté?
Les conservateurs se battront bec et ongles pour empêcher les politiciens de toucher aux pensions des Canadiens. Or, cette possibilité se profile déjà à l'horizon. Il suffit de penser à l'ancienne ministre de l'environnement qui a exhorté l'Office d'investissement du RPC à investir dans ses projets environnementaux favoris ou à ce qui s'est passé quand le gouvernement de l'Ontario a failli mettre en faillite le réseau électrique provincial en faisant exactement la même chose.
Nous savons que nombreux sont ceux qui voudraient cesser de financer le secteur de l'énergie. Nous conservateurs, nous battrons pour que le RPC reste dépolitisé et qu'il serve uniquement à donner un rendement honnête aux salariés canadiens qui travaillent dur et aux retraités qui comptent sur ce fonds.